RAPPORT DU CAPITAINE DU "NORMAND" EN 1905.
De tous temps, il a existé des "fortunes de mer" pour les navires, et en particulier dans le Golfe de Gascogne.
Voici ce que rapporta le journal Le Phare de la Loire, le 1er octobre 1905 :
"Une mauvaise traversée.
Le steamer "Normand" — Rapport de mer du capitaine.
Voici le rapport de mer du capitaine Nicoulai, du navire "Normand", qui eut à subir, du 22 au 26 septembre dernier, une traversée particulièrement mouvementée, entre les Sables-d'Olonne et Bayonne :
Je soussigné, capitaine du steamer Normand, du port de Nantes, jaugeant 99 tonneaux 57/100, armé de 10 hommes d’équipage, certifie :
"Je suis parti des Sables colonne le vendredi 22 septembre, à 8 heures du soir, avec un complet chargement de 302 tonneaux de blé et divers marchandises embarquées à Nantes, et de ce dernier port plus deux passagers à destination de Bayonne.
Le navire en parfait état de navigabilité, la machine fonctionnant bien, les pompes franches et 17 tonneaux de charbon dans les soutes.
J’ai fait route au S. 1/4 S O., O. 15° N.-O. Au départ, j’ai trouvé mer belle et légère brise de S. ; le baromètre tendant à descendre.
Dans la nuit du 22 au 23, les vents varient du S. à l'O., augmentent de force, et font grossir la mer. Je donne la route 5° au vent.
A 10 heures du matin, le samedi 23, le chef mécanicien me demande à prendre la cape pour visiter la pompe de cale qui ne fonctionne pas et vider l’eau que contient la machine. Je mis debout à la lame, l’allure "le plus lent possible", ma position estimée était L. 44° 35’ N. G. 3° 37' O., le loch : 115 milles.
La mer, très grosse, fatigue beaucoup et couvre continuellement le navire, les deux pompes auxiliaires employées à épuiser la cale ont leur aspiration continuellement engorgées par suite du roulis. Je mis les matelots à vider l’eau avec des seaux.
A 3 heures du soir, la cale de la machine étant normale et m'estimant à environ 65 milles du Socoa, après avis du chef mécanicien que nous pouvions atterrir avant d’être gagnés par l’eau, j'ai remis en route cap au S. malgré la mer du travers pour tâcher de gagner ce port de relâche. A 8 heures du soir, entre deux grains, nous avons aperçu le feu de Contis que j'ai estimé à 12 ou 14 milles, je fis gouverner à l'O. 1/4 S.-O. et mis la machine à demi-vitesse pour moins fatiguer le navire ; les appareils d’épuisement étant insuffisants, je remis l'équipage à vider l’eau. A minuit, repris la cape le plus lentement possible, la mer étant de plus en plus grosse et le temps bouché complètement, avec grêle, pluie et grains violents.
A 4 heures du matin, le 24, le chef mécanicien me prévint que les parquets de la chaufferie et machine ont été défoncés, ainsi que le fond des soutes par suite du fouettement de l’eau par le roulis, entraînant le charbon a fond de cale et qu’il ne lui en reste que pour chauffer une heure à peine. Je mis le cap immédiatisent à l'O.-N.-O. pour m'éloigner le plus possible de la côte et fis établir les signaux de détresse, donné l’ordre de démolir touts les boiseries et logement pour alimenter les feux, sans toucher aux embarcations, échelles et espars.
Notre position estimée était de 25 milles à l’O.-N.-O. de Cap-breton. A 6 heures du matin, le même jour, les feux s’éteignirent faute de combustible et la machine se stoppe. A l’aide de la voilure, je prends la cape tribord-amures cap au S.-S.- O., route et dérive estimées au S. E., et pour protéger le navire des coups de mer je fais filer de l'huile, résultat assez appréciable. Je fais parer les embarcations, embarquer des vivres, compas, etc., et désigne le poste de chacun. Le navire n’est plus qu'une épave balayée par la mer, qui s’enfonce de plus en plus par suite de l’eau qui envahit la machine.
A 7 heures 30, nous apercevons un vapeur sous le vent, lequel, voyant nos signaux de détresse, se dirige sur nous. Nous reconnaissons le Boucau, capitaine Gicquel (de d'Orbigny, Fostin et Cie), qui, ne pouvant nous accoster, nous convoye et essaye sans succès de nous prendre en remorque.
NAVIRE LE BOUCAU 1882 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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