JEAN D'ALBARADE CORSAIRE BASQUE DEVENU MINISTRE DE LA MARINE EN 1793.
Jean Dalbarade dit "Le Bayonnais" (né à Biarritz en 1743 et mort à Saint-Jean-de-Luz, le 31 décembre 1819) est un officier de marine, corsaire et homme politique français des 18ème et 19ème siècles. Il fut Ministre de la Marine entre le 10 avril 1793 et le 2 juillet 1795.
Voici ce que rapporta à son sujet le journal La Dépêche coloniale, le 3 juin 1926, sous la plume de
Maurice Besson :
"Chronique historique.
Un corsaire devenu Ministre de la Marine.
Jean d’Albarade (1743-1819).
Les archives de la marine contiennent les deux citations suivantes qui mériteraient d’être inscrites dans une anthologie de l’héroïsme de nos gens de mer :
"Je soussigné, capitaine commandant la frégate Le Labour, corsaire de Saint-Jean de Luz, armé en guerre contre les ennemis de l’Etat avec dix-huit canons de six livres de balle" avec deux cent vingt hommes d’équipage.
Certifie que le sieur d’Albarade a servi sur mon bord en qualité de lieutenant, dans l’année 1760, et dans celle de 1761, qu’il s’est distingué avec autant de bravoure, de courage que de sang-froid, notamment dans l’engagement contre deux gros navires anglais que j’ai pris, l’un nommé le Frère Galley, de Londres, armé de 16 canons de 6 livres de balles et 12 pierriers et 55 hommes d’équipage dans lequel engagement ayant eu plusieurs blessés, le sieur d'Albarade était du nombre des blessés à la tête ainsi que moi-même très dangereusement dans le côté par une mitraille. En foi de quoi ai délivré le présent certificat pour lui servir et valoir ainsi que de raison.
Fait à Ciboure, le 20 juin 1761. signé Pierre Naguilie".
COMBAT NAVAL "LE VENGEUR" 1783 |
La seconde citation est ainsi rédigée :
"Je soussigné, capitaine commandant la corvette La Minerve, corsaire de Bayonne, armé en course contre les ennemis de l'Etat avec quatre canons, quatorze pierriers et soixante-trois hommes d’équipage.
Certifie que le sieur d’Albarade a servi sur mon bord en qualité de lieutenant, qu'il s’est distingué avec autant d'intrépidité que de sang-froid, lorsque j'ai attaqué à l’abordage le navire anglais nommé Le Jenny, de Londres, armé de 16 canons et de 25 hommes d’équipage, lequel était le commandant de trois navires aussi armés de canons qui prirent la fuite aussitôt qu’ils avaient vu que leur commandant avait été pris, sans que j’aye pu courre dessus, ayant été obligé de mettre mon bâtiment à la bande, courant des dangers, étant percé dans l’eau par un boulet de canon, étant encore dégréé et une grande partie de mon équipage hors de combat tant par ceux tués que blessés.
Dans l’abordage, M. d’Albarade, étant sur la vergue de fortune pour mieux s’élancer à bord de l’ennemi ; là, il fut marcqué de plusieurs coups d’espingolle tiré par le capitaine anglois ; celui-cy, à son tour, fut serré par un coup de sabre que lui porta le sieur d’Alparade aussitôt qu’il passa à son bord. Il évita le coup en abandonnant son bâtiment et en passant à bord du mien. L’équipage ennemi, qui avait aussy des tués et des blessés se trouva forcé de demander quartier et de se rendre, lorsque de mon côté j'étais passé sur son bord, ne leur ayant pas donné le temps de finir leur retraite en bas où ils avaient des canons et des meurtrières dans la chambre et dans l’entrepont.
Dans ce sanglant combat, le sieur d’Albarade a reçu deux blessures, l’une à la tête, l’autre au pied ; malgré ces blessures il n’a pas discontinué de se battre et a sauté le premier au bord de l’ennemy. Je lui aye confié le commandement de cette prise qui est de valeur pour la conduire en France où il s est rendu à bon port à Bayonne. En foy de quoy j’ai délivré le présent certificat pour servir et valoir ainsy que de raison.
Fait à Hendaye, le 21 novembre 1761.
Signé : Pierre Delatre."
TABLEAU DE COMBAT NAVAL PAR PIERRE JULIEN GILBERT |
Quel était ce sieur d’Albarade qui ne craignait guère le feu de ces messieurs d’Angleterre ? L’histoire maritime n’a pas donné à cet officier la place qu’il mérite dans nos fastes navals. Il a fallu, en effet, à ce marin des qualités peu communes pour s’élever du rang de corsaire à celui de ministre de la marine sous la Convention et de contre-amiral sous le Directoire.
Jean d’Albarade était un Landais ; sa famille était originaire de Saint-Jean-de-Luz où elle possédait des biens. Si notre corsaire et futur ministre de la marine naquit le 31 avril 1743 à Biarritz et non à Saint-Jean-de-Luz c’est parce que son père, Etienne d’Albarade, enseignait à Bayonne l’hydrographique à la jeunesse ardente de ce port si actif au XVIIIe siècle, et que Mme d’Albarade avait tenu à faire ses couches dans une petite propriété située au bord de la mer et à laquelle le jeune ménage avait donné le nom "d’Espérance" ; les premiers regards de l’enfant furent donc pour cette "mer Océane" qui devait être la passion de toute sa vie.
Jean d’Albarade reçut une solide instruction à Bayonne ; son père, le professeur d’hydrographique, lui donna, en outre, une forte éducation technique. Aussi n’eut-il pas de peines à le faire embarquer à dix-neuf ans comme pilotier, c’est-à-dire élève officier, à bord de la flûte du roi l'Outarde, aux appointements de 15 livres par mois. Le jeune homme accomplit donc sa première traversée de l’océan sur ce bâtiment sous les ordres d’un capitaine basque, Duragony, qui l’emmena à Québec.
De retour à Bayonne, la passion de la mer s’étant pleinement manifestée chez lui, Jean d’Albarade n’eut plus qu’un désir : faire partie d'un équipage de corsaire. On peut aisément comprendre les raisons d’une telle détermination lorsque l’on songe qu’à cette époque l’amirauté s’efforçait d’attirer les jeunes marins instruits sur les "Vaisseaux du roy" ; en effet la porte de la marine d’Etat était largement ouverte aux cadres de la marine marchande et on assimilait les "navigateurs" au rang de "capitaines de brûlot" ; les lieutenants d’équipages avaient les prérogatives de lieutenants de frégate avec droit au port des épaulettes et aux décorations de Saint-Louis.
Le jeune d’Albarade fut donc fort satisfait de signer le 2 août 1760 un engagement en qualité de "lieutenant à part" à bord du corsaire le Labour, de Saint-Jean-de-Luz qui, au cours de quelques mois, ne fit pas moins de 13 prises.
Le certificat délivré à l’issue de la campagne par le capitaine Pierre Naguille et que nous avons reproduit permet de constater que le métier de corsaire était parfaitement dans les cordes du fils du professeur d'hydrographie.
TABLEAU DE COMBAT NAVAL PAR PIERRE JULIEN GILBERT |
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