JEAN URRUTY DE SAINT-PALAIS EN 1933.
Jean Urruty est un joueur de pelote Basque, né le 22 octobre 1912 à Saint-Palais (Basse-Navarre) où il est mort le 16 août 2002.
Jean Urruty est champion de France à main nue junior à 17 ans, puis champion de France sénior
à joko garbi, rebot, main nue et pasaka.
Il remporte la coupe Wendel en 1930 et devient professionnel en 1932.
Il est nommé "Gloire du sport" en 1995.
Voici ce que rapporta à son sujet le journal Match, le 28 novembre 1933 :
"Avons-nous, en Jean Urruty, un nouveau Borotra ?
C’était autour d’un court du Pays Basque, il y a cela de quelques années. Pour la première fois, plusieurs "as" du tennis se produisaient dans la région, et à leur tête, Jean Borotra.
Parmi les spectateurs, on voyait pas mal de rugbymen notoires, et plus encore de joueurs de pelote : chez nous, d’ailleurs, l’un va souvent avec l’autre. Je les regardais et je les écoutais. Leur groupe était relativement silencieux. Leur attitude — il faut bien l’avouer — tenait plus du scepticisme poli que de la béate admiration ; je la compris davantage lorsque j’eus recueilli quelques-uns des propos qu'ils échangeaient, à voix basse, bien entendu, car les sportifs basques sont courtois et ils n’auraient, pour rien au monde, voulu contrister Jean Borotra qu’ils s’accordaient du reste, comme tout le monde, à mettre bien au-dessus de leurs jugements sur le tennis en général.
Ceux-ci pouvaient se résumer dans la formule suivante :
"Jouer, et, même, bien jouer au tennis ne peut présenter pour un pilotari, de sérieuses difficultés. L’adaptation doit être rapide, étant donné les qualités de coup d’œil, d’adresse, de souffle requises pour jouer à la pelote basque."
Les contradicteurs étaient rares ; j’en fus, et je soutins, il m’en souvient, que l’affinité entre ces deux jeux était plus apparente que réelle ; que le pilotari éprouverait, par exemple, un réel et long embarras dans le maniement de la raquette ; qu’il serait davantage encore gêné par la précision qu’exigent les dimensions et les limites du court, la force n’intervenant qu’après cette précision ; par la nature très spéciale de la balle de tennis, etc.
Mes arguments n’eurent, bien entendu, aucune prise sur le scepticisme de mes amis basques : j’ai pu m’en rendre compte tout récemment encore en constatant que leur position était restée la même depuis cette première et lointaine controverse.
Voici qu’elle reprend un regain d’actualité. La perte de la Coupe Davis, la retraite ou, tout au moins, l’avance en âge de nos plus grands joueurs, la pénurie de remplaçants de leur valeur, tout cela a fait jeter des cris d’alarme.
Jean Borotra, tout le premier, s’est inquiété pour l’avenir d’un jeu qui lui doit tant, et sans être venu "prospecter" au Pays Basque, comme il s’en est légitimement défendu, il a, comme d’autres, envisagé la possibilité, pour nos provinces, d'infuser au tennis français le sang nouveau qui lui est nécessaire.
JEAN BOROTRA CHAMPION DE TENNIS |
Un jour que nous assistions côte à côte à un spectacle régionaliste dans les arènes de Bayonne — où l’on songeait, alors, à faire jouer France-Espagne en tennis — Jean Borotra exprima des inquiétudes et aussi ses espoirs : il comptait, précisément, sur ce France-Espagne, disputé dans un cadre basque et en pleine saison, pour éveiller peut-être des "vocations" chez ses jeunes compatriotes.
Je ne sais si le bon grain a levé ; j’ai lu, depuis, des déclarations de Jean Borotra sur cette importante question. Elles visent, particulièrement, les pilotais ; un nom a surtout été prononcé, soit à cette occasion, soit à plusieurs autres reprises sur le même sujet : celui de Jean Urruty.
J’ai même lu, quelque part, cette phrase que son auteur, que je connais bien, n’a certes pas écrite en "galégeant", mais le plus sérieusement du monde :
"En vingt leçons, Jean Urruty en saurait assez pour battre Henri Cochet..."
Le problème, on le devine, est autrement délicat et compliqué. Je n’ai pas la prétention de le résoudre dans ces quelques lignes ; mais, seulement, de jeter dans le débat quelques suggestions qui peuvent avoir leur utilité.
Sur Jean Urruty, tout d’abord. Il est hors de doute que le petit Saint-Palaisien est un véritable phénomène de la pelote. Comme beaucoup d’autres grands pilotaris, il s’est révélé dès son tout jeune âge : n’a-t-il pas, du reste, grandi dans le vieux trinquent de Saint-Palais, géré par sa mère, et ne fut-il pas littéralement "couvé" par le propriétaire de cet établissement et apôtre de la pelote basque qui a nom Frédéric de Saint-Jayme ?...
JEAN URRUTY CHAMPION DU MONDE DE PELOTE BASQUE |
A l’âge de seize ans et demi — ceci se passait en 1929 — Jean Urruty réussit, en une semaine, une brochette d’exploits sans précédent. C’était au cours de la Grande Semaine de Pelote basque ; chacune des victoires que je vais énumérer comportait donc le gain d’un titre de champion.
Le lundi 2 septembre 1929, son trio (Elgars, Larrabure, Urruty) dont il est l’âme, bat celui de Hasparren de 30 points, en 60, à Tardets (équipes de juniors).
Le mardi 3 septembre, victoire à Saint-Palais, toujours au petit gant, avec Haritschelar et Hiribarren sur les deux Embil et Recondo (partie internationale).
Le jeudi 5 septembre, il triomphe à Salies-de-Béarn (avec l’aide d’Elgart) des finalistes de Guéthary à mains nues, lesquels étaient sensiblement plus âgés.
Le samedi 7 septembre, victoire par 13 jeux à 7 (avec l’aide de Borda), des champions de l’année précédente à "pasaka", André Loustalot et Léonard Berrogain, tous deux de Saint-Palais.
Notons que le "pasaka", qui se joue avec un filet, est la variété de la pelote basque qui se rapproche le plus du tennis. C’est également celle où Jean Urruty montre le plus de maîtrise. Malheureusement, le pasaka — moins heureux que le petit gant et que le rebot — est en train de disparaître complètement.
Le dimanche 8 septembre, enfin, Jean Urruty remportait à Mauléon le championnat de yoko-garbi (petit gant) avec un tel brio qu’il surclassa tous ses partenaires et adversaires.
Triompher cinq fois en une semaine dénotait évidemment, chez le petit prodige de Saint-Palais, une endurance extrême — vu son jeune âge — et une absolue maîtrise dans des jeux aussi différents que le petit gant d’osier, le gant de cuir du "pasaka" et la main nue.
Depuis, Jean Urruty s’est mis au rebot et l’on peut dire que c’est à sa présence que l'équipe de France doit le complet revirement qui s’est opéré à son profit et les victoires retentissantes — 13 jeux à 5, en septembre dernier ! — qu’elle remporte aujourd'hui sur les Basques-Espagnols, hier invincibles.
Au rebot comme au "pasaka", certaines phases — où Jean Urruty excelle — rappellent assez le tennis, comme ces balles brisées à la raie du butoir ou placées, en force, entre deux joueurs : quelque chose du "smash".
Depuis 1929, Jean Urruty n’a fait que progresser : il s’est, physiquement, développé et a acquis une maîtrise telle qu’il se paie souvent le luxe de gagner au petit gant à deux contre trois. Il a même triomphé, il y a quelques jours à peine, dans une partie unique en son genre et qui paraissait une gageure.
Armé de son petit gant et seul contre les deux meilleurs joueurs français à grosse pala — Etcheverry et Palathé — il les a battus, comme en se jouant, par 50 points à 28 !
De ce curriculum vitae, il ressort, jusqu’à l’évidence, que Jean Urruty est sans doute le plus sérieusement armé de tous les jeunes Basques pour aborder le tennis et s’y faire une place aux premiers rangs.
Mais de la possibilité à l’acte, il y a loin, très loin !
JEAN URRUTY CHAMPION DU MONDE DE PELOTE BASQUE |
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