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vendredi 1 décembre 2023

LA CHASSE AUX SORCIÈRES AU PAYS BASQUE EN 1609 (troisième partie)

LES SORCIÈRES AU PAYS BASQUE EN 1609.


En 1609, des centaines de personnes, en grande partie des femmes, sont accusées de sorcellerie au Pays Basque.



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SORCIERES AU SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Mémorial Bordelais, le 8 septembre 1852, sous la 

plume d'E. Ducom :



"Sorciers et magiciens.

La chasse aux sorciers.

1609.

§ IV.


Comment Satan fut terrifié en apprenant l'arrivée du conseiller de Lancre ; des tours qu'il joua au conseiller, qui n'en fit pas moins justice des sorciers et des sorcières



Quand le diable sut que c’était le conseiller de Lancre qui était chargé de l’instruction, le diable eut peur. Il pensa que l’air du Labour lui était malsain et il cessa de présider le sabbat ; il fit défaut à trois sabbats de suite et envoya à sa place un petit diable sans cornes, lequel, au dire des sorcières, ne contentait pas la compagnie comme son maître.



Cette couardise fut reprochée à Satan par la dame de Sancinena qui était une maîtresse femme et qui disait la messe au sabbat. Et alors Satan tint une grande assemblée près de Saint-Pé, le 2 juillet 1609. 



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CHÂTEAU DE SAINT-PEE
DESSIN DU BMB N10 1929


Son arrivée fut saluée par des murmures ; on l’appela Barraban (sobriquet que lui donnent les sorcières lorsqu’elles sont mécontentes de lui) ; on lui demanda d’où il venait.



Mais lui, ne voulant pas laisser voir la frayeur qu’il avait éprouvée, répondit aux sorcières qu'il avait été plaider leur cause contre le Sauveur, lequel, pour blasphémer il appelait Janicot (Petit-Jean) ; qu’il avait gagné sa cause contre lui, qui les assurait qu’elles ne seraient pas brûlées, et que, pour la récompense, il voulait que toute la troupe lui portât ou lui menât quatre-vingts enfants au prochain sabbat.



Il fit allumer ensuite un grand feu, et il ordonna aux sorcières de le traverser : ce qu’elles firent et elles ne sentirent aucune douleur. Satan leur dit alors que les bûchers des commissaires ne leur feraient pas plus de mal que celui-là et qu’elles se gardassent bien d’avouer ce qu’elles avaient vu au sabbat.


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SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Pour leur prouver qu’il était plus fort que les commissaires, il fit apparaître des fantômes qui ressemblaient à MM. d’Amon et à M. d'Urtubie. (Ces seigneurs étaient ceux qui avaient provoqué la persécution contre les sorciers.) Satan fit pendre ces deux fantômes en présence de l'assemblée et leur promit qu’avant peu il fera brûler de Lancre lui-même.



Mais à l'égard du conseiller, il n'alla pas au-delà d’une démonstration. Et voici le tour qu’il lui joua à Saint-Pé :


"La nuit du 24 septembre, raconte le conseiller de Lancre, le diable entra dans notre hôtel à Saint-Pé, commença son entrée en se conduisant d’une façon plus qu’inconvenante avec la dame de Sancinena, qui était assez belle. Puis monta haut dans ma chambre, dans laquelle il fit contenance de n’oser entrer, mais s’arrêta sur la porte après l'avoir ouverte à sa troupe. Ils y demeurèrent depuis onze heures jusqu'à une heure après minuit... Et trois notables sorcières s'étant mises sur mes rideaux en intention et avec ce mauvais dessein de m'empoisonner, elles allaient et venaient de mon lit vers le diable, qui était sur la porte de ma chambre, lui dire qu'il n’y avait nul moyen de m’offenser, bien qu’elles s’en essayassent par plusieurs fois et y fissent cous leurs efforts. Même cette première concubine de Satan, la dame de Sancinena, celle d’Amona, à qui j’avais fait le procès le jour auparavant et plusieurs autres. On y dit deux messes, l’une dans ma chambre , par un prêtre de Saint-Pé ; l’autre par la dame de Sancinena, dans la cuisine. Il y avait une sorte d’autel, et particularisaient cette belle visite, jusque-là que les sorcières mirent le manteau noir de Barraban sur la table de ma chambre, et de la toute cette belle troupe s’en alla chez un assistant criminel au lieu de Saint-Pé, où elles demeurèrent environ une demi-heure, puis s’en allèrent au château du sieur d’Amon, et trois sorcières l’ayant trouvé au lit, l’accostèrent et lui mirent la corde au cou, savoir la dame vieille d’Arostéguy, et celle de Laurensena. Or, de tout cela, le sieur d’Amon ni moi n’en sentîmes jamais rien."



