CHANTS PATRIOTIQUES ET DANSES TRADITIONNELLES BASQUES EN AOÛT 1913.
Les chants et les danses Basques sont connus depuis de très nombreuses années.
Voici ce qu'en raconte Le Gaulois, dans son édition du 25 août 1913, sous la plume de Louis de
Meurville :
"Des fêtes basques ont eu lieu lieu dernièrement à Saint-Jean-de-Luz, qui ont attiré de nombreux curieux.
DANSES ET JOUEURS DE FLÛTES GOUACHE JACQUES LE TANNEUR PAYS BASQUE D'ANTAN |
Le folklorisme est en retard en ce qui concerne le pays basque. On ne le connaît que par ses plages à la mode, Biarritz, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Sébastien, et aussi par Cambo, que M. Rostand a choisi pour séjour. Une route, on pourrait dire un trottoir roulant, relie Biarritz à Saint-Sébastien, et c'est d'une pâtisserie à l'autre que vont à toute vitesse les automobiles espagnoles et françaises, sans plus s'inquiéter de la nature.
Et rien pourtant n'est plus beau que ce pays qu'encadrent les Pyrénées, que limite l'Océan et que relèvent les plus riantes collines, avec des points de vue toujours nouveaux et toujours imposants. Le pays basque, c'est la Suisse de l'Espagne et d'un petit morceau de la terre de France. "Il n'y a pas de lacs", disent les fervents de la Suisse. Il n'y a pas de lacs, il est vrai, mais il y a l'Océan qui s'enfonce dans l'ouverture des côtes françaises et des côtes espagnoles, comme en un coin, et y déchaîne ses fureurs, quand il ne dort pas sous le miroitement des rayons du soleil. Et jamais égal à lui-même, il revêt toutes les couleurs à tour de rôle, selon l'état du ciel, bleu comme la Méditerranée, ou vert comme sur la côte d'émeraude parfois noir et menaçant, parfois rouge, sous la lumière du soleil couchant.
Nulle part l'Océan n'est aussi beau et nulle part la terre n'est plus souriante, avec ses verdoyantes cultures, ses chalets épars sur les collines, ses villages tapis dans la vallée, ses montagnes boisées dominées par des rochers à pic que fréquentent les vautours et les aigles. La Rhune aux lignes douces, élevée seulement de neuf cents mètres, s'avance comme une promontoire coupée par la ligne-frontière au fond du golfe de Gascogne, et, de là, la vue s'étend sur les Landes, les Pyrénées, l'Espagne et la mer, en un inexprimable panorama. Ni les grands hôtels de montagne, ni les funiculaires avec les avantages du confort moderne, ni les monstrueuses affiches-réclames ne sont venues encore gâter le paysage, et c'est avec raison que la Compagnie du Midi a attaché en queue de ses trains un wagon-terrasse qui va incessamment d'Hendaye à Saint-Jean-Pied-de-Port, en passant par Bayonne et Cambo, montrant au voyageur tantôt les, aspects grandioses de la côte, tantôt l'intimité du vallon et du torrent.
Combien de touristes osent aller voir les beautés incomparables de la montée des Aldudes, après Saint-Etienne-de-Baïgorry, ou la majesté de la montée de Valcarlos, vers Roncevaux, au delà de Saint-Jean-Pied-de-Port? Et, en Espagne, la route peu suivie d'Oyarzun, la côte au delà de Saint-Sébastien, à travers les plages admirables de Zarauz, Deva, Guetaria, Durango, où l'on rencontre tant de vieilles maisons encore ornées d'écussons sur une porte basse, comme les maisons de Fontarabie?
Si le pays basque est d'une beauté prenante, la race qui l'habite n'est pas moins intéressante. C'est avec les Celtes de Bretagne, du pays de Galles et d'Irlande, la race la plus ancienne en Europe, la seule qui ait résisté aux invasions aux infiltrations plus conquérantes encore que les armées. Aucune parenté ni de sang, ni de langue, ne rattache les Basques à aucun autre peuple. L'opinion qui semble prévaloir aujourd'hui est que ce sont les anciens Ibères réfugiés dans les Pyrénées, lors de l'invasion des Celtes, revenus plus tard sur leur territoire, que toutes les armées barbares ou autres ont traversé tour à tour et qu'aucune n'a pu conquérir.
Jusqu'en 1877, au lendemain de la dernière guerre carliste, les trois provinces basques, Guipuzcoa, Biscaye et Alava, conservaient leur indépendance vis-à-vis de l'Espagne. C'étaient des républiques qui acceptaient des gouverneurs espagnols, mais qui se gouvernaient elles-mêmes, avec leurs conseils provinciaux, ne donnaient ni soldats, ni impôts à l'Espagne, et conservaient certaines franchises dans leurs parts, notamment celle des tabacs. Leurs anciennes lois subsistaient et les régissaient devant les tribunaux. Ces privilèges portaient le nom de fueros, mot espagnol dérivé du latin forum, et nous disons aussi "dans notre for intérieur".
L'arbre de Guernica, situé au centre des trois provinces, abritait leurs délégués quand ils étaient convoqués pour une circonstance importante, et le chant national, appel aux libertés séculaires, est celui-là précisément qui célèbre cet arbre sacré. Le Guernikako arbola, que M. Gailhard a introduit dans La Maladetta, est la Marseillaise des Basques on peut les voir, à Saint-Sébastien, se lever pleins d'enthousiasme, applaudir et entonner leur chant patriotique dès qu'en retentissent les premières notes. A dire vrai, ce chant ne date que d'une soixantaine d'années, composé par un Basque, Yparraguirre, à qui son village natal, Villaréal de Urrechu, a élevé une statue mais c'est un chant vraiment beau, imposant d'abord, comme un cantique, et bientôt plein de feu. Nous l'avons entendu aussi à Saint-Jean-de-Luz, lorsque, sur un théâtre de verdure, on nous fit assister aux danses nationales, auxquelles succédèrent les chants basques.
Il y a un rythme basque, comme il y a un rythme spécial pour les chants de Séville, de Malaga et de la Havane. C'est le rythme du zorziko, sur lequel nombre de chants variés ont été composés, alternant la force et la douceur. Il en est d'admirables. Charles Bordes, qui fonda la Schola Cantorum, s'était épris des chants basques il en avait noté plusieurs, que nous avons entendus avec le même plaisir, en constatant toutefois que ces chants harmonisés par le compositeur perdent quelque chose de leur native et savoureuse couleur agreste.
Les Basques ont aussi leurs instruments de musique : la gaïta, flageolet de cuivre aux sons aigus et stridents; la flûte à trois trous et le tambour long et étroit que certains portent au bras gauche, frappant de la main droite et tenant la flûte de la main gauche. Rien n'est drôle comme le jeu de ces deux instruments par le même musicien, qu'accompagne ordinairement un autre tambourinaire, et cette musique un peu sauvage n'est pas sans charme.
Nous avons entendu aussi un concours de chants improvisés. Deux concurrents se sont présentés, l'un vantant la profession de marin, l'autre celle du laboureur, du moins on me l'a dit, car je n'y pouvais rien comprendre, si ce n'est que l'un et l'autre ont résumé la vie basque : pêche et culture.
Et il y a eu concours aussi d'irrintzinia, et ceci est le plus caractéristique. C'est un cri strident et répété longuement qui retentit au loin et semble rouler de colline en colline, de rocher en rocher. C'est l'ancien cri de guerre des Basques, celui qu'ils poussaient en attaquant l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne à Roncevaux, celui qu'ils ont poussé dans leurs guerres d'indépendance. Il varie cependant de village en village, et c'est aussi un cri de ralliement après les fêtes et les pèlerinages, où les gars du pays s'appellent pour rejoindre leurs foyers. Cri de femme plutôt que d'homme, il déchire les oreilles, s'entend à une lieue de distance, et sa sauvagerie en fait l'intérêt.
Les danses traditionnelles des Basques remontent à la plus haute antiquité. Les uns les attribuent aux Ibères, les autres aux Celtes, car Walter Scott parle aussi de la danse des épées au pays de Galles. Les plus typiques de ces danses excluent les femmes ce sont l'Arcudantza, danse des arceaux ; le Makildantza, danse des bâtons ou des makila, et l'Espatadantza, danse des épées, danses d'ensemble qui ne manquent pas d'harmonie et de variété, mais qui restent un peu sévères.
DANSES BASQUES PROVINCES DE FRANCE PAYS BASQUE D'ANTAN |
ARKU DANTZA PAYS BASQUE D'ANTAN |
MAKIL DANTZA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Plus intéressant est l'Aurrescou, danse nationale de Biscaye, à laquelle les femmes prennent part, reliées aux danseurs par un mouchoir ou un ruban. Véritable ballet, l'Aurrescou montre les danseurs choisissant à tour de rôle leur danseuse, allant à elles en dansant, entraînant celle qu'ils ont choisie, et cela finit par un fandango plein d'entrain. Il y a aussi l'Arin-arin, le "vite-vite", fandango que l'orchestre joue de plus en plus vite, jusqu'à ce que danseurs et danseuses s'arrêtent, n'en pouvant plus.
Le Saut basque est une danse des plus anciennes dans le pays de Cize avoisinant Roncevaux. C'est un pas varié, heurté, cadencé, fort difficile. Il est, dit-on, assez semblable à la danse des Indiens de l'Amérique du Nord.
BEYRIE SAUTS BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
MASPARRAUTE SAUTS BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
TARDETS SAUTS BASQUES PAYS BASQUE D'ANTAN |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire