LA PORCELAINERIE DE CIBOURE AU 18ÈME SIÈCLE.
Avant la Poterie de Ciboure, société officiellement fondée en 1922, il a existé, au 18ème siècle, dans cette commune du Labourd une fabrique de porcelaine.
Voici ce que rapporta à ce sujet Ernest Labadie, dans Notes et documents sur quelques
faïenceries et porcelaineries de la Gascogne au XVIIIe siècle :
"Porcelainerie de Ciboure (1779-1791).
A Bordeaux, ce 29 avril 1780.
A M. Chegarray.
J'ai l'honneur, Monsieur de vous envoyer copie d'une lettre adressée à M. l'Intendant par M. Bertin, Ministre et Secrétaire d'Etal, concernant la qualité des terres dont M. de Soubelette fils a fait la découverte dans son fonds et qui sont propres à la fabrication de la porcelaine. Vous voudrez bien lui donner communication de cette lettre et vous concerter avec lui pour fournir à M. l'Intendant les éclaircissements que le ministre désire.
J'ai l'honneur d'être avec respect....
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Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez faite l'honneur de m'écrire le 5 avril dernier dans laquelle est incluse copie de la lettre que vous avez bien voulu écrire à M. de Bertin au sujet de notre fabrique de porcelaine.
Quoiqu'on n'ait rien négligé pour avoir au plus tôt le résultat d'une quatrième tentative, nous n'avons pu défourner que le neuf de ce mois. Nos ouvriers ayant demandé d'une terre blanche qui se trouve près la ville de Dax pour composer en partie les gazettes, mon père eut égard à leur prière ; il en fit venir, quoiqu'elle lui coûtât très cher. Les gazettes qu'on a faites ont assez bien résisté au grand feu de porcelaine qui a duré dix huit heures ; on a brûlé six cordes de bois, les gazettes du bas du four ayant fléchi, les sillès ont penché les unes sur les autres ; sur neuf cent pièces qu'on avait enfournées, il s'en est trouvé environ deux cent de gauchies. Mais le principal accident de cette fournée est une boursouflure dans beaucoup des pièces.
Nous avons fait choisir, Monsieur, avec le plus grand soin une écuelle et une tasse parmi les plus belles pièces, elles sont faites avec de la pâte dont le kaolin et le petunset ont été triés à la main. Il y avoit aussi quelques assietes dont le kaolin avoit été lavé. Nous avons remarqué que les pièces dont le kaolin étoit trié ou lavé n'avoint point de tâches. Pour que vous puissiez voir ce qu'on a fait de mieux encore dans notre fabrique, je doute qu'il y ait dans toute la fournée quarante pièces de la beauté des pièces qu'on a remises à votre adresse au courrier ordinaire de Bayonne à Bordeaux.
Comme il nous reste encore assez de marchandises pour deux fournées nous nous proposons de faire cuire de suite. J'aurai l'honneur de vous en apprendre les suites.
Si l'enfourneur manque encore ces deux prochaines fournées, mon père est décidé à tout surseoir. J'ignore, Monsieur, si un porte-huiler et une téijère de la troisième fournée vous sont parvenus.
Veuillez agréer mes remerciements de la bonté que vous ayez eu de faire éprouver notre kaolin et notre petunset à Sèvres.
Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
(Signé) : De Soubelette, fils.
Ciboure, 13 juin, 1780.
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La petite boëte dont M. de Soubelette annonce l'envoi est arrivée, on a du devoir la garder sans l'ouvrir pour la remettre à M. l'Intendant à son retour.
(Autre écriture) :
Je répondrai plus en connaissance de cause lorsque j'aurai vu l'envoi que M. de Soubelette m'annonce. Il paroit par sa lettre qu'il y en auroit en un précédent dont je n'avois pas à ce qu'il me semble entendu parler.
M. Bertin et Messieurs de la Manufacture de Sèvres m'ont dit qu'ils n'avoient point vu d'aussi beau kaolin que celui dont je leur ai fait passer un échantillon. L'on comptoit bientôt mettre au four quelques pièces faites avec cette terre et l'on m'a promis de m'instruire de ce qui en arriveroit.
Ce 24 juin 1780.
MANUFACTURE DE SEVRES |
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A Bordeaux, ce 11 juillet 1780.
A M. de Montigny, de l'Académie des Sciences, Paris.
Permettez-moi de vous rappeler les essais qui devoient être faits à Sèvres de la terre du pays de Labour que j'avois adressée à M. Bertin et dont vous aviez conçu les meilleures espérances. Il est bien intéressant pour le gentilhomme qui a découvert cette terre dans son fonds, que je puisse lui marquer quel a été le résultat des expériences que je lui ai annoncées et vous me feriez grand plaisir de me mettre à portée de lui faire connoitre avec quelque détail sur quoi il pourra compter à cet égard.
J'ai l'honneur d'être avec un respectable...
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Bordeaux, 11 juillet 1780.
A M. De Soubelette fils, à Cibourre
— Je n'ai pu voir, M., qu'à mon retour, les quatre pièces de porcelaine que vous avez bien voulu m'envoyer, elles m'ont confirmé dans l'opinion que le ministre avoit lui même conçue de votre terre en m'assurant que cette matière avoit paru d'une qualité supérieure, mais vous auriez du attendre le résultat des essais qu'on en fait à Sa Manufacture de Sèvres.
Je crains que vos ouvriers n'ayent pas observé les procédés nécessaires, en effet, ces quatre pièces sont trop vitrifiées et n'ont pas la netteté et le poli dont elles étoient susceptibles. J'ai surtout beaucoup de regrets de voir qu'ils en ayent chargé une de dessus qui ont dû leur coûter du travail et augmenter la difficulté du succès. Le moins de dépense que vous pourrez y mettre dans le commencement c'est le mieux, il n'est question que de trouver le point de mélange et de cuisson, ensuite, après avoir réussi pour des ouvrages de peu de conséquence, vous pourrez entreprendre avec sûreté les objets d'une plus grande importance.
J'écris par ce courrier à Paris pour recevoir des nouvelles de l'expérience qu'on avoit commencée sur les échantillons de terre que vous m'aviez envoyés et je ne manquerai pas de vous faire part aussitôt qu'elles me seront parvenues.
J'ai l'honneur d'être avec un parfait...
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Monsieur, j'ai appris que vous partez samedy pour Paris, je crois devoir vous faire part de ce qui s'est passé dans notre fabrique de porcelaine depuis que M. Valsambert a bien voulu vous en parler. Nous avons cuit deux fois ces porcelaines ; les gazettes qui avoient résisté ont cassé sans qu'on ait brûlé plus de bois que dans la précédente fournée, de neuf cent pièces on en sortit d'entières quatre cent, le reste étoit comme en morceaux avec les morceaux des gazettes.
Dans la dernière fournée nous avons eu s'il est possible moins de succès : de mille cinquante pièces, cent cinquante ont été mises en pièces en les défournant, et quoiqu'on ait tâché d'amaigrir la terre des gazettes autant qu'il a été possible, les deux tiers des gazettes ne peuvent plus servir. Je doute que sur neuf cents pièces qu'on a emmagasinées, qu'il y ait douze belles pièces, dans le nombre dès dernières se trouvaient trois cafetières très bien réussies.
Il reste à mon père pour environ une fournée de marchandises à cuire, il a un tonneau rempli de pâte. Il a voulu faire peindre quelques pièces par un peintre qui lui a été envoyé de Pontens, on n'a pas été content de ses couleurs.
Voila, Monsieur, où nous en sommes après plus d'un an de dépense. Quelle obligation ne vous aurois je pas si vous aviez la bonté de nous tracer la conduite que nous avons à suivre dans des circonstances aussi dispendieuses que rebutantes. Il seroit fâcheux de devoir abandonner un établissement naissant dans un pays où les ressources diminuent chaque jour.
Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
(Signé) : De Soubelette fils.
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Bordeaux, ce 11 novembre 1780.
M. Necker.
— Monsieur, j'avais informé M. Bertin par mes lettres du 15 janvier et du 15 avril dernier de la découverte que le sieur de Soubelette, gentilhomme du pays de Labour avoit faite dans son fonds d'une quantité si considérable de kaolin et de petuntzé qu'elle pourroit servir à alimenter toutes les fabriques de porcelaine du Royaume. En même temps j'avois fait remettre à son adresse deux boëtes de ces matières en lui rendant compte des mesures que le sieur Soubelette prenoit pour former lui-même à ses frais une manufacture ; mais ces mesures me paraissent imparfaites, c'est pourquoi je priois ce ministre de vouloir bien me procurer une instruction qui peut servir à assurer le succès d'une entreprise si utile pour le pays de Labour. M. Bertin me fit l'honneur de me marquer le 19 du même mois d'avril qu'il avoit fait examiner à la Manufacture du Roi les échantillons de kaolin et qu'ils avoient été trouvés d'excellente qualité, et quant à l'instruction que je désirois, qu'il l'avoit demandée au directeur de cette manufacture et qu'il me l'enverroit aussitôt qu'il l'auroit reçue.
Comme elle ne m'est pas encore parvenue, je crois devoir vous prier, Monsieur, de vouloir bien la faire demander de nouveau.
C'est véritablement intéressant d'éclairer et d'encourager le sieur de Soubelette. Sa fabrique naissante pourroit former dans la suite une branche d'industrie et de commerce d'autant plus importante, que le voisinage d'Espagne offre un débouché très facile et très avantageux de tous les ouvrages qu'on pourra y fabriquer avec quelque degré de perfection. Des essais ont été jusqu'à présent fort défectueux, et il est à craindre que le zèle de ce gentilhomme ne se ralentisse au point de tout abandonner, faute de pouvoir plus longtemps faire des dépenses considérables sans en retirer pour ainsi dire aucun fruit ; ces considérations m'ont engagé à vous prier de me mettre à portée de lui faire connaître les meilleurs procédés qu'il doit suivre pour réussir.
Je suis avec respect.
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Paris. 18 novembre 1780.
J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 11 de ce mois, au sujet d'une Manufacture de porcelaine que le sieur de la Soubelette, gentilhomme du Païs de Labourt, a établie dans ses terres, et pour la conduite de laquelle M. Bertin vous a annoncé une instruction rédigée par le Directeur de la Manufacture de Sèvres