Les sorcières qui s’étaient permis cette mauvaise plaisanterie n’en furent pas moins brûlées.



Quelque temps avant cette tentative sur de Lancre, une sorcière avait percé la cuisse au sieur d’Amon et lui avait sucé le sang pendant qu’il éliait dans son lit.



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LIVRE DE PIERRE DE LANCRE


De Lancre, toutefois, ne se laissa pas effrayer. Il promena la terreur dans toutes les paroisses du Labour et emplit de sorciers et de sorcières toutes les prisons de Bayonne. Sa tâche n’était cependant pas facile, parce que si Satan avait renoncé aux voies de fait, il n’avait pas renoncé à intervenir dans les débats.



Son intervention était manifeste, car les sorcières les plus compromises refusaient avec obstination d’avouer les horreurs qu’on les accusait d’avoir commises au sabbat. Ou bien, quand elles avaient avoué à huis-clos, lors du jugement public, elles rétractaient leurs aveux et prétendaient n’en avoir jamais fait. Mais le conseiller ne se laissait pas effrayer par ces ruses de Satan. Il savait très bien que celles qui niaient avaient pris de la poudre de taciturnité ; aussi, pour vaincre cette obstination, il leur fit donner la torture.



Des jeunes filles à peine sorties de l’enfance, des vieilles femmes qui n’avaient plus que le souffle, furent mises à la question. C’était un sûr moyen d’arriver à la découverte de la vérité ; mais cet excellent moyen, qui avait réussi avec quelques-unes, fut encore contrecarré par Satan. En effet, il avait eu soin de prémunir certains sorciers et certaines sorcières contre la torture. Voici comment : il leur avait percé le pied gauche avec un poinçon au-dessus du petit doigt ; il avait sucé le sang qui était sorti de la plaie et s’était ainsi assuré de leur inviolable silence.



Satan employait encore un autre moyen. "Il endormait les sorcières pendant la géhenne. Il leur donnait quelque conseil et quelque rafraîchissement pendant ce petit sommeil, si bien qu’on eût dit qu’elles venaient du paradis, tant elles avaient pris plaisir, pendant cet endormissement, de conférer avec leur maître.



Que vouliez-vous que fît de Lancre en présence de sorcières aussi obstinées ? Il les brûlait en se passant de leur aveu.


"Quelquefois elles voulaient dire ce qu’elles savaient, mais aussitôt qu’elles avaient prononcé les premières paroles, Satan leur sautait à la gorge et se voyait visiblement que de la poitrine il leur faisait monter quelque chose au gosier, comme si quelque cheville dans un tonneau se fût mise au devant du canal pour empêcher de sortir la liqueur qui est dedans, et elles disaient à de Lancre qu’il était vrai que le diable leur bouchoit les organes de la parole avec un je ne sais quoi qui allait et venait comme une navette, descendant à l’interrogatoire et remontant manifestement pour empêcher leur réponse."



Mais de Lancre ne leur tenait aucun compte de cette bonne volonté, et les condamnait à être brûlées vives.



Il avait d’ailleurs un moyen sûr d’arriver à la découverte de la vérité ; en sa qualité de déontologue distingué, il n’ignorait pas que Satan marquait les sorciers et les sorcières avec un fer chaud, et que là ou elles avaient été marquées, elles devenaient insensibles. Il n’ignorait pas notamment que, dans un sabbat à Biarritz, le diable avait imprimé au coin de l’œil des sorciers et des sorcières une marque qui avait la forme d’un pied de crapaud. Il fallait découvrir cette marque qui n'était pas toujours placée dans un endroit aussi apparent, et cela n'était pas facile, parce que cette fois encore Satan intervint dans l’opération. Il avertit les sorcières, qui tâchèrent de cacher leur marque, voire avec un tel artifice, qu’étant vingt ou trente en même prison, elles se visitaient l’une l’autre, et si elles se trouvaient la marque, le diable leur avait appris à se gratter et égratigner si outrageusement, que parfois leurs épaules semblaient des épaules de suppliciés qui viennent de recevoir le fouet.



