NOMS DE FAMILLE ET LIEUX-DITS.
De nombreuses études ont été faites, au cours de l'Histoire, pour comprendre la signification de noms de familles et lieux-dits du Pays Basque.
Voici ce que rapporta Jules Vinson, à ce sujet dans la revue Gure Herria, en août 1921 :
"Le basque est incontestablement la plus vieille langue de l'Europe ; si l'on voulait chiffrer son âge, il faudrait compter par centaines ou par milliers de siècles. Mais elle n'a été écrite qu'à la fin du XVe siècle ou au commencement du XVIe siècle ; deux ouvrages, fort importants, sont les premiers livres basques imprimés connus. Le premier, un recueil de poésies par Bernard Dechepare a été publié à Bordeaux en 1545 ; il n'en existe plus qu'un seul exemplaire conservé à la Bibliothèque Nationale à Paris, mais il a été trois fois réimprimé en 1847, 1874, 1890. Le second est la traduction du Nouveau Testament par Jean de Liçarrague, de Briscous, imprimé à la Rochelle, en 1571 ; une seconde édition, tout à fait exacte, a été publiée en 1900 à Strasbourg par les soins de MM. Schuchardt et Th. Linschmann. Ces ouvrages nous font voir que le basque du XVIe siècle différait sensiblement de celui d'aujourd'hui : il est donc probable que si nous avions des textes plus anciens nous trouverions des différences encore plus grandes et nous serions mieux renseignés sur l'histoire et l'évolution de la langue. Nous avons seulement une liste d'une vingtaine de mots dans un manuscrit, liber de miraculis S. Jacobi, à Saint-Jacques de Compostelle ; l'auteur, un certain Aimery Picaud de Poitiers les avait recueillis pendant son voyage en passant par la Navarre. On attribue à ce manuscrit la date de 1179, il est certainement plus moderne d'environ deux siècles, mais nous avons des spécimens plus anciens dans les noms de personnes, de villages, de maisons ; dans les noms topographiques qui nous ont été transmis par la tradition orale qui existent plus ou moins altérés ou qui sont cités dans différents écrits du moyen-âge.
Ces mots, ces lieux-dits, comme on les appelle, peuvent se classer en quatre catégories, à savoir :
1° Ceux qui dérivent de noms de personnes, p. ex. Dornaletche, la maison Dornal, Samsinena (la maison) des Samson, Lafitenia et Dagienbaita qui sont des locatifs dont le n final est tombé et qu'on doit traduire par conséquent chez les Lafitte, chez Dagien.
2° Ceux qui indiquent une certaine culture, une végétation, la composition géologique, l'état matériel ; ils sont formés par les terminaisons quantitatives, eta et keta (pluralité), aga (abondance), egi (excès), titoi (espace limité), u, su, chu, zu, tchu, tsu, tzu avec ou sans n (terrain, région), harrieta les pierres, espeleta ou espelete : les buis, greciette les cerisiers, urqueta les eaux, amezketa les chênes tauzins, liçaraga abondance de frênes.
On peut regarder keta comme contracté de koeta ; le suffixe ko, génitif de position s'emploie souvent avec un sens restrictif et diminutif, mutiko pour mutilko "petit garçon" ; il peut être aussi employé comme déterminatif, alors urketa, amezketa signifieraient quelque chose comme "région des eaux" et "endroit couvert de chênes tauzins". Le nom de la mère d'Axular, Aspilcouette pourrait donc signifier "les terrains au pied des monts" ou "le lieu de jonction des montagnes" en prenant aspil comme synonyme de mendibil.
3° Ceux qui indiquent une position relative, terminés par les mots garay, goyen gain, goiti "au-dessus" ; behere, ber, be "au-dessous" ; alde, "à côté" ; arte, art, "au milieu" ; ondo, "à la suite" ; aspi (aspil) "au pied" ; buru "extrémité" ; barren, barne, "extrémité inférieure" ; bazter "contigu" ; bide "chemin " ; etchegaray "maison au-dessus" ; berrogain "fourré au-dessus" ; etchegoyen " maison au-dessus" ; Dihursubehere, "au-dessous de l'endroit où il y a de l'eau courante et des joncs" ; iruber "ville au-dessous" ; inchauspe "sous un noyer" ; fagalde "à côté des hêtres" ; ibarrondo " à la suite de la vallée" ; duhart, uhart, ugarte "au milieu de l'eau" ; legaspi "au pied du gravier" ; mendiboure "extrémité de la montagne" ; ithurbide "chemin de fontaine" ; azcoitia et azpeitia, "le haut et le bas de la montagne" ; izpazler "contigu à l'étang". Il y aurait aussi sarri qui paraît signifier prolongement : irisarri, "faubourg de la ville" ; iharassarri, "annexe du moulin".
Ceux qui sont composés le plus souvent d'un adjectif ou d'un substantif ou de deux substantifs, où l'un fait fonction d'adjectif : Belzunce lierre noir, zumarraga ormaie, zumalakarregui excès de bourdaines ; zagardi verger de pommiers ; amesti bois de chênes tauzins ; ilhardoy champ de légumineuses ; itsasu terrain en bruyère ; larrun région de landes en friche ; loitzun endroit boueux ; oyartzun pays boisé.
VUE GENERALE D'OYARZUN PAYS BASQUE D'ANTAN |
On peut ajouter à ces dérivatives les mots lar lande, friche ; itz eau stagnante ; ur eau courante ; urdi cours d'eau ; ar rocher, pierre ; echalar lande avec maison ; zugarramurdi cours d'eau passant par des ormes ; gorostarzu endroit pierreux où il y a des houx ; Beskoitze pour Berazkoitz Briscous que j'interprète avec eau stagnante au-dessous par allusion aux salins que par parenthèse on appelle galzaga ; agorreka ravin desséché ; zabalburu extrémité large ; mendizabal large montagne ; orkhasberro fourré de chevreuils ; oihanzelhay plateau boisé ; apheztegui habitation de l'abbé (maire) ; behola cabane de jument ou de vache (behor, jument et behi vache viennent du même radical) ; zaldibar vallée de chevaux ; ordiarp, exactement urdiñarbe, grotte par où passe un cours d'eau ; bustingorri argile rouge ; mendibil réunion de montagnes ; larzabal, transcrit en Français larceveau lande large ; saroihandi, grand champ inculte où se réunissent les bergers ; urikoechea, la maison de la ville.
Les différents noms qui forment ces quatre catégories peuvent être classés d'une autre façon, historiquement c'est-à-dire dans l'ordre où ils ont été produits ; il y a donc les anciens, les modernes et ceux d'une époque intermédiaire.
Les anciens sont souvent composés de deux substantifs ; ils n'ont pas d'article, l'adjectif y précède le substantif et ils sont parfois très altérés par suite du temps : ainsi Belzunce, hegoburu qui voudra dire extrémité méridionale, ibarnégaray où i est pour iri, au-dessous de l'extrémité inférieure de la ville. Ciboure pour zubiburu, tête du pont.
Les noms modernes ont quelques fois l'article, l'adjectif y suit le substantif et on y trouve beaucoup de noms d'emprunts : betrienea, chez les Pierre ; elizalde, à côté de l'église ; lekumberri, nouveau lieu ; lekueder, belloc, beau lieu. On remarquera dans leku, nom latin locum, le remplacement de l'o par e : il y a là beaucoup d'autres exemples notamment serora religieuse pour sororem et dena pour dona , dona latin dominam dans la formule andre dena Maria, Madame Sainte Vierge Marie, dont le correspondant masculin est Yaun : Yaun Doni Ibane qui veut dire Monseigneur Saint Jean. J'ai cru pouvoir conclure de ce fait que le mot mendi, montagne, était une adaptation du latin montem car le mot pour montagne en basque est az, atz, ats, has ; aiz, haiz, jaiz, ach, ax ; Ascain signifie montagne au-dessus ; Hasparren qui veut dire extrémité inférieure du pays montagneux ; Axular, lande montagneuse ; Aizpitarte, intervalle entre deux montagnes ; Jaizquibel, dos ou arête de montagne.
HENDAYE : VUE SUR FONTARRABIE ET LE JAIZQUIBEL PAYS BASQUE D'ANTAN |
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