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mercredi 27 décembre 2023

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1896 (sixième partie)

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1896.


La place de la femme, dans la société, au Pays Basque, a toujours été très importante.




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FEMME DE HAUTE BISCAYE




Après nous avoir parlé des enfants, des animaux domestiques, des mariages et de la mort, voici 

ce que rapporta au sujet de la femme au Pays Basque, Mme d'Abbadie d'Arrast, épouse 

d'Antoine d'Abbadie d'Arrast, dans la revue bimensuelle La Femme, le 15 février 1896 :



"La femme du pays basque (suite).



"... Nos modestes études sur la femme dans le pays basque présenteraient une lacune si nous négligions un des types de femmes les plus curieux de la région. Nous voulons parler de la mendiante.


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MENDIANTE PAYS BASQUE D'ANTAN
ILLUST F HUYGENS


Ce type ancien s'efface à mesure que descendent dans la tombe, les unes après les autres, les vieilles femmes qui, dans leur première enfance, avaient assisté à l'invasion des Espagnols dans les villages de la frontière et entendu dévaler le long des montagnes les lourds canons des Anglais en route pour Toulouse. Ces braves vieilles ne ressemblent en rien aux mendiantes de nos villes. On ne les a pas vues, dans leur jeunesse, implorer la pitié des passants, un marmot loué à l'heure ou à la journée sur les bras. Lorsqu'elles étaient jeunes, elles travaillaient, elles gagnaient leur pain avec vaillance. L'âge est venu, avec l'âge le déclin des forces. Alors elles ont eu recours à la charité publique. Entourée de ces conditions de respectabilité, la mendicité ne peut emporter avec elle aucune défaveur. Au contraire, autrefois, on éprouvait à l'égard des mendiantes une affectueuse commisération, on les recevait avec beaucoup d'affabilité, on les traitait avec bonté. Faire l'aumône était une des principales vertus et le privilège de la maîtresse de maison. Telle maîtresse s'était acquis une réputation par ses charités ; on citait son nom avec admiration, parce qu'elle savait faire généreusement part de ses biens aux pauvres. Elle ne donnait pas d'argent, car elle n'en avait pas. Elle donnait les produits du sol : des haricots, des pommes de terre, du pain, des morceaux de meture selon le degré, d'aisance de la famille. Pour emporter sa quête, la mendiante s'était munie d'un sac cousu aux deux bouts qu'elle jetait sur son dos en passant sa tête par une ouverture ménagée au milieu du sac. De celte façon, la charge s'équilibrait dans les deux poches du sac. Dans chaque village un jour était réservé aux pauvres. On les voyait revenir régulièrement : on les connaissait, on les attendait. Dans les maisons éloignées, on leur gardait, de la paille, des couvertures, quelquefois une couchette, on leur destinait un gite où ils passaient la nuit après avoir pris part au repas de la famille.




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MENDIANTE
BEARN D'ANTAN



Lorsqu'une mendiante frappait à sa porte, la première question que lui posait la maîtresse était souvent : "Qu'y a-t-il de nouveau ?" La mendiante était une gazette vivante, et c'était la seule gazette qui parvînt aussi loin dans les pays perdus de la montagne. Elle ne se faisait pas prier pour raconter ce qu'elle avait vu et appris dans le cours de ses pérégrinations. Elle savait embellir les nouvelles et possédait à un haut degré le talent de l'amplification, surtout lorsqu'elle vantait la libéralité des personnes charitables à son égard. Si son récit paraissait amusant, la maitresse la retenait à souper pour que toute la famille pût l'entendre à la veillée du soir après le travail de la journée. Quelques vieilles femmes d'une mémoire extraordinaire récitaient des complaintes versifiées dont les couplets se suivaient à l'infini. Les auditeurs ravis écoutaient sans se lasser. Malheureusement, ces complaintes n'ont pas été notées à temps et sont maintenant oubliées de la génération présente. A une époque où les communications étaient aussi difficiles que rares, les mendiantes avaient un rôle utile dans la contrée. Les contes de fées, les pièces de théâtre où l'auteur fait intervenir la vieille femme en haillons qui est chargée de porter à la jeune et belle séquestrée les assurances de la libération prochaine, ne sont pas, sous ce rapport, pures fictions. Elles sont plus conformes à la réalité qu'on ne le suppose. Grâce à leur vie errante, les mendiantes servaient d'intermédiaires entre les familles, elles se chargeaient de messages d'une maison à l'autre, elles négociaient des mariages et les promesses des fiancés s'échangeaient par elles. On leur a attribué avec raison la conclusion de mariages riches, de mariages importants : leur discrétion était à toute épreuve.



Que leur rapportait leur industrie ? Peu de choses, sans doute, mais suffisamment pour pourvoir à leurs besoins : on vivait de si peu, il y à une soixantaine d'années ! Les provisions  qu'elles avaient amassées dans leurs sacs, elles allaient les vendre dans les fermes pour la nourriture des bestiaux et de la volaille. On leur donnait un sou par kilo de morceaux de pain. Elles recevaient aussi, et c'était une des formes que prenait la charité, du lin à filer. Elles pouvaient gagner en filant de 2 à 3 sous par jour. Ces gains nous paraissent bien minimes, mais leur valeur s'élève si nous les comparons aux salaires des ouvrières de la campagne vers la fin de la Restauration. De 1820 à 1830, la journée de femme pour couper la fougère, pour piocher les champs, se payait six sous. Certains travaux mieux rémunérés, ceux de la vendange, cueillir le raisin, le porter à la cuve, valaient dix sous. Ce chiffre de dix sous représentait, du reste, le salaire ordinaire des ouvriers. Il nous faut arriver à 1835 pour trouver dans les anciens livres de comptes basques des salaires agricoles de douze à quinze sous par journée d'homme. Les prix des loyers, les denrées alimentaires étaient d'une valeur proportionnelle. Le loyer d'une petite maison avec sou jardin variait de 10 à 20 francs par an ; la viande, dont on ne mangeait pour ainsi dire jamais, se payait six ou huit sous la livre, c'est à dire le kilo et demi.



La mendiante, lorsque c'était une méchante créature, savait se doubler d'une prétendue sorcière et se faisait attribuer une puissance mystérieuse pour exploiter la crédulité des paysans. Elle jetait le sort sur le bétail, sur les enfants. On la redoutait. Lorsqu'on lui donnait l'aumône, c'est qu'on n'osait pas lui refuser, et elle savait menacer et maudire jusqu'à ce qu'elle eût obtenu ce qu'elle voulait. Souvent la mendiante, pour augmenter ses petits profits, ne dédaignait pas la contrebande. Elle dissimulait sous ses jupes des sacs de sel qu'elle portait d'Espagne en France, du sucre, du café, et qu'elle était certaine de vendre dans les maisons qu'elle fournissait de ces denrées.



Nous nous demandons quelle est l'opinion du Basque sur la femme, et, à cette question, nous ferons la réponse la plus banale. Le Basque, lorsqu'il parle de la femme, ne diffère pas d'opinion avec la généralité des hommes de toutes les époques et de toutes les races. Il devient satirique. Toute son ironie s'adresse au sexe faible. Se souvenant d'Eve, il dit : "Amuse le chien avec un os et la femme avec un mensonge."



Dans un ancien recueil de proverbes basques, nous apprenons que la femme est une créature portée à la vanité : "Une servante de pays lointain a bruit de demoiselle." Qu'elle est dissipée: "Les trop longues promenades perdent les poules et les femmes." Qu'elle est coquette : "Johanna a sa robe de drap fin, sa pitance, c'est la fève : son potage est comme de l'eau de lessive." La femme est, bien entendu , versatile : "L'esprit de la femme est léger comme le vent du Midi." Sa beauté est un piège : "La belle est d'ordinaire fainéante." Avant de prendre femme, on ne saurait trop peser et examiner : "L'or, la femme et les étoffes, ne les choisis qu'en plein jour," et quelque avisé qu'ait été Domingo dans le choix de son épouse, encore aurait-il lieu de se repentir, car, en se mariant, il a épousé les soucis : "Domingo, dit le proverbe, prends une femme et après dors tant que tu voudras, car elle aura assez soin de t'éveiller." Il lui en cuira s'il a été assez sot pour faire un mariage d'ambition : "Celui qui prend femme de grande maison ne sera pas sans noise à la maison." S'il la prend à cause de sa dot, la sagesse des Basques, d'accord avec celle des nations, l'avertit que "celui qui choisit sa femme par seule considération de sa dot, s'en repent dès le lendemain, à cause du mal qui lui en revient". Mais voici un proverbe qui est moins juste et plus cruel : "Le jour où l'on se marie, c'est le lendemain du bon temps." La marâtre reçoit plus justement des coups d'épingle : "La marâtre, quoique faite de miel, n'est pas bonne." "Il ne s'est jamais trouvé au monde qu'une seule bonne marâtre et le loup l'a emportée." Et ceci : "Marâtre, dis-moi : "Tiens", et non pas : "En veux-tu ?" Un esprit plus équitable à l'égard de la femme se révèle cependant par le proverbe suivant : "C'est à force de filer que notre maîtresse a provision de linge, et non pas pour être restée à la maison." En fin de compte, dans la lutte contre le pouvoir de l'homme, la femme s'avoue vaincue : "Qui a mari a seigneur," dit le proverbe.




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LIBURU ATSOTIZAC ETA REFRAUAC 
ARNAULD OIHENART


Le recueil des proverbes basques, par Arnauld Oyhenart, avocat au parlement de Navarre, est un livre très ancien. Oyhenart était originaire de Mauléon et vivait en 1638. Son recueil renferme 500 proverbes, dont un grand nombre semblent s'être inspirés des maximes de l'Ecclésiaste et ne sont pas d'une originalité bien frappante. L'ouvrage est rare, l'édition première est introuvable ; elle a été rééditée à Paris, en 1847.



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LIVRE LES PROVERBES BASQUES 
ARNAULD OIHENART


Les proverbes d'Oyhenart sont un des plus anciens ouvrages en langue basque que l'on connaisse. La littérature basque n'est ni très ancienne, ni très riche. Parmi les plus anciens et précieux livres, il faut mettre en première ligne la traduction en basque du Nouveau Testament, de Jean de Liçarrague, traduction imprimée à La Rochelle, en 1571, sur les ordres de Jeanne d'Albret, à une époque où, d'après les savantes recherches de M. Julien Vinson, professeur à l'Ecole des langues orientales, la Réforme s'était largement établie dans la partie du pays basque soumise à la domination de la reine Jeanne, c'est à dire en Soule, dont la capitale était Mauléon, et en Basse-Navarre, pays qui s'étendait de Saint-Palais à la frontière espagnole et dont Saint-Jean-Pied-de-Port a été pendant un temps la ville royale."



A suivre...





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