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vendredi 11 mars 2022

SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1839 (troisième et dernière partie)

SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1839.


En 1839, la commune de Saint-Jean-de-Luz compte environ 3 300 habitants et est administrée par le Maire Bonapartiste Joachim Labrouche.



pays basque luz 1852
SAINT-JEAN-DE-LUZ 1852
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Courrier de la Côte-d'Or, le 17 octobre 1839 : 



"Souvenirs des Pyrénées.



"... Saint-Jean-de-Luz, le Fort de Socoa, Hendaye et Béhobie.

Coup d'oeil en Espagne.


Je me suis fait ici la part du lion, a dit la mer.


(Suite et fin).


Les Gitanos meurent comme ils vivent, sans qu’aucune loi civile ou religieuse intervienne jamais ; seulement ils baptisent leurs enfants suivant le rite catholique, et dans le seul but de leur donner de bons parrains qui veuillent les protéger après dans leur vie aventureuse. Malgré leur ignorance de toute pudeur et de toute loi morale, une cérémonie bizarre et symbolique consacre d’ordinaire leurs mariages. Devant leur chef, choisi dans les familles les plus honorées par eux, et qu'ils appellent Voïvodes, les deux Gitanos, homme et femme, cassent un vase de terre ; le mariage dure autant d’années que l’on compte de fragments du vase brisé. Ils enterrent leurs morts furtivement sans prières ni démonstrations d’aucune sorte, et cette indifférence est un des caractères les plus exceptionnels et les plus hideux de leur abrutissement : car, depuis les retraites sauvages de l’Afrique jusqu’au fond de la Polynésie, il serait difficile de rencontrer une peuplade au sein de laquelle les morts n’obtiennent des prières ou des regrets. On a cité même la naïve et profonde douleur des nations les plus sauvages de l’Amérique sur les tombeaux de leurs guerriers.



En Allemagne, en Hollande, en Espagne, en Provence, et au pied des Pyrénées, les Bohémiens ont conservé le même type et les mêmes mœurs ; c’est une même et grande famille dont les débris dispersés exercent encore les recherches de nos historiens. Partout ce teint brun cuivré, ces cheveux noirs et légèrement crêpés, ces yeux luisants, astucieux ou atones, ce front avancé, ces lèvres épaisses, ces haillons pittoresques, ces larges ciseaux sur l’épaule ; partout les mêmes instincts sauvages, la même défiance des populations au milieu desquelles ils vivent, les mêmes habitudes, les mêmes travaux. Ce torrent d’hommes est sorti sans doute des entrailles de l'Afrique, et a traversé l'Europe en se grossissant des Gitanos de Valence et de Murcie, des Cagots du Béarn, des Bohèmes et des Zieguener de l’Allemagne, et des Heyden de la Hollande, races déchues et anathématisées qui se sont arrêtées sur la lisière des nations comme les scories des terrains volcaniques. Nous avons rencontré des Bohémiens sur les bords de la Méditerranée, dans les carrières d'argile du département de l'Hérault, et, au pied des Pyrénées : les enfants mendient, les vielles femmes composent des philtres, tirent les cartes, et mendient ; les jeunes filles tressent des paniers et autres objets, tandis que les hommes tondent les mulets et les chiens. Leurs émigrations d'un village à un autre sont fort curieuses : les femmes portent pêle-mêle sur leurs épaules et leur dos trois et jusqu’à quatre enfants en bas âge ; un cinquième est parfois suspendu à leur sein ; les hommes chassent devant eux des ânes chargés du bagage ; et quelques jeunes gens les plus agiles, échelonnés en flanqueurs, protègent la marche et sifflent à la moindre alarme. La petite caravane s’arrête, pendant la nuit, au fond de quelque ravin ou à l’abri d’un bois ; des feux s’allument, les viandes sont préparées avec une dextérité prodigieuse ; on prend le repas du soir, et, après avoir veillé à la sûreté du camp improvisé, femmes, enfants, hommes et vieillards se couchent pêle-mêle. Puis, le lendemain, et aux premières lueurs du matin, la caravane reprend sa route en lançant à droite et à gauche, vers les fermes isolées, les  villages ou les bourgs quelle rencontre, ses industriels les plus habiles et les plus exercés. 




pays basque autrefois gitans bohémiens agots cagots
GITANS REMPAILLEURS JONCAUX HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



On a dit plusieurs fois qu’il fallait tendre une main amie à ces Gitanos vagabonds, les arracher à cette vie d’humiliations et de souffrances, les appeler au milieu de la société, les mêler à ses travaux, utiliser leurs forces et leur intelligence leur force et leur intelligence, leur révéler enfin la dignité et le bien-être de l’homme libre et civilisé à la fois. Nous ne pénétrerons pas au cœur d’une discussion qui est ici hors de notre sujet ; mais la colonisation des Gitanos, déjà proposée par quelques esprits philanthropes, n’est pas une mesure qui puisse dépendre de la volonté d'un gouvernement ; les populations des campagnes, chez lesquelles les préjugés sont vivaces et durs, peuvent refuser le droit de bourgeoisie à ces étrangers quelles méprisent ; et ces étrangers, à leur tour peuvent rejeter la part qu'on veut leur offrir dans les travaux et les charges de notre société.



Quoique né sur le sol de la France, le Gitano de nos Pyrénées n’appartient pas à ce sol : il a suivi partout sa race avilie ; où étaient le repas du soir et l’abri de la nuit, là aussi était la patrie : tout enfant, il porte les traits caractéristiques et saillants de sa caste ; il partage sa dégradation, sa misère, ses haines, ses mauvaises passions, ses appétits et ses instincts. Son indolence nationale, pour ainsi dire, le rendrait incapable de travail et d’assiduité ; pour lui, la vie nomade est plus facile, plus large, plus riante ; la transplantation, si je puis m’exprimer ainsi, l’étiolerait et le tuerait. Le temps seul et les efforts successifs et lents des hommes éclairés pourraient l’initier à la vie sociale, et ce progrès s’accomplira peut-être malgré les menaces de déportation dont la caste pyrénéenne des Gitanos a été l’objet. Au XVe siècle, les Bohémiens d’Allemagne étaient précipités dans les bûchers, et les évêques, armés de la croix, montraient les victimes au peuple ; aujourd’hui, ils y sont généralement tolérés et traités avec égard. Dans notre Midi, où les passions religieuses conservent encore quelque verdeur, il y a déjà plus d’indifférence que de haine contre les Gitanos. C’est une transition peut-être aux bienfaits de la loi civile.



Le quai de Ciboure, qui descend vers la mer, présente une ligne de maisons ruinées et abandonnées en partie, où sèchent le long des fenêtres quelques débris nauséabonds de poissons salés pour l’hiver. Le chemin du Socoa est pratiqué à mi-côte d’une longue falaise déserte, où quelques champs de maïs s’abritent derrière les plis du terrain. Le Socoa est un faubourg de Saint-Jean-de-Luz, et quelques maisons s’y sont groupées à quelques toises d’un petit havre défendu des lames de la baie par un large mole où viennent s'amarrer les trincadoures et les chasse-marées, seuls hôtes de ces parages abandonnés. Le fort de Socoa, assis sur un vaste rocher incessamment battu par les lames, domine la baie, la mer et la plage, et montre au loin sa tour massive et ronde ; des embrasures pour sept bouches à feu et autant de soupiraux à grenade dentellent le parapet de sa plate-forme, d’où la vue court sur une immense étendue de mer, sur la côte élevée et sauvage qui s’étend vers le Cap du Figuier, sur la ville et sur ses incultes coteaux. Le fort est distribué en plusieurs bâtiments qui servent de casernes à la garnison ; une belle jetée en maçonnerie protège l’entrée du havre, et présenté aux lames du golfe une pente inclinée et convexe qu’elles ne peuvent mordre, et sur laquelle elles glissent impuissantes, après y avoir laissé une mousse verdâtre et écumeuse. Ces quelques soldats qu’on aperçoit sur l’étroit pont-levis ou sur les murs du fort, ces trincadoures amarrées perpendiculairement au mole, des matelots espagnols ou basques brossant avec vigueur les présentes souillées de leurs embarcations, quelques vieux lamaneurs groupés et fumant devant la porte du cabaret du lieu, l’habit vert et les boutons blancs des douaniers du roi : tels sont les accessoires de ce tableau aux formes âpres, aux couleurs tranchées et inégales. Le fort de Socoa est une des vues maritimes les plus curieuses de la côte.



pays basque autrefois navire
TRINCADOURE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La route d’Espagne serpente péniblement dans les rues étroites de Ciboure, et s’élance vers Urrugne, dont l’église paroissiale arrête un moment les regards par son élévation et son antiquité. Plus loin, c’est le château d’Urtubi, vénérable manoir du XlVe siècle, aujourd’hui recrépi et restauré ; les fossés ont disparu récemment avec les créneaux, les herses et les triples palissades, et il est difficile de reconnaître encore ce vieux monument, célèbre par l’entrevue de Louis XI et des rois d’Aragon et de Castille, en 1462, et par la longue et sanglante querelle des sabel chouri et des sabel gorri.



Avant d’arriver à Béhobie, et du haut d’une côte dont les larges pentes sont couvertes d’une riche végétation, le regard embrasse avec admiration un paysage merveilleux de formes et de souvenirs. A l’extrémité de la pente que vous parcourez rapidement, les blanches maisons de Béhobie s’alignent sur la route jusqu’au pont où s’arrête la France. La Bidassoa, qui semble s'élancer d’une gorge boisée et profonde, élargit ses eaux, baigne l’île historique des Faisans, à laquelle elle emporte chaque jour quelques pouces de terre, serpente au milieu de champs de mais, se divise dans les sables qui remontent jusqu’à Hendaye, et se jette à la mer an Cap du Figuier. Irun montre plus loin le clocher de sa cathédrale gothique, ses toits rouges et ses larges auvents ; l’ermitage de Saint-Martial s’élève à l’Ouest sur son cône boisé, et les montagnes de Jaizquibel et d’Olarzu s’étendent au nord comme un vaste rideau.




Irun est une petite ville espagnole de 1 200 âmes environ ; il en a été fait mention, pour la première fois, en 1203. En 1790, on trouva dans un champ, près de la ville, quelques pierres précieuses et des médailles romaines portant l’exergue suivant : Imperator Augustus Trib. Potes. XX, ce qui ferait remonter la fondation d’Irun à la vingtième année de la puissance tribunitienne de César-Auguste. Son église, une des plus riches de la Guipuzcoa, fut réédifiée en 1508 ; Hurtado de Luna en posa la première pierre le 4 décembre ; en 1647 elle fut agrandie et ornée par Barnabé Cardero, architecte de Madrid, et par Juan Bascardo, célèbre sculpteur.


pais vasco antes guipuzcoa frontera
IRUN GUIPUSCOA 1852
PAYS BASQUE D'ANTAN



Sur la rive gauche de la Bidassoa, Fontarabie, avec ses hautes et noires murailles, ses ruines, et ses deux portes de Sainte-Marie et de Saint-Nicolas, prétend à une haute antiquité. Suivant les traditions populaires, le roi goth Recared a dû la fonder, et Wamba l’a fortifiée. Des sièges et des incendies nombreux, les Romains, les Barbares, les Normands, les Anglais, et les Français, ont détruit et ruiné partiellement et successivement la vieille cité de Fontarabie : au XIXe siècle, en 1836, la guerre n’a pas encore lâché prise, et les boulets et la mitraille viennent d’ébranler ses vieux fondements. Une bulle du pape Célestiu II, eu 1194, eu fit une archiprêtrise qui releva de l’évêque de Bayonne. Le palais royal, maison monumentale qui s’élève sur une belle place, a été construit par Don Sancho Abarca, roi de Navarre ; ou attribue sa façade à Charles-Quint. L’église, consacrée à Santa Maria de la Asuncion y del Manzano, est du XVe siècle. Des chapelles surchargées d’ornement et de sculptures en bois doré, rappellent l’église espagnole et sa dévotion toute sensuelle et poétique ; dans un coin obscur, un portrait de moine, brodé en soie et en relief, est un chef-d’œuvre de patience et de délicatesse. Là commençait autrefois la contrée des moines, du fanatisme et de la paresse. Les moines ont disparu aujourd'hui ; mais les couvents, les ex-voto, les chapelles dédicataires et les ermitages, existent toujours, veufs toutefois de leurs habitants, de leurs saints, ou de la piété des fidèles. Aux portes de Fontarabie, on trouve encore un couvent de capucins et une chapelle en renom, dédiée à Notre-Dame de Guadalupe.




pais vasco antes fuenterrabia guipuzcoa
FONTARRABIE GUIPUSCOA 1847
PAYS BASQUE D'ANTAN



Jusqu’au XVIe siècle, Fontarabie concourut activement avec tous les autres ports du Labourd aux pêches basques du golfe de Gascogne ; le faubourg de la Magdelaine, au pied des murailles de la ville, n'envoie plus aujourd'hui ses chaloupes qu'à la pêche du saumon et de la sardine.



Nous rentrerons en France, en traversant la Bidassoa devant Hendaye, au-dessus de ce large gué que les alliés franchirent si facilement en 1813. Du milieu de la rivière, Hendaye, cette ville autrefois industriellement célèbre, présente le coup d’œil le plus pittoresque et le plus singulier à la fois : vous franchissez à la hâte ce large socle de rochers ardoisés sur lesquels la ville est assise, et vous rencontrez, sur un tertre de gazon appelé encore montagne de Louis XIV, les ruines d’un fort ; un entassement de pierres couvertes d’herbes et de mousse, des entablements, des frises, des couronnements, des pierres d'attente, gisant çà et là, à côté de quelque pan de mur encore debout et sur lequel se dessine à jour le ceintre d’une fenêtre ou d’une meurtrière : voilà ce qui reste de la redoute de Louis XIV. Plus loin, c’est un dédale, un pêle-mêle de maisons ruinées, de murailles tapissées de lierre, d’éboulements, de fragments de comble portés par quelque hasardeuse pyramide en maçonnerie, d’arceaux suspendus, de façades nues et cruellement lézardées, etc. La ville entière est une vaste ruine à travers laquelle on rencontre les débris d’une ancienne prospérité : tout cela est si pittoresquement disposé, qu’on croirait voir, à une certaine distance, de ces ruines artificielles dont la mode enrichit nos jardins anglais. Quelques maisons, en bien petit nombre, forment aujourd'hui le village de Hendaye, et c’est un spectacle bizarre que ces habitations blanches et gaies, ornées de treilles et de fleurs, au milieu de cette impitoyable destruction. L’église seule, simple et pauvre, a échappé aux bombes espagnoles ; on y remarque dans le chœur une fresque représentant saint Martin partageant sou manteau avec un pauvre.




pays basque autrefois labourd frontière
HENDAYE 1840
PAYS BASQUE D'ANTAN



Fontarabie et Hendaye, qui se regardent tristement d'un bord à l’autre de la Bidassoa, suivant la poétique expression d’un jeune promeneur dans le pays basque, ont péri l’une par l’autre, et leurs ruines sont encore les témoins vivants d’un des épisodes militaires de la république française.



Le 25 avril 1795, une colonne de l’armée française des Pyrénées-Occidentales, composée en grande partie de bataillons de volontaires, était campée à l’entrée de Hendaye, où l'on trouve aujourd’hui quelques étroites allées de peupliers. L’armée espagnole, sous les ordres du général Caro, campée sur la rive gauche près de Fontarabie, n’avait pas bougé depuis plusieurs jours, lorsque à trois heures du matin, les habitants de Hendaye sont réveillés tout-à-coup par de terribles détonations et par des cris de détresse : déjà leurs maisons étaient brisées et incendiées par le plus opiniâtre bombardement.



Un corps espagnol, protégé par le feu des batteries de Fontarabie, traverse la Bidassoa, s’empare de la montagne de Louis XIV, et détruit la redoute. Mais les Français, promptement ralliés à la voix du général Régnier, se précipitent à leur tour sur les troupes espagnoles, et les forcent à repasser la rivière. Le territoire était sauvé ; mais la ville de Hendaye n’était plus qu’un monceau de cendres et de ruines !



Le 31 juillet 1794, le représentant du peuple Garreau, et le brave général Lamarque, alors capitaine des grenadiers et adjoint à l’état-major, marchent contre Fontarabie à la tête de 300 hommes. Il y avait dans la place, suivant le récit de Barrère à la convention, 800 Espagnols défendus par 50 bouches à feu. Après avoir essuyé une décharge à mitraille à portée de pistolet, le détachement républicain, réduit de quelques hommes tués à côté de Garreau, s’empare de la hauteur de Guadalupe, et somme la ville de se rendre. Deux capucins, appelés au conseil de guerre, veulent d’abord qu’on se défende ; la discussion traîne en longueur ; Lamarque, qui avait été envoyé à Fontarabie en qualité de parlementaire, s’impatiente, va trouver Garreau, et revient avec une nouvelle sommation qui ne donne que six minutes à la place assiégée

"Il fait observer que les lois de la guerre obligeront de passer aussi les capucins au fil de l’épée si la place ne se rend pas dans le délai fixé." 




general napoleon pyrenees occidentales
GENERAL JEAN MAXIMILIEN LAMARQUE


Les capucins ne se soucièrent pas de faire l’expérience des lois militaires de la république française, et Fontarabie se rendit aux 300 soldats de Lamarque. Le bombardement qui avait précédé ce hardi coup de main, avait fait à peu près de Fontarabie ce que l’artillerie du général Caro avait fait de Hendaye une année avant. Ni la ville française, ni la ville espagnole, ne se relèveront de leurs ruines, malgré l’importance militaire et les avantages commerciaux de leur admirable position."




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