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mardi 8 février 2022

L'ORGANISATION DE LA PROVINCE DU LABOURD EN PAYS BASQUE NORD AVANT LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (deuxième et dernière partie)

 

LE LABOURD AVANT 1789.


Avant la Révolution française, la province du Labourd avait une organisation spéciale.




CARTE DU LABOURD 1496



Voici ce que rapporta l'Union des Sociétés Historiques et Archéologiques du Sud-Ouest, dans son 

compte rendu de leur 4ème congrès à Biarritz, le 3 août 1911 :



"2ème communication. — M. Yturbide, Président de la "Société des Sciences, Lettres et Arts" de Bayonne.



"... Outre les contributions générales, le Bilzar imposait encore au pays des dépenses locales, telles que l'entretien des ponts et des routes, poursuite des malfaiteurs et des bohémiens, nourriture des prisonniers, enfants trouvés, envoi à Sarragosse des aliénés indigents, procès à faire et à soutenir, fontaine de Cambo, députations au roi, passage de troupes, réception des grands personnages, etc. A toutes ces charges, il ajoutait les frais d'administration du sindic et le montant des avances qu'il avait faites.



Il arrivait, en effet, d'une façon invariable, que les communautés étaient toujours en retard pour remettre au sindic leur part des impositions. Aussi pour empêcher les agents du fisc d'exercer des poursuites contre les habitants, les sindics faisaient de leurs deniers les avances de l'arriéré. Ils portaient ensuite ces avances dans le compte qu'ils présentaient au Bilçar, en général tous les deux ans.



Le reliquat de ce compte était toujours en faveur du sindic. Il restait toujours créancier de sommes importantes, vingt, trente, quarante mille livres. Quelquefois même ces chiffres ont été dépassés. En 1724, le pays devait au sindic soixante neuf mille quatre-vingt-dix-neuf livres ; en 1781, quatre-vingt mille vingt-deux livres.



Comme les sindics étaient toujours des notaires de campagne ou de petits propriétaires, on a peine à comprendre comment ils pouvaient avancer des sommes si élevées. Il est probable qu'ils les empruntaient à des banquiers et qu'en devenant créanciers du pays, ils s'endettaient eux-mêmes personnellement. Voilà sans doute pourquoi, quand ils demandaient au Bilçar d'être remplacés, ils invoquaient toujours le mauvais état de leurs affaires privées qu'ils avaient négligées, disaient-ils, pour celles du pays.



Après avoir arrêté les comptes du sindic, le Bilçar imposait aux communes le montant de ses avances et les intérêts de ces avances. Jamais il ne leur allouait ni honoraires, ni indemnité de gestion. La charge a toujours été gratuite.



Cette gratuité rend encore plus méritoire le dévouement avec lequel les sindics supportaient non seulement toutes les brèches de leur fortune privée, mais encore tous les ennuis que la perception des impôts faisaient retomber sur leur tête.



Constamment harcelés par les receveurs généraux, par les intendants, par les agents du Trésor, qui les rendaient responsables du retard des paiements, sans cesse menacés de poursuites personnelles et de la contrainte par corps, les sindics souffrent tout, pour ne pas laisser entamer la constitution et les franchises du pays.



En 1728, le sindic Hiriart se laisse incarcérer et demeure en prison jusqu'à ce que les communautés en retard aient acquitté ce qu'elles devaient à l'Etat. En 1735, à raison des impôts arriérés de l'année précédente, le sindic de Ségure est mis en demeure par l'intendant de lui faire connaître les communautés en retard. L'intendant veut poursuivre directement les abbés et jurats qui sont à leur tête. Le sindic refuse de les nommer ! c'eût été compromettre les privilèges du Labourd. On lui envoie comme garnissaires deux cavaliers de la maréchaussée qu'il est obligé de loger et d'entretenir. Le sindic ne cède pas, on l'emprisonne et enfin le Bilçar ordonne aux communes de solder ce qu'elles restent devoir.



Quelque temps après le déficit recommence. Le 9 mars 1764, le sindic Délissalde représente au Bilçar qu'il a chez lui, depuis sept mois, deux garnissaires, qui lui coûtent dix livres par jour, et la seule faveur qu'il demande, c'est que le pays prenne à sa charge cet entretien dispendieux. Le Bilçar lui accorda cette satisfaction.



Cet esprit d'indépendance, cette énergie constante à défendre les libertés locales ne pouvaient que déplaire aux officiers royaux de cette époque. Ceux-ci représentaient un pouvoir absolu, et en cherchant à le défendre, ils tendaient toujours à augmenter leurs prérogatives. Aussi des conflits sérieux se sont-ils produits quelquefois entre les sindics de Labourd et les fonctionnaires de l'Etat.



En 1656, sous le règne de Louis XIV, le sindic en exercice était Martin de Chourio, notaire à Ascain. Il y avait plus de deux ans qu'il était en fonctions et ne se pressait nullement de rendre ses comptes, M. d'Arcangues, procureur du roi au bailliage de Labourd, convoqua le Bilçar et fit nommer pour sindic général Pierre Durruty, avocat, à Ustaritz.



Chourio protesta avec la plus grande énergie, il soutint que les officiers royaux n'avaient pas le droit de convoquer le Bilçar, que seul le sindic jouissait de cette faculté. A son tour, il convoque un nouveau Bilçar qui, dans une réunion agitée et tumultueuse, cassa l'élection de Durruty.



A l'issue de cette réunion, M. d'Arcangues en fit arrêter les membres les plus exaltés et les fit conduire à la prison d'Ustaritz. Chourio soudoya des affidés qui furent piller la maison de M. d'Arcangues et la mirent à sac. Après cela ils dérobèrent, au fort du Soeoa, deux pièces d'artillerie, les traînèrent à Ustaritz et enfoncèrent les portes de la prison royale. Les prisonniers furent délivrés.



Le procureur du Roi dénonça ces excès au Parlement de Bordeaux. Celui-ci rendit contre Chourio un décret de prise de corps et commit Lambert, huissier à cheval, pour le mettre à exécution.



Lambert se rendit à Ascain avec trente hommes d'armes de la garnison de Bayonne, qu'il avait jugé prudent de prendre pour escorte ; mais ils trouvèrent dans la rue d'Ascain toutes les fenêtres et le clocher de l'église occupés par les complices de Chourio, qui les reçurent à coups de fusil et les obligèrent à battre en retraite.



Afin de réprimer ces graves désordres, le bailli de Labourd, M. d'Urtubie, mit sur pied les mille hommes de troupe qui composaient la milice du pays. Alors Chourio s'insurge ; il arme des partisans qui coururent la campagne, rançonnèrent les habitants, s'emparèrent des bestiaux et commirent toutes sortes de déprédations. Pendant près de deux ans, une véritable guerre civile désola le Labourd. Les adversaires, pour se reconnaitre, avaient adopté des ceintures de couleurs différentes, blanche pour les d'Urtubie, rouge pour les autres. De là les noms qui leur furent donnés, les Sabelchourris et les Sabelgorris.



Chourio pendant ce temps appelait à son aide toutes les ressources de la procédure. Il se pourvut devant le Conseil du roi, contre l'arrêt rendu par le Parlement de Bordeaux. Il invoquait le grand nombre de parents que possédait le bailli de Labourd parmi les parlementaires de cette Cour. Le Conseil accueille le pourvoi et renvoie l'affaire au Parlement de Pau. Nouveau pourvoi de Chourio. Cette fois c'est M. d'Arcangues, le procureur du Roi, qui compte une foule de parents et d'alliés dans la cour béarnaise. Nouvel arrêt du Conseil, renvoyant les parties au Parlement de Toulouse. Troisième pourvoi de Chourio, toujours pour cause de suspicion légitime. Cette fois le Conseil juge prudent de choisir une Cour très éloignée et renvoie la cause au Parlement de Rouen.



Les choses en étaient là quand Chourio mourut de mort naturelle dans sa maison d'Ascain. Cet événement inattendu déconcerta ses partisans qui se débandèrent. Le calme fut enfin rétabli. Un procès fut fait aux principaux mutins. Le Bilçar se réunit encore, paisiblement cette fois, et confirma l'élection du sindic Durruty.



Ces troubles prolongés avaient fâcheusement impressionné Louis XIV. Quand bientôt après il vint à Saint-Jean-de-Luz pour son mariage, il voulait, dit-on, supprimer le Bilçar et toutes les institutions du pays de Labourd. On lui représenta que ce projet était dangereux, que les Basques, avec leur esprit indépendant, émigreraient en masse, soit du côté de l'Espagne, soit du côté de Terre-Neuve, que le pays allait rester désert et réduit à la misère. Le roi comprit ces raisons et se contenta de réglementer les réunions du Bilçar.



Par une ordonnance du 3 juin 1660, rendue à Saint-Jean-de-Luz, le roi y étant, il prescrivit que les Bilçars seraient convoqués "à la diligence du sindic, mais par l'ordre et en présence du bailli et des officiers de Sa Majesté. Que les propositions du sindic seraient données à entendre par le lieutenant. Que ledit sindic, les abbés et députés ne pourraient y porter aucune arme, et qu'ils ne pourraient s'assembler qu'au parquet de la justice royale du bailliage". Cette ordonnance a été jusqu'à la Révolution la loi fondamentale du Bilçar.



Après une existence plusieurs fois séculaire, l'Assemblée d'Ustaritz s'est réunie pour la dernière fois le mercredi 18 novembre 1789. Dans une réunion précédente, un désaveu formel avait été infligé aux deux députés du bailliage qui, dans la nuit du 10 août, avaient renoncé, sans en avoir le droit, aux franchises et privilèges du pays de Labourd.



Dans sa dernière réunion le Bilçar donna pleins pouvoirs au sindic de solliciter de l'Assemblée Nationale le maintien pour le pays de sa constitution particulière et, s'il ne pouvait l'obtenir, de demander qu'il fut réuni aux provinces de Basse-Navarre et de la Soule seulement.



Ce vœu formulé par le Bilçar, avant de mourir et de disparaître, ne fut réalisé qu'en partie. La constitution particulière du Labourd ne fut pas maintenue. Mais la loi du 4 mars 1790 qui partageait la France en départements et en districts, décida que les trois parties du Pays basque et le Béarn formeraient ensemble le département des Basses-Pyrénées. Le bailliage de Labourd fut alors remplacé par le Directoire du district d'Ustaritz.



Appendice.



Il est facile de relever les différences qui existaient entre le Bilçar et d'autres Assemblées analogues telles que les Etats de Bigorre et de Béarn, ceux de Navarre, la cour de Licharre, dans la Soule.



1. — Toutes ces Assemblées comprenaient trois ordres de députés : clergé, noblesse et commune ; le Bilçar était uniquement composé des abbés des paroisses, c'est-à-dire d'hommes du peuple et de paysans. C'était exclusivement une Assemblée populaire qui reflétait parfaitement l'esprit d'indépendance et la fierté ordinaires aux Basques.



2. — Le Bilçar ne délibérait pas par lui-même ; ses membres n'avaient pas à voter. Chacun d'eux se bornait à rapporter la réponse de sa paroisse aux propositions du sindic, de sorte que, grandes ou petites, toutes les paroisses avaient un droit de vote exactement pareil.



3. — Le Bilçar n'avait rien de régulier dans ses réunions. Il était convoqué quand le syndic le jugeait convenable. Il y a eu des années où il ne s'est pas réuni du tout.



4. — Chaque réunion était partagée en deux séances séparées par huit jours d'intervalle. Dans la première, les abbés écoutaient les propositions du sindic ; dans la deuxième, ils rapportaient les réponses de leurs communautés. Dans chaque paroisse cette réponse était votée par l'Assemblée capitulaire.



Paroisses composant l'ancien pays de Labourd.

Anglet, Arbonne, Arcangues, Ahetze, Ascain, Ainhoa.

Biarritz, Bidart, Briscous, Bassussarry.

Cambo, Ciboure.

Espelette (qui comprenait Sourraïde).

Guéthary.

Hasparren (qui comprenait Bonloc), Halsou, Hendaye.

Louhossoa, Larressorre (qui comprenait Jatxou).

Macaye, Mendionde, Mouguerre (qui s'appelait Saint-Jean-le-Vieux en Labourd).

Sare, Saint-Jean-de-Luz, St-Pée-sur-Nivelle, Saint-Pierre-d'Irube.

Urcuit (qui comprenait Lahonce).

Urrugne (qui comprenait Biriatou et Béhobie).

Ustaritz et Villefranque.



En 1763, les paroisses d'Urt, Guiche et Bardos furent réunies au Labourd pour les affaires administratives. Pour les affaires judiciaires elles restèrent attachées à la seigneurie de Bidache."




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