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mercredi 23 février 2022

LES CHAPELLES DE SARE-SARA EN LABOURD AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (neuvième partie)

   

LES CHAPELLES DE SARE AUTREFOIS.


Le village de Sare est, dans la province du Labourd, l'un des plus riches en édifices religieux.






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CHAPELLE ST-IGNACE SARE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée basque n°13, en 1937, sous la plume de 

Philippe Veyrin et P Garmendia :


Chapitre V. 

Les chapelles disparues. - Sainte-Barbe. - Sainte-Croix d'Olhaïn. - L'ermitage de la Rhune.



...L'ermitage de la Rhune.

A l'inverse d'Olhaïn, on ne distingue pour ainsi dire plus une pierre de cette pieuse fondation. Mais des témoignages de différentes époques nous permettent de conjecturer approximativement l'importance de ce sanctuaire.



Pour la première fois à notre connaissance, il se trouve mentionné en 1578 dans le testament de Mgr Johannes de Sossiondo. Natif d'Ascain, possesseur du beau manoir d'Ascubea, au flanc même de la montagne, l'évêque de Bayonne léguait par cet acte "Dix livres au Saint-Esprit de Larhune."





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MANOIR D'ASCUBEA ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cette chapelle, plantée audacieusement sur la cime culminante du pays de Labourd, devait être d'assez bonne dimension. En effet, sur la vue de Saint-Jean-de-Luz dessinée en 1612 par le Hollandais Joachim de Weert on discerne fort bien un édifice religieux au sommet d'une des montagnes en pain de sucre prodiguées en arrière-plan du tableau par la fantaisie de l'artiste. L'inexactitude des proportions et même des formes, ne doit pas cependant nous faire suspecter la véracité des détails notés d'après nature par le dessinateur : pour que la chapelle n'ait pas été oubliée dans ce vaste panorama pris de Sainte-Barbe, il est certain qu'elle devait se détacher très visiblement au faîte de la Rhune.



Aussi, n'avait-elle pas échappé à l'oeil inquisiteur de Pierre de Lancre. Le féroce et crédule magistrat cite, en effet, dans son fameux ouvrage, la chapelle du Saint-Esprit de Larhune au nombre des sanctuaires où les sorciers basques célébraient leur sabbat.





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TABLEAU AKELARRE 1798
PAR FRANCISCO DE GOYA



L'ermitage existait-il dès lors ? Ou n'aurait-il été fondé que pour lutter plus efficacement contre les maléfices du démon, et tout au moins contre les propos des mauvaises langues ? Il est impossible de la savoir.



D'après Haristoy, suivi par Daranatz, la construction du sanctuaire et de l'ermitage aurait eu lieu en 1654 seulement. Si cette date est bien fondée, - ce qui reste, croyons-nous à démontrer, - il ne saurait s'agir que d'une restauration et d'une transformation. On peut supposer que l'antique chapelle du Saint-Esprit devenue trop vétuste ou dégradée par les intempéries ait fait place à cette époque à un nouvel édifice consacré à la Sainte Trinité (c'est le seul nom qui, dès lors, va prédominer) auquel était annexé un enclos et une demeure pour la résidence d'un chapelain.




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LIVRE LES PAROISSES DU PAYS BASQUE
PENDANT LA PERIODE REVOLUTIONNAIRE

DE L'ABBE PIERRE HARISTOUY TOME II


Toute cette oeuvre n'était point due à la seule commune de Sare. La Rhune (comme aujourd'hui encore) appartenait, en effet, conjointement à Sare, Ascain, Urrugne et Vera ; aussi ces quatre communes étaient-elles associées dans le patronage de la pieuse entreprise.



Est-ce à l'érection de l'ermitage que serait due une recrudescence de la dévotion à la chapelle de La Rhune ? Toujours est-il que depuis le milieu du 17ème siècle, la Rhune semble devenir un but d'excursion assez couru, des voyageurs de marque ne dédaignent pas d'en faire l'ascension.



Nous en trouvons pour preuve dans un mémoire (déjà cité) où Me Jean de Larralde, curé de Sare, développait ses griefs contre certains de ses paroissiens. Un des objets en litige était le projet de construction d'un nouveau presbytère en l'année 1687, et parmi les motifs énumérés par le requérant , afin d'être logé aussi largement qu'il le désirait (ses prétentions n'étaient d'ailleurs pas minces), on lit ceci :

"Le curé de Sare est fort sujet aux courbées (corvées ?) visites et hospitalités des gens de toute sorte de qualité, soit faute de bonnes commodités aux environs de lad. maison où il loge, soit à l'occasion de la dévotion de l'hermitage de la montaigne de Larhune."



Quel dommage qu'aucun de ces pèlerins ne nous ait laissé (tout au moins à notre connaissance) aucun dessin représentant la chapelle et l'ermitage ! Faute de mieux, contentons-nous d'une fade description  (en vers, s'il vous plaît !) qu'un jésuite, le R.P. J. Antoine du Cerceau dédiait en 1719 à la Marquise de Mirepoix :

Contre son chef audacieux

Qui touche presque jusqu'aux cieux

Paraît cloué comme une cage

Un pauvre petit ermitage ;

Deux cellules pour logement

Avec un peu de jardinage

Qui cultivé légèrement,

Fournit assez abondamment

Herbes et fruits pour le ménage.

