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dimanche 1 octobre 2017

LA PELOTE BASQUE AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1910


LA PELOTE BASQUE EN AOÛT 1910.

La pelote, en 1910, se joue dans de nombreuses villes en France, et aussi à l'étranger comme Cuba, l'Argentine ou l'Uruguay.



Voici ce qu'en rapporte Le Menestrel, le 27 août 1910 :

"Saint-Jean-de-Luz, août 1910.

Ceci, me dira-t-on, n'est pas du théâtre, et j'en demeure d'accord. 



Mais, ce n'en est pas moins, je vous assure, un spectacle curieux, amusant et impressionnant qu'une partie de pelote basque, surtout lorsqu'elle est jouée par des professionnels habiles et sûrs d'eux-mêmes. Cela vous a d'ailleurs, pour nous autres étrangers à la contrée, une saveur locale d'un caractère tout particulier. On joue la pelote non seulement dans le pays basque de France et d'Espagne, mais, chez nous, jusqu'à Montpellier et à Béziers, et Dieu sait avec quelle furie ! (La pelote est aussi en grand honneur dans les anciennes colonies espagnoles, à la Havane, à Cuba et ailleurs, et on a même essayé de l'acclimater à Neuilly).




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PELOTE BASQUE A CUBA
PAYS BASQUE D'ANTAN



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PELOTE BASQUE A NEUILLY SAINT-JAMMES

Je parlais des "professionnels". C'est qu'en effet, en dehors des simples amateurs — et ils sont nombreux — qui souvent se bornent à jouer la pelote à main plate, il y a des pelotaris à chistera, qui font de ce jeu un métier, tout comme les toreros des corridas. Ceux-là sont engagés par une entreprise, qui les paie à la séance, suivant leur valeur. Tel, comme le Chiquito dont j'aurai à parler, reçoit 100 francs ou plus par match (celui-là est une vedette), tandis que les autres doivent se contenter de moitié. Il y a ici une administration qui monopolise les frontons de Saint-Jean-de-Luz, de Biarritz, de Guétari, et, je crois aussi, de Cambo. Et les séances sont nombreuses, car j'en ai vu trois, ici seulement, dans l'espace d'une semaine.



Derrière la plage, à environ deux cents mètres de celle-ci, dans un milieu populeux, au bout d'une petite ruelle donnant sur la place du Jeu-de-Paume. Le passage se trouve barré ; c'est le Fronton, autour duquel on a établi des toiles pour intercepter la vue. (Le Fronton est pour les jeux de pelote, en tous pays où on les cultive, ce que sont les Arènes pour les corridas de taureaux, c'est-à-dire le lieu même où a lieu le combat des pelotaris). Un guichet pour prendre les billets, une porte bâtarde par où l'on entre, et l'on se trouve sur la piste où doit se dérouler la partie. Cette piste, dont le sol est plus ou moins soigneusement cimenté (il va sans dire qu'elle est à ciel ouvert), forme un grand rectangle de soixante à soixante-dix mètres de longueur sur une quinzaine de largeur. Au fond, le fronton, c'est-à-dire le grand mur, très élevé, sur lequel doit être lancée la balle. Sur les côtés, en amphithéâtre, les places pour les spectateurs : ce sont ici de simples gradins de pierre, où chaque place est numérotée. Comme aux Arènes, celles qui font face au soleil sont moins chères que les autres. Au reste, les prix sont relativement assez élevés. Il y a, près du fronton, des "places réservées" à cinq francs, où la pierre est couverte de tapis (!) pour recevoir la personne des nobles spectateurs. Du même côté sont les premières, à trois francs ; en face, devant le soleil, les secondes, à deux francs ; enfin, pour un franc, aux troisièmes, on conquiert le droit de rester debout tout autour de la piste. Le décor, on le voit, est tout à fait bon enfant, et manque de splendeur autant que de solennité ; d'autant que, sur cette petite place, la piste se trouve entourée de maisons dont les habitants peuvent, sans bourse délier, suivre de leurs fenêtres les péripéties de la lutte. Mais le spectacle est assez pittoresque, assez intéressant, assez passionnant même, pour qu'on ne lui demande aucun accessoire étranger.



On entre, on se place. Quelques minutes avant l'heure fixée, et pour attirer de loin les amateurs, un servant met le feu à un semblant de canon placé au bout de la piste, et la détonation annonce aux retardataires que la séance va commencer. Déjà nos pelotaris sont là, qui s'exercent et s'échauffent en attendant la lutte sérieuse. Ils sont partagés en deux équipes, trois contre trois, bleus contre rouges, tous en chemise et pantalon blancs, sandales aux pieds, avec, pour les distinguer, ceinture et béret bleus d'un côté, rouges de l'autre. Tous ont à la main droite, attachée à l'aide d'un gant solide, la chistera, sorte de long sabot d'osier à l'aide duquel ils reçoivent et renvoient la balle, cette balle, douée d'une force étonnante de rebondissement et qui met aux prises ces hommes prodigieusement adroits et aussi agiles que vigoureux.



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LES MEILLEURS PELOTARIS A BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


La partie se joue généralement en cinquante points, souvent remis en soixante, et ne dure guère moins de deux heures. Ce qu'il y a de particulier dans ce jeu, c'est qu'on ne fait jamais de points par soi-même, et qu'on ne marque que ceux provenant des fautes de l'adversaire. Ainsi, si une équipe laisse tomber la balle sans la recevoir directement ou après son premier rebondissement, l'autre marque un point; de même, si celui qui lance la balle contre le fronton lui fait toucher le mur au-dessous d'une bande métallique placée à cet effet; et ainsi de suite, chaque faute comptant un point pour la partie adverse.




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PARTIE DE PELOTE A BIARRITZ - MIARRITZE 1910
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici nos hommes en présence. La lutte commence, et la balle est lancée. C'est à qui la recevra, tous courant à sa poursuite. Enfin, le plus adroit la tient. Celui-ci, se plaçant vers le milieu de la piste, la lance à son tour, avec sa chistera, contre le fronton, d'une telle façon et d'un coup tellement vigoureux qu'en touchant le mur la balle saute en l'air, décrit une énorme parabole jusqu'à dix ou quinze mètres de hauteur pour revenir du côté du joueur, qui ne la perd pas de vue et qui, courant rapidement à reculons pour l'attendre du côté où elle arrive, la saisit au passage et la reçoit avant qu'elle tombe à terre. La précision des joueurs, leur agilité, la sûreté de leur coup d'oeil et de leur bras lorsqu'ils reçoivent ainsi la pelote dans leur chistera, sont vraiment merveilleuses. Parfois ils sont ainsi deux, trois, à la recherche de la balle pour se la disputer ; ce sont alors des mouvements, des croisements rapides, des cris, jusqu'au moment où elle tombe dans les mains du plus habile. Celui-ci la lance à son tour, un autre la reçoit, la renvoie de même, elle est reprise par un troisième, tous se mettent bientôt de la partie, serrés les uns contre les autres, renvoyant cette balle dans tous les sens et la recevant toujours, sans jamais la laisser tomber, avec une rapidité, une prestesse, une précision qui arrachent les applaudissements.



Il arrive que, soit en lançant la balle, soit en courant la recevoir, l'effort est tel que, sauf votre respect, un joueur tombe sur... vous m'entendez bien. Mais ces chutes sont sans importance. Parfois aussi, nos gens se reposent un instant, et, franchement, ils en ont besoin. Alors, un petit intermède. Le marqueur, qui est un chanteur basque, nous annonce d'abord, si la partie est à dix points d'un côté et à douze de l'autre : Hamap eta hamabi yaunac, ou, si elle est à égalité : Ados, yaunac, ados, puis, sans le moindre accompagnement, il nous fait entendre une chanson basque en plusieurs couplets qui fait la joie de l'assistance. Après quoi nos joueurs reprennent de plus belle.



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FERDINAND LE ROI DES CHANTEURS DE LA PELOTE BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Parmi ceux qu'il m'a été donné devoir, il en est un, nommé Chiquito, qui a, dans la contrée, une énorme réputation, et qui la mérite à beaucoup d'égards, par sa vigueur, son adresse et son élasticité ; je ne sais si, comme on le dit, il est invincible, et si grâce à lui son équipe est toujours victorieuse, mais on l'a surnommé "le champion du monde" ainsi qu'on peut le voir par la reproduction de ce programme :


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PROGRAMME PARTIE DE PELOTE 19 AOÛT 1910
PAYS BASQUE D'ANTAN




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CHIQUITO DE CAMBO CHAMPION DU MONDE DE PELOTE BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN



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VELASCO PELOTARI A BIARRITZ - MIARRITZE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Toujours est-il que, par trois fois, j'ai vu l'équipe de Chiquito remporter brillamment la victoire, et "le champion du monde" faire mordre la poussière à ses adversaires (et je vous assure qu'il y a beaucoup de poussière à Saint-Jean-de-Luz). Et je ne cache pas que j'ai éprouvé beaucoup plus de plaisir à assister ici à des matchs de pelote, que naguère, à Saint-Sébastien, à certaines corridas de taureaux qui m'avaient écoeuré. Je veux bien comprendre le goût des Espagnols pour le jeu sanglant des Arènes, leur admiration pour la vigueur, le sang-froid et le courage de leurs toreros, mais je comprends mieux encore la passion du peuple basque pour celui de la pelote, où les pelotaris se le disputent d'adresse, de vigueur et de grâce, où ils déploient une véritable élégance, et où ils font preuve d'une précision, d'une assurance, d'un coup d'oeil véritablement merveilleux. Le spectacle qu'ils offrent est un spectacle vraiment charmant, plein de couleur et d'animation, qui du moins n'a rien de cruel, et qui réjouit les yeux sans laisser derrière lui, avec une odeur de sang, le souvenir d'une immonde férocité."



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