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lundi 7 mars 2022

JEAN D'ALBARADE CORSAIRE BASQUE DE BAYONNE EN LABOURD DEVENU MINISTRE DE LA MARINE EN AVRIL 1794 (deuxième partie)

 

JEAN D'ALBARADE CORSAIRE BASQUE DEVENU MINISTRE DE LA MARINE EN 1794.


Jean Dalbarade dit "Le Bayonnais" (né à Biarritz en 1743 et mort à Saint-Jean-de-Luz, le 31 décembre 1819) est un officier de marine, corsaire et homme politique français des 18ème et 19ème siècles. Il fut Ministre de la Marine entre le 10 avril 1793 et le 2 juillet 1795.





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LETTRE MANUSCRITE DE JEAN D'ALBARADE




Voici ce que rapporta à son sujet le journal La Dépêche coloniale, le 18 juin 1926, sous la plume 

de Maurice Besson :



"Chronique historique.



Un corsaire devenu Ministre de la Marine.

Jean d'Albarade (1743—18I9).


(Suite). Le 25 septembre la Duchesse-de-Chartres attaquait l'une des frégates anglaises le Général-Dulling et, après un duel d'artillerie et de mousqueterie qui dura trois heures, d’Albarade fit enlever à l’abordage le vaisseau anglais. On amarine celui-ci et alors que l’on examinait la cargaison s'élevant à 600 000 livres, deux scoops de guerre ennemis se dessinèrent à l’horizon, faisant force voiles sur notre corsaire. Il fallut se préparer à un nouveau combat.



Le vent était au Sud au bon frais, la mer grosse ; on avait les amures sur tribord. La prise, le Général-Dulling à bord de laquelle on avait mis 13 hommes de l’équipage français abandonna la Duchesse-de-Chartres prenant l'amure sur bas bord et cingla à la rencontre de ces ennemis ; ceux-ci ne tardèrent point à en effectuer la capture. Le capitaine d'Albarade faisait, pendant ce temps, hâter de réparer les dommages de la lutte précédente, la voilure surtout avait souffert ; toute manoeuvre utile était quasi impossible. "A midy un cutter de guerre de 14 canons, venant du sud-ouest, vint reconnaître à deux portées de canon la Duchesse-de-Chartres et prit les amures sur bas bord sans venir plus près. M. d'Albarade se trouvoit presque dans l’impossibilité de se défendre par le mauvais état de ses voiles, de ses manoeuvres, ne pouvant faire aucun usage de ses canons et de ses pierriers sous le vent qui étaient entièrement dans l’eau : la mer entrant à bord jusque par dessus le mi-bord, gênait extrêmement le service de la mousqueterie, les hommes étaient dans l’eau et très fatigués. Malgré tous ces obstacles, ce capitaine voulant défendre et soutenir son pavillon fit débarrasser tout le pont de l’avant à l'arrière en faisant jeter à la mer tout ce qui était dessus, excepté les canons et les autres armes afin que rien ne gênât."


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COMBAT NAVAL REVOLUTION FRANCAISE


Les matelots n'étaient pas sans appréhension à l’idée de combattre dans un tel état d’infériorité contre deux puissants vaisseaux de ligne, et ne songeaient pas sans angoisse que les ennemis avaient trente canons et "étant sous le vent, pouvaient exterminer en peu de temps la Duchesse de Chartres". Jean d’Albarade resta inébranlable dans son désir de combattre et d’utiliser l’abordage comme seule tactique ayant chance de succès.



N'ayant d'autres armes à employer que des sabres et des haches, le capitaine, en encourageant son monde, prit lui-même les armes qu'il déposa au pied du grand mât dans un tonneau assujetti pour empêcher que l'eau qui submergeait le pont ne l’emportât, en disant à son équipage : "Nous n’avons que de ceci à pouvoir faire usage aujourd’hui ; ceux qui en manqueront viendront en prendre dans la barrique".