Joignez encore au bâtiment

Sur l'un des bouts une chapelle.

Et de l'ermitage charmant

Vous aurez un portrait fidèle.



Jésuite poésie
POESIES DU PERE DE CERCEAU



Convenons que pour le P. du Cerceau n'était pas un fameux peintre. Il semble d'ailleurs qu'à force de vouloir glorifier l'humilité de l'ermite, il ait exagéré l'exiguïté de son habitation. Il est hors de doute, par exemple, que les deux cellules faisaient partie d'un solide corps de logis n'ayant pas moins d'un étage. Un inventaire de 1680 publié par M. le Chanoine Daranatz fait allusion à "la salle d'en haut ou seconde cuisine", ce qui, avouons-le, n'évoque pas tellement une vision d'austérité. En revanche, l'inventaire dont nous venons de parler (qui est conservé aux archives de Vera) pêche plutôt par excès d'emphase quand il gratifie la chapelle du titre de basilique. Le texte, quelque peu obscur sur ce point, fait même mention, parmi les représentants des parties intéressées, des "patrons d'une autre basilique". Serait-ce une allusion à la chapelle primitive, celle du Saint-Esprit ? On ne sait.



Le dernier témoignage notable que nous possédions sur la thébaïde de la Rhune est celui du capitaine Vedel qui, écrivant en 1847 son "Historique de la Commune de Sare", était encore en mesure de recueillir les souvenirs des survivants de l'Ancien Régime. Voici sa description :

"Le mur (de la redoute, établie en 1793) qui est encore assez bien conservé, a un mètre et demi de hauteur sur deux mètres et demi d'épaisseur et présente un développement de plus de cent mètres.

Sur un point un peu plus élevé, à droite en regardant l'Espagne, on trouve les vestiges d'un ancien ermitage qui fût démoli lorsqu'on dut construire la redoute. Cet ermitage était entretenu autrefois par quatre communes : Ascain, Sare, Urrugne et Vera et desservi par un prêtre. Tous les ans, à des dimanches et des époques différentes, chaque commune s'y rendait en procession et le prêtre y célébrait l'office divin.

Ce même prêtre était chargé de tenir une école dans cet ermitage où l'on envoyait les enfants des quatre communes avec des vivres pour une semaine. Il n'y a pas longtemps qu'il existait des vieillards qui disaient y être allés. Il est probable que l'hiver les choses ne se passaient pas ainsi que l'été, car l'hiver la position n'eût pas été tenable. On m'a parlé d'une fontaine qui aurait existé autrefois auprès de l'ermitage, et que j'ai cherchée en vain ; en revanche, j'ai trouvé plusieurs sources sur d'autres points de la montagne et tout au sommet."



Vedel ne se trompait point en supposant que l'ermitage de La Rhune n'était pas occupé en permanence par son titulaire. Les très intéressants actes de nominations découverts à Vera et publiés par M. le Chanoine Daranatz sont forts explicites sur ce point. Le chapelain, nommé en principe pour quatre ans, n'avait obligation de résider à son poste qu'entre le jour de la Sainte Croix (début de Mai) et celui de la Saint Michel (fin septembre). Il est d'ailleurs vraisemblable que les élèves étaient surtout de jeunes bergers qui gardaient leurs troupeaux dans la montagne, et profitaient de leurs loisirs pour compléter auprès du saint homme les rudiments d'une instruction négligée.



...Voici les noms de quelques occupants de l'ermitage :

De 1676 à 1680, Jean Duhalde, curé d'Ascain.

De 1680 à 1681, M. Etchepare, curé d'Urrugne.

De 1681 à 1685, Juan Gregorio de Miura, curé d'Urdax.

De 1685 à 1689, un certain Don Bernardo..., de l'évêché de Lescar.

Etc...



Reproduisons, pour terminer cette notice, une historiette qui nous a été contée par Madame Ariztia, qui la tenait de son père, M. Diharassary :

"Il y avait jadis à Sare trois jeunes filles un peu mûrissantes et en passe de devenir mutchurdinak. Elles avaient juré de se marier tous les trois en même temps et, en attendant la réalisation de leurs désirs, elles sortaient toujours ensemble, se communiquant inlassablement leurs succès ou leurs déboires amoureux.

Un jour, deux d'entre elles formèrent le projet de monter à la Rhune pour demander un mari, et se gardèrent bien d'en avertir la troisième ; au contraire, elles prirent toutes sortes de précautions pour ne pas être vues et partirent avant l'aube par des chemins détournés.

Arrivées au sommet, elles firent les prières suivantes :

"Izpiritu Saindu Larrun Emangaitzazu senhar on bat lagun" (Saint Esprit de la Rhune donnez-nous un bon mari pour compagnon).



Quelle ne fut pas leur surprise en entendant derrière elles une voix bien connue qui disait à son tour :

Jaun Trinitate Guk ere behardegu parte. (Trinité Souveraine faites que nous en ayons aussi notre part).



C'était la troisième mutchurdin qui avait eu vent de leur complot, les avait suivies en cachette, et plus habile qu'elles, cherchait à mettre dans son jeu non seulement le Saint Esprit, mais la Trinité toute entière ! L'histoire ne dit pas quel fut le succès de cette manoeuvre."



A suivre...








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