LES BALLETS DE LOÏE FULLER À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1925

LES BALLETS DE LOÏE FULLER À BIARRITZ EN 1925.

Loïe Fuller, nom de scène de Mary Louise Fuller, est une danseuse américaine et l'une des pionnières de la danse moderne.

DANSE DE LOÏE FULLER

Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 27 août 

1925 :

"Une manifestation d'art et de beauté.

Les Ballets de Loïc Fuller au Port-Vieux. 

Un spectacle inoubliable dans un cadre unique sous les étoiles, devant la mer.

Une soirée inoubliable dont il faut d'abord remercier celui qui se fit le plus prier et qui, par ses caprices, recula cette fête splendide, mais c'était sans doute par un raffinement de coquetterie, pour être plus beau, pour s'associer dignement et en grand artiste à un spectacle féerique : le ciel était plus beau qu’aux beaux soirs d’été, un ciel d’une exquise pureté, toile de fond merveilleuse où les étoiles accrochées semblaient regarder curieusement le spectacle terrestre. 

Dans ce théâtre naturel que cette anse du Port-Vieux, le théâtre n’était que foule, une foule innombrable dont on apercevait, pendant les courts entr'actes, les rangs pressés et là-haut, sur les terrasses, les milliers de têtes et des ombres grouillantes qu’on devinait juchées sur les poutres des pergolas. 

Tout a été admirable, parfaitement réussi et, comme si l'on en avait pu faire en ce dieu de minutieuses répétitions, le spectacle, dans ses moindres détails, a été absolument unique. On fait assez souvent à notre Syndicat d'initiative des critiques, qu’il mérite parfois, pour aujourd'hui lui rendre l'hommage qui lui est dû et lui adresser des félicitations qui ne sont que le reflet de la pensée d'un public qui, tant étranger qu'indigène, a été absolument ravi. Le Syndicat a bien fait les choses, cette fois, il nous a donné une manifestation vraiment digne de Biarritz et le succès qu’elle lui vaut sera pour lui le plus précieux des encouragements. 

DANSE DE LOÏE FULLER

Le spectacle de danses.

Nous avons presque tous, dans notre jeunesse, vu danser Loïe Fuller et nous avons tous jadis admiré ses danses étonnantes où la lumière joue le premier rôle, créant toutes les illusions du plus beau des rêves. 

En ce temps-là, Loïe Fuller dansait seule, mais depuis elle a formé des élèves, fondé une école où l’on n'enseigne que la science du Beau, où la danse n'est pas seulement une succession de pas suivant un rythme précis, mais une sorte de théorie spirituelle. Chaque mouvement, chaque attitude correspond à un état d'âme, reflète une impression, traduit une pensée. Je ne puis ici parler longuement de ce qu'est l'école de Loïe Fuller, mais je voudrais cependant rendre à la grande artiste un bref mais sincère hommage : Loïe Fuller est une créatrice de Beauté, mais c'est aussi une grande, une très grande amie de la France. Pendant la guerre, en Amérique surtout, elle a été l’ardente propagandiste de notre cause et notre gouvernement lui en a été particulièrement reconnaissant. 

LA DAME DU LYS
PAR LOÏE FULLER

Mais revenons à ses élèves, élèves qui sont devenues des danseuses admirables et qui, hier, nous ont prodigué leur talent, leur grâce, leur art. Chacune d'entre elles pourrait être l’étoile d’un ballet, et parmi elles certaines sont la perfection même ; mais voyez le programme : elles sont "les danseuses de Loïe Fuller" ou bien "une danseuse de Loïe Fuller". Quelle leçon de modestie se dégage d’un tel anonymat ! et comme il montre bien ce qu’est l’enseignement de Loïe Fuller : l’étude du rythme, des attitudes dans le seul esprit du Beau devant toute la perfection de la nature, loin des mesquineries humaines, des vanités, des jalousies, dans une atmosphère de pureté et de noble idéal. 

Est-il possible de décrire toute cette féerie enchanteresse dont notre mémoire voudrait conserver tous les détails charmants ? Peut-on dire ce qu’est cette grâce ravissante de ces génies aériens, immatériels qui courent, bondissent aussi légers que leur écharpe de gaze, êtres impalpables échappés d’un songe ! 

Dans les ballets de Loïe Fuller, la lumière tient le premier rôle. Elle unit son rythme à celui de la musique et de la danse, elle anime, elle fait palpiter tour à tour la joie et la mélancolie, elle crée les enchantements merveilleux, la féerie radieuse des couleurs, la fantasmagorie des ombres, une hallucinante splendeur toujours mouvante que l'on voudrait saisir et qui déjà s’est enfuie. 

DANSE DU VOILE
PAR LOÏE FULLER

Après "Nell’ G’wyin" et les "Petits Riens" charmants, la "Mort d’Ase", la "Danse d’Anidra" furent d’une émouvante grandeur. 

Le "Moment Musical", de Schubert, fit applaudir la Science et la souplesse "d'une" danseuse, et la "Petite Suite" de Debussy fut, tout simplement exquise. 

Le "Voile Magique" fut pour ceux qui l'ignoraient, une révélation de l'art de Loïe Fuller où Les jeux de la lumière, sur le mouvant et léger tissu, le rythme de la danse, tout n'était qu'harmonie.

Toute la poésie de la musique de Borodine, tout le merveilleux du "Songe d'une Nuit d'Eté", nous les avons ressentis hier. Obéron, Puck et Titania nous ont transportés au pays des fées. Tout n'était-il pas d'ailleurs féérie : le ciel et ce décor unique dans les rochers étaient des portants, et cette mer, si fougueuse ces derniers jours et qui, soudain, s’était calmée. On eut dit que, curieuse, elle était là en spectatrice et c'est à peine si on entendait parfois, le soupir d'une vague venant mourir sur la grève. 

DANSE DE LOÏE FULLER

Mais un écran tout à coup se leva et se projetant sur lui, une lumière blafarde et des dessins de cauchemar, puis le grand oiseau noir, celui des rêves terribles, celui qu'on veut chasser jusqu'au réveil brusque. 

Mais au cauchemar, ont succédé les Ombres gigantesques, véritables fresques vivantes, obtenues par des jeux de lumières si savamment combinés qu'on ne peut plus distinguer le corps de l'ombre. Et c’est d'une vie intense, d'une gaieté, d'un comique même, irrésistible. 

Imposant et splendide, le Cortège aux accents wagnériens. Et cet appel impressionnant des trompettes d'argent qui semblaient s'adresser aux divinités ce la mer. 

La Valse Triste de Sibelius, d'une infinie mélancolie, puis les merveilleuses harmonies de lumières : le feu, véritable vision de l'enfer, le lys, adorable de pureté, dentelle vivante, idéale symphonie en blanc. Enfin, le ballet déjà classique, de Loïe Fuller, fleurs merveilleuses, couleurs, mouvement, souffle de la brise du large dans les tissus légers et soyeux, un enchantement. 

Le public, sous le charme d'un spectacle d'une aussi rare beauté, manifesta la joie par d'enthousiastes applaudissements qui s’adressaient aux adorables danseuses, aux "musiciens" de la lumière et aussi à ceux de l’orchestre qui, sous la conduite d’un remarquable chef (je lui laisse l'anonymat comme aux danseuses) exécuta admirablement sa partie. 

LOÏE FULLER AUX FOLIES BERGERE PARIS

Le feu d'artifice et l'embrasement.

Mais la fête n'était pas terminée. A peine les danseuses avaient-elles fait au public leur dernier salut, que des fusées, dans un bruit joyeux, montaient vers le ciel pour retomber en pluie, en cascade, en gerbes. L’une d'elles, entre autres, particulièrement belle, éclata très haut pour former juste au-dessus du vaste amphithéâtre une immense coupole, c'était magique. 

Dans un bombardement rapide, les pièces détonnèrent, les soleils tournoyèrent illuminant tout à l'entour. 

Et ce fut l’embrasement simultané des rochers de Belza, de l'Atalaye, dont la tour rougeoyante paraissait gigantesque, et du Boucalot, là-bas, dans la mer, d'un effet splendide, inimaginable.

Jamais, je crois, on ne vit pareille chose, aussi réussie et ceux qui ont assisté à cette merveilleuse fête en conserveront le souvenir inoubliable. Ce fut très beau, vraiment très beau."

(Source : Wikipédia)

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