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SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN


Ces pauvres femmes aimaient mieux s’égratigner ainsi que d’être brûlées vives, mais cela ne les empêchaient pas d’être brûlées.



De Lancre avait deux aides qui le suivaient partout et qui découvraient infailliblement la marque du diable. C’était d’abord un chirurgien étranger qui, pour arriver à cette découverte, s’y prenait de la manière suivante : Pour faire une visite, il avait une épingle en la main gauche, avec laquelle il faisait semblant de pincer la sorcière en divers lieux qu’elle ne pouvait voir, ayant les yeux bandés, et en la main droite il avait une autre épingle, ou aiguille, ou alène bien déliée ; et ayant pincé la sorcière avec la tête de l’épingle en plusieurs lieux, elle se trémoussait et se plaignait artificiellement, comme si elle eût éprouvé une grande douleur, et lorsqu’après avoir découvert la marque on lui faisait pénétrer l’aiguille ou l’épingle jusqu’à la moelle des os, dans ladite marque, la sorcière ne disait rien, preuve évidente qu’elle était bien sorcière et digne du fagot.



La seconde personne qui accompagnait de Lancre était une jeune fille nommé Morguy, qui s’était convertie après avoir beaucoup fréquenté le sabbat. Notre conseiller avait grande confiance en elle et l'employait pour aller visiter les jeunes fillettes, lesquelles, dit-il, ne sont dans ce pays que trop libres pour laisser voir la marque, en quelque partie qu’elle soit.



Grâce aux lumières que lui fournissaient Morguy et le chirurgien étranger, de Lancre parvint à mettre la main sur toutes les sorcières du Labour et en fit bonne justice. Il se montra impitoyable, il en condamna un grand nombre au bûcher ; il en emprisonna un plus grand nombre, qui furent brûlées plus tard.



Parmi celles qu'il fit exécuter sur-le-champ, il cite une vieille femme nommée Nécato, qui dut son supplice à sa mauvaise mine et peut-être à son nom. Voici le portrait qu’il en fait : "Nécato, sorcière fameuse, superlative, excellente par dessus toutes les autres, dont le nom porte l’anagramme et l’hiéroglyphe de la mort et le commandement de ce qu’il en faut faire, et comment il faut la traiter. (Nécato, en latin, qu’elle soit tuée : de Lancre ne manque jamais de faire un calembour). La nature l’avait raturée de son sexe pour en faire un homme ou un hermaphrodite, car elle avait tout à tait le visage, la parole et le maintien d’un homme, et encore bien rude, basané et enfumé comme Sylvain, ou sauvage, qui ne fréquente que les bois et les montagnes. Barbue comme un satyre, les yeux petits, furieux, effrontés et hagards, en forme de chats sauvages, si étincelants et si affreux, que les jeunes enfants et filles qu'elle menait au sabbat lui étant confrontés, ne pouvaient souffrir son regard, quoique pour l’amour de nous elle tâchât de le modérer, et de le ramener à quelque douceur."


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SABBAT
PAYS BASQUE D'ANTAN

Nécato avait fabriqué du poison au sabbat, elle avait blasphémé contre Dieu en coupant la tête à un crapaud ; elle s’était écrié : Ah ! Philippe (c'est le nom que les sorcières donnent à Dieu), si je te tenais, je te couperais aussi bien la tête qu’aux crapauds et aux serpents. Elle avait en outre battu une jeune sorcière nommée Gastagnalda, qui, en menant paître les crapauds, les avait maltraités.



Lorsqu'on la mena au supplice, elle fit peur au bourreau. 



De Lancre fit aussi exécuter cette belle fille qui était la reine du sabbat et la favorite de Satan, Detsaïl d’Urrugne ; elle mourut fidèle à ses amours, à ce que prétend notre auteur : "Lorsqu’elle fut exécutée à mort, dit-il, elle mourut si dédaigneusement, que le bourreau de Bayonne, jeune et de belle forme, voulut extorquer d'elle, comme c'est la coutume, le baiser de pardon, elle ne voulut jamais profaner la belle bouche qui avait coutume d’être collée à celle du diable."



De Lancre fit périr encore bien d’autres victimes : Marissans de Tartas, Marierchiquerra de Marchina, Dojartzabal d’Ascain, Catherine de Barrendeguy, la dame de Sancinena et Martibelsarena, etc.



Apres s’être occupé des sorcières, il s’occupa des prêtres sorciers, mais cette fois encore le diable, qui veillait toujours devait lui préparer de rudes tribulations."



A suivre...




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