Les deux bâtiments anglais constatant que la Duchesse de Chartres n’avançait pour ainsi dire plus (elle faisait deux lieues et demie l’heure), se postèrent "l’un au vent, l’autre sous le vent et à portée de canon". Bientôt le Lively "se laissant culer" fit feu de toute sa bordée et manquera pour passer sous le vent. L’autre vaisseau, le Svalow, tira alors de son côté toute sa bordée mais ne put empêcher la Duchesse-de-Chartres d’aborder au vent le Lively alors que celui-ci passait devant.



A ce moment précis le capitaine d’Albarade reçut une grave blessure à l’épaule gauche et 1a balle qui l’avait atteint lui tracassa le sternum ; le sang coulait abondamment et comme ses officier» l’entouraient, le corsaire se remit debout disant "pour leur en imposer" : "Taisez-vous ce n’est rien", et agrippé par la main droite à la rambarde de sa dunette, il donnait ses ordres : la situation était critique, le Lively se dégageait n’ayant que son grand port-hauban écrasé. D’Albarade se hâta, aussitôt que son beaupré fut libre, de décharger toute sa batterie du vent quasi à brûle pourpoint sur l'arrière de l'Anglais, puis inclinant sur tribord abordait le Svalow à son arrière. Malheureusement les hommes, juchés sur le grand mât, au lieu de sauter sur le pont de l’Anglais hésitaient enrayant le succès de la tentative d’abordage.




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COMBAT NAVAL VERS 1780



Mais l’accrochage était bon et pendant trois-quarts d’heure, bord à bord, on se battit à l’arme blanche, au mousquet allant jusqu’à se jeter à bras des boulets, des planches, des pinces, des poulies. D’Albarade accourant à l’arrière, met l’épée à la main pour entraîner ses gens à sauter sur le pont du Svalow. C’est alors qu'un boulet, heureusement en fin de course, le frappa au flanc gauche le jetant à terre et le laissant sans respiration. Le capitaine eut encore le courage d’appeler son lieutenant en premier, le sieur Cotte, de lui remettre son sabre et et de lui "recommander l'honneur du pavillon," puis s’évanouit "perdant le sang à gros bouillon".



Quand d’Albarade revint à lui, il se trouva prisonnier avec sa chère Duchesse de Chartres. Les chirurgiens parvinrent à panser ses blessures, mais il fallut de longs mois de soins assidus donnés à Pembrocke pour lui sauver la vie. L’amirauté britannique fit restituer au capitaine son épée et les officiers anglais "ne cessèrent lui témoigner leur estime".



Un mémoire du temps nous donne les détails suivants sur la blessure en question : "1a balle de mousquet que M. d’Albarade a reçue en haut du bras gauche a passé sous le grand artère ; elle a pénétré dans la poitrine et a fracturé le sternum. On n’a pu la retirer parce qu’elle était tombée dans la cavité du choraux où elle est restée. Le 15 décembre 1779 il lui est sorti de la poitrine par la fracture un morceau de la doublure de son habit ; le 14 janvier il est sorti aussi un petit os ou esquille du sternum."



Les Anglais acceptèrent sans la moindre difficulté d’échanger M. d'Albarade et celui-ci put quitter Pembroke le 27 janvier 1780, muni des certificats les plus élogieux.


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COMBAT NAVAL VERS 1780


Dès le retour en France de d’Albarade, après son séjour forcé comme prisonnier en Angleterre, nombre d'armateurs lui firent des propositions et un armateur de Saint-Malo lui confia le commandement d’une superbe frégate l'Aigle de 40 pièces et de 300 hommes d’équipage ; l'Aigle sortait du constructeur malouin Desjardins, elle était carénée de cuivre. Une autre frégate était jointe à l’Aigle, c’était la duchesse de Poliguac.



Jean d’Albarade, capitaine de l’Aigle, se surpassa et pour une première croisière faisait la capture de 17 bâtiments dont 3 corsaires anglais et 294 prisonniers. En octobre 1781 l’Aigle se remettait en campagne et enlevait dans les eaux britanniques, trois vaisseaux ennemis dont une frégate ; les prises mises en sûreté à Dunkerque l'Aigle croisait dans la Manche où elle coulait une frégate de 36, une de 22 et deux petits cutters. Passant dans le Ponant l’Aigle prit pour port d’attache la rade de Saint-Martin de Ré dans les derniers jours de novembre 1781.



C’est devant l'île de Ré que le capitaine-corsaire Jean d’Albarade reçut un pli aux cachets du ministre de la marine, il y lut avec stupéfaction l’ordre impératif de désarmer l’Aigle comme s’étant rendu responsable d’avoir débauché des marins de la flotte royale en vue de compléter des équipages de corsaires. C’est par une plainte anonyme, un factum selon l’expression de l’époque, que les bureaux de Versailles avaient été avisés, par quelque envieux de la gloire du commandant de l’Aigle, de ces prétendues manœuvres de détournement. D’Albarade ne put au reçu de la missive ministérielle que répondre cette très belle lettre qui se trouve versée dans son dossier aux archives de la marine.


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COMBAT NAVAL VERS 1780


"A bord de la frégate l’Aigle, en rade de Saint-Martin-de-Ré, le 25 décembre 1781.


Monseigneur, 


Un marin, zélé pour la patrie qui, depuis son enfance, dans les dernières guerres et dans celles-ci n’a jamais cessé de chercher et de combattre les ennemis de l’Etat ; un officier, dont la santé, délabrée par de grandes blessures, n’a pu ralentir sa passion pour la guerre el son ardeur pour la course, pourrait-il avoir eu le malheur de déplaire à un ministre animé des mêmes sentiments et toujours prêt à les encourager ?


Si j’avoie manqué, Monseigneur, au point de vous avoir indisposé contre moi, comme ce ne seroit assurément jamais par le cœur, j’aurois, j’ose le dire, quelques droits à votre indulgence. Et peut-être n’en aurois-je pas besoin aujourd’hui si, par des motifs que je ne prétends point pénétrer, on n'avoit cherché à me faire des torts ou du moins à les aggraver.


Je vais donc remettre sous voile pour aller désarmer au port puisque mon nouveau malheur le veut ainsi. C’est de toutes les routes possibles la plus dangereuse dans ce moment soit par les armes de l’ennemi, soit par les périls de la mer. Si je perds la vie j’aurai la consolation d’en avoir fait le sacrifice à l’obéissance comme je l’ai risquée mille fois pour la gloire de mon Roy et de son Pavillon. Mais j’emporterai la douleur d’y avoir été réduit par les plus injustes imputations.


Non, Monseigneur, je ne les ai pas méritées ; souffrez qu'un militaire, accusé auprès de vous, ose se rendre à lui même ce témoignage. Je suis beaucoup plus propre à ramener les marins errants qu'à les débaucher du service du roy et permettez-moi de le dire à en former beaucoup de nouveaux si j’avois le bonheur d être soutenu et encouragé.


Mais, mon cœur me le dit, vous êtes trop éclairé pour ne pas me rendre justice. Vous verrez, Monseigneur, que, loin de faire du tort à la marine royale, le marché dont on veut me faire un crime produiroit un effet contraire. Tant que les vaisseaux du roy auront des équipages. toujours ils écraseront les Anglois ; mais le meilleur moyen d’en faire de bons c'est la course et vouloir la restreindre trop rigoureusement c'est couper la racine à l’espèce et à la reproduction des gens de mer. J'ai pris, il y trois ans, la liberté d'écrire et de prédire ce qui arrive aujourd'hui;  le mal augmente tous les jours et si on s’obstine à proscrire le plus grand remède, il deviendra irréparable. Semer un pour produire vingt vaut mieux que de semer un pour ne rien recueillir et perdre la belle récolte de vingt pour un qu’on était sûr de produire."



A suivre...




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