JEAN D'ALBARADE CORSAIRE BASQUE DEVENU MINISTRE DE LA MARINE EN 1794.
Jean Dalbarade dit "Le Bayonnais" (né à Biarritz en 1743 et mort à Saint-Jean-de-Luz, le 31 décembre 1819) est un officier de marine, corsaire et homme politique français des 18ème et 19ème siècles. Il fut Ministre de la Marine entre le 10 avril 1793 et le 2 juillet 1795.
Voici ce que rapporta à son sujet le journal La Dépêche coloniale, le 25 juin 1926, sous la plume
de Maurice Besson :
"Chronique historique.
Un Corsaire devenu Ministre de la Marine.
Jean d'Albarade ( 1743-1819)
"Après tant de courses et de combats honorables, j’étais enfin parvenu à commander la plus belle frégate de l'Europe, l’Aigle, et de prouver le premier, par l’expérience d’un combat très vif (contre l’opinion de tous les marins) qu’avec l’échantillon du 12 on pouvait porter et tirer du 24. Après cette épreuve je ne dois plus regretter les travaux accablants, faisant deux fois le tour des Trois Royaumes et les navigations des mers les plus dures depuis que je monte cette frégate. Cela me flatte beaucoup plus que le bonheur stérile pour moi d’avoir pris dans cet intervalle "vingt-huit navires anglois" dont il est résulté pourtant un avantage réel pour l'Etat et le commerce puisque dans ce nombre il y avoit "six corsaires".
Mon plus grand chagrin est de voir qu'avec tant de prises mes armateurs ont fait jusqu’à présent des pertes immenses dont la plus considérable est occasionnée par le retard et les entraves que j’éprouve depuis si longtemps de n’avoir pu faire l’expédition pour laquelle l'Aigle étoit armée, dont le roy avoit connaissance et dont le succès aurait été du plus grand avantage pour le gouvernement.
Quel a été le fruit de mon zèle, de mes combats et de mes blessures, dont la dernière m’a fait tenir pour mort ? C'est la prison que j'ai subie à Lorient et la menace d’y retourner. J’espère qu’un boulet terminera plutôt mes jours et mes malheurs : ce sera ma récompense.
Si je naviguais par l’apât du gain, je ferois comme tant d'autres capitaines marchands et me bornant à la navigation des colonies, j’aurois un bénéfice sûr avec peu ou point de risques pour ma personne.
Cette côte est infestée de corsaires ; ils viennent jusque dans les rades et y ont fait plusieurs prises. Il n'y a pas de vaisseau du Roy pour les en chasser. Avant de désarmer (si l'on s’obstine à m’y forcer), j’aurois la satisfaction de courir sur eux de tous côtés et de rendre ce dernier service au Roy, à l’Etat, au commerce.
Dès qu’ils sauront que l’Aigle est sur leur trace, ils s'en éloigneront. Les Anglois, Monseigneur, connaissent bien celte frégate.
Je suis, avec un profond respect, Monseigneur, votre très humble et très obéissant serviteur.
D’Albarade."
FREGATE L'AIGLE 1792 |
Le commandant de l’Aigle ramena sa belle frégate doublée de cuivre à Saint-Malo, coulant en cours de route deux vaisseaux ennemis. D’Albarade se rendit à Paris et à Versailles où il avait, selon sa propre expression, quelque crédit, notamment auprès de la duchesse de Polignac qui avait été sensible à l'hommage de notre officier qui avait appelé un des bâtiments de course placé sous son autorité du nom de la gracieuse duchesse. D’Albarade n’eut point de difficultés à prouver que l’accusation qui pesait sur lui était l'œuvre de quelque envieux et le ministre de la marine le fit rentrer dans la flotte régulière avec le grade de capitaine de frégate.
C'était l’époque des armements effectués par le bailli de Suffren contre les Indes ; les flottes se rassemblaient à l'île de France et le capitaine de frégate partait de Lorient en septembre 1782 pour conduire au bailli une frégate bien armée, nommé le Fier ; arrivé au Cap, d’Albarade y trouvait l’ordre d’aller mouiller dans la baie de Trincomalœ à Ceylan ; à peine parvenu dans ce point de concentration que Suffren chargeait d’Albarade d’escorter du cap à Bourbon quelques vaisseaux portant des troupes et du matériel pour l’expédition des Indes. Puis le gros de l’escadre étant parti, d’Albarade reçut mission de faire la guerre de course dans l'Océan Indien.
Il s’acquitta fort bien de cette tâche et le Fier assura plusieurs fois le ravitaillement des îles de France et de Bourbon grâce à la capture de vaisseaux de la Compagnie des Indes, la 'Vieille Dame de la Tour de Londres" selon l’expression d’alors. Revenu à Brest en 1785 le capitaine dut traîner une inactivité pesante durant les années qui précédèrent la tourmente révolutionnaire dans les dépôts de la flotte où la politique tenait alors la première place, entravant toute initiative.
La Révolution promut d’Albarade, qui n avait pas cru devoir émigrer et qui d’ailleurs ne cachait pas ses convictions républicaines, capitaine de vaisseau. Le nouveau promu reçut le commandement d’une excellente unité du port de Brest l'Astrée. D’Albarade instruit, expérimenté, représentait pour la jeune administration révolutionnaire une force réelle qui devait rendre des services précieux. Le ministre de la marine Lacoste qui connaissait la valeur professionnelle de d'Albarade et qui avait servi sous ses ordres comme lieutenant en second attira l'attention du gouvernement sur cet officier. La marine de guerre, profondément ébranlée par l’émigration de ses cadres, était dans un état piteux. Quelles mesures prendre pour la réorganiser, créer des escadres dignes de ce nom, organiser des centres, des arsenaux, redonner vie en un mot à ce corps quasi mort ?
FREGATE L'ASTREE 1778 |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire