UN CRIME À SAINTE-ENGRÂCE EN SOULE AU PAYS BASQUE EN JUIN 1939 (première partie)
UN CRIME À SAINTE-ENGRÂCE EN 1939.
En juin 1939, le village de Sainte-Engrâce est secoué par le crime de deux soldats Espagnols.
EGLISE ET MONTAGNES STE-ENGRACE SOULE PAYS BASQUE D'ANTAN
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien La Dépêche, le 5 juin 1939, sous la plume de Georges
Naychent :
"Un crime horrible et mystérieux au Pays Basque.
Les cadavres décapités de deux Espagnols sont découverts en pleine montagne.
De notre envoyé spécial :
Licq-Atherey, 4 juin. — Ce matin, au petit jour, des bergers ont découvert en pleine montagne, à plus de trois heures de marche du village de Licq-Atherey, au-dessus des gorges de Kakouetta, les cadavres de deux Espagnols décapités. Auprès d'eux se trouvaient des fusils brisés.
S'agit-il de républicains évadés d'un camp de concentration franquiste et poursuivis par des patrouilles jusque sur le territoire français ? L'hypothèse n'est pas invraisemblable, quoique la frontière soit encore à une heure de marche de l'endroit où se trouvent les corps.
On peut supposer aussi qu'une discussion avant éclaté entre évadés pour des motifs d'intérêt, il s'en est suivi une agression ; un moment plus tard, les deux hommes auraient été abattus alors qu'ils se reposaient, puis décapités.
Le capitaine de gendarmerie Gautier, de la brigade d'Oloron, s'est rendu sur les lieux pour continuer l'enquête commencée par la brigade de Licq-Atherey.
Le parquet de Bayonne est attendu. Les cadavres seront descendus à dos de mulet à la fin de l'après-midi.
Selon certains renseignements qui ont besoin d'être contrôlés par le médecin-légiste, ce double crime remonterait à cinq ou six jours.
S'agit-il d'un rescapé ?
On fait un rapprochement entre ces faits et le passage mardi dernier à la caserne des Douanes de Sainte-Engrâce d'un évadé d'Espagne qui portait une blessure à la tête.
Cet homme déclara aux douaniers qu'avec deux de ses compagnons il avait été surpris par une patrouille franquiste. Frappé d'un coup de crosse, il avait pu s'échapper, tandis que ses camarades restaient prisonniers.
Cependant, selon lui, la scène se serait déroulée dans la montagne espagnole. L'évadé se trouve actuellement au camp de Gurs.
On attache naturellement une grande importance à son témoignage.
L'enquête.
En attendant le parquet, le capitaine Gautier est allé interroger le fermier chez lequel se présenta, nu-tête et sans souliers, le réfugié espagnol.
— Je me suis évadé d'un camp de concentration situé entre Saragosse et Huesca, dit l'homme, et j'ai fini par atteindre la frontière après avoir soigneusement évité la traversée des villages.
Il ajouta qu'ayant franchi sans encombre la localité d'Isaba, dernier village avant la frontière, il s'était engagé dans la montagne où il avait fait une chute sur un rocher.
Or, un peu plus tard, il déclarait aux douaniers de Sainte-Engrâce que ses blessures provenaient d'un coup de crosse donné par un garde civil.
A la gendarmerie de Licq-Atherey, à 15 heures, il déclinait son identité : Valentin Lancuen Estalcon, 24 ans, né à Uncastillo. Il ajoutait qu'il avait une sœur à Oloron et que sa mère était emprisonnée en Espagne.
En cherchant une brebis...
Ce n'est pas ce matin mais dans l'après-midi de samedi que le berger Jean Jonnet cherchant une brebis égarée dans le col d'Ourdayté, découvrit les deux corps décapités. Auprès d'eux, il remarqua les restes d'un feu de campement et divers objets : un fusil brisé, trois paires die chaussures, trois bérets, des cartes à jouer, un étui de revolver.
Le Basque n'aperçut pas les têtes que l'assassin dut jeter dans quelque crevasse. Elles sont d'ailleurs demeurées jusqu'ici introuvables.
Il se faisait tard et le chemin était trop long pour prévenir immédiatement la caserne de gendarmerie la plus proche. Ce n'est que le lendemain matin que M. Jean Jonnet put signaler sa macabre découverte.
Le Parquet et la Police Mobile entendent des témoins.
Vers 15 h. 30, le parquet de Bayonne composé de MM. Boutemaye, substitut du procureur de la République, et Déleris, juge d'instruction, arrive en voiture à proximité du bourg de Sainte-Engrâce en compagnie de M. le commissaire Claverie, chef de la 17e brigade régionale de police mobile, et Barbashe, médecin légiste à Bayonne.
A la mairie, plusieurs personnes sont entendues, notamment le maire, le fermier qui hébergea durant quelques minutes Lancuen Estaban, et Mme Unguraturu, qui tient une auberge où se restaura le réfugié. Il n'était d'ailleurs pas le seul car deux autres fuyards ayant passé la frontière ce jour-là, s'étaient également présentés dans cet établissement.
Lancuen paraissait ne pas connaître ces deux hommes qui déclarèrent avoir franchi la frontière par un autre col.
L'évadé sera conduit sur les lieux du crime.
L'heure étant trop tardive pour aller jusqu'au col d'Ourdayte, le capitaine Gautier suggère de remettre à 6 heures du matin demain le transport de justice, la garde des cadavres étant assurée pendant la nuit par quatre gendarmes.
Le parquet se rallie à cette proposition.
Entre-temps, deux inspecteurs de la police mobile sont allés chercher Lancuen Esteban au camp de Gurs. Le réfugié espagnol, qui couchera cette nuit à la gendarmerie de Tardets, sera conduit sur les lieux du drame où il aura à fournir quelques explications
Reconnaîtra-t-il les corps décapités comme étant ceux des deux compagnons dont il parla aux douaniers et aux gendarmes ?
Il s'agira également de savoir dans quelles conditions exactement il reçut sa blessure à la tête.
Ce drame mystérieux fait naturellement l'objet de toutes les conversations à Tardets, à Licq-Athérey et Sainte-Engrâce.
Toutes les suppositions se donnent libre cours mais le transport de justice qui doit être effectué demain matin lundi dans le col d'Ourdayte fera peut-être la lumière sur l'horrible tragédie.
L'autopsie sera pratiquée sur place par M. le docteur Barbaste, l'idée de descendre les corps à dos de mulet ayant été abandonnée.
L'inhumation aura lieu vraisemblablement dans la montagne.
C'est en tout cas ce qu'on nous laissait prévoir ce soir à notre retour à Licq-Athérey."
A suivre...
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire