UNE PASTORALE À ALOS EN 1928.
La pastorale est un spectacle théâtral traditionnel du Pays de Soule, de plein air et amateur, rassemblant chaque année la population d'un village ou d'un groupe de villages.
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet Jehan Rocklys dans La Revue française politique et littéraire, le
26 août 1928 :
"Pastorale Basque, par Jehan Rocklys.
Dès le petit matin, une agitation fébrile se manifeste à l'orée du village : chacun n'attend-il pas les parents, les amis venus de loin ? Et les baisers de pleuvoir, les exclamations gutturales de résonner. Voilà des ans que pareille cérémonie n'a surpeuplé Alos-Sibas. On voit passer des voyageurs essoufflés qui balancent un mouchoir rouge noué par les coins à l’extrémité du makila. Les servantes d’auberge rincent les verres, préparent les tables. Le parfum des lilas se mêle à l'arôme du jambon frit.
De l’autre côté du torrent, les habitants de Tardets espèrent l’arrivée de la cavalcade qui doit promener, au bruit des sonnailles, les héros de la journée. La main aux sourcils, les vieux guettent. Un nuage de poussière, des taches vives là-bas, derrière la haie. Ce sont eux ! Eux, Abraham, ses fils, ses femmes, ses bergers, les rois, les danseurs, le troupeau... Un héroïque défilé : le Passe-Rue.
Talam ! talam ! bouloum ! tantalam ! sonnent les cloches volumineuses et sourdes pendues au cou des brebis. Dans l’antique bissac rayé, un berger apporte deux agneaux candides. Et, fraternellement mêlés aux jeunes "Satanak" dans une charrette fleurie que traîne un âne, deux anges couverts de fichus à cause du vent, tiennent de petites croix bleues. Bleues aussi leurs sandales basques, haut lacées sur des bas à jour. Les perruques blondes durcissent encore les visages hâlés.
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ici, dans la prairie étoilée de pâquerettes, on a dressé le théâtre : une estrade ornée de guirlandes, de festons de buis, de couronnes de fleurs, et des planches en gradins clouées tant bien que mal sur des troncs d’arbres. Des noyers aux feuilles vert-jaune, dépliées à peine, laissant apparaître la montagne couverte de neige, les collines de Tardets.
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les rudes syllabes volent parmi les rires des filles hautes en couleur. Que de bérets et de chignons nattés ! Un enfant tient sur ses genoux le casque-couronne empanaché que son père lui a confié. Un solide gars, en veste rouge et culotte bouton d’or, ce roi de Mascarade ; il est venu rejoindre ceux qui s'époumonent pour faire patienter la foule et, de temps en temps, d’un coup sec, il vide la salive hors de i instrument. Si le cor de chasse était une massue, son geste assommerait un bœuf !
D’autres musiciens se sont établis dans la fourche d'un cerisier, non loin du diable en bois découpé, articulé, primitif, dont une corne est cassée. Des courtines avec les draps tendus autour des coulisses flottent au vent violent.
Mais la foule s’est entr'ouverte ouverte devant les chevaux et, professionnellement, les acteurs de la Pastorale ont franchi les degrés. Une mascarade, certes, dominée cependant par l'idée religieuse des traditions. Chacun, vêtu des habits qu’ont portés son père et son grand-père jouant les mêmes rôles, songe peut-être : "Je maintiendrai". Et c’est ce qui donne à tous les visages une empreinte de gravité. Les costumes sont risibles. Les hommes point.
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Par avance, une sorte de récitatif psalmodié a commenté la pièce. Le chanteur roidi, solennel, s’est tourné de tous côtés, et sa mélancolique complainte était ponctuée à coups de trombone dans les branches du cerisier en fleur. A mesure qu’il se déplaçait sur la scène, deux princes (bicornes galonnés, habits bleus à la française), le suivaient en agitant des drapeaux éclatants et bizarres. Puis quatre danseurs rouges, armés d'un fouet à grelots, ont exécuté le pas national sur un air qui rappelle : "Bon voyage, cher Dumollet !" Leur culotte est de satin noir à volants de dentelle, leur béret coquelicot arrosé de gouttes d’argent, leurs guêtres sont brodées, ornées de pompons roses, et leurs bas blancs à jour.
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| PASTORALE NAPOLEON PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il était midi. Mon voisin, un vieux Basque édenté, broyait des œufs durs, et n’ayant que peu de mots français dans son vocabulaire, traduisait laconiquement : "Celui-là... Pharaon... Il dit qu’il veut la femme de l'autre..." Vérité ancienne, toujours nouvelle. L'autre, c'est Abraham dont les cheveux rebroussés par le vent forment une auréole ou plutôt une charlotte de soie blanche. Ismaël et Isaac ont la tenue des mariés de village dans les opérettes, à peu de chose près : le chapeau, qui est Louis XIII est couleur de ciel. Tous, rigoureusement gantés de clair, tiennent une canne ornée de rubans et le sabre de cavalerie leur bat les mollets.
"J’ai vu ce matin la plus belle dame du monde... Il faut la faire venir", clame le Pharaon. Les perles dorées de sa couronne tremblent. Le Diable-guignol, mû par une ficelle, s’agite... car cette passion amènera de grands malheurs...
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici les épouses, la blonde en tunique outremer, la brune en tunique pourpre. Visages énergiques, éventails, mitaines et souliers de tennis, peinture 43... Des deux adolescents, mon voisin croit que le blond est Agar, mais il n’en est pas sûr. On a omis de rédiger des programmes... et je ne comprends goutte à ce que la favorite déclame avec un accent mâle, un sérieux imperturbable. Or, le patriarche chenu s’avance, marquant le pas et sonnant du talon. Il tire son glaive rouillé. Il pose sa canne de bergère dix-huitième et s’agenouille sur un oreiller brodé orné de dentelles. Entend-il l'arrêt du ciel qui résonne, en basque toujours, dans le porte-voix du cerisier ?... Abraham se relève brusquement. Une servante de l'auberge va quérir le coussin et le range avec coin, tandis que le patriarche se précipite vers les coulisses. Il en ressort, escorté de ses femmes et du Pharaon. Tous marchent vivement en long, en large, chantant, et s'assoient tout d'une pièce sur les quatre chaises préparées en rang.
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| PASTORALE ALOS 1928 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Saluts de la tête, révérences. Pharaon s'est déclaré... Une large jugulaire de caoutchouc maintient son diadème. Il étouffe dans son dolman de velours émeraude, car le temps est orageux. Quelques goules de pluie sont venues sur un tourbillon de poussière.
"Il dit que l'Egypte est belle..."
Moins que le pays basque assurément ! doit penser Sarah à qui le prince s'est adressé. Elle joue de l'éventail, puis même manège : tous vont s'asseoir brusquement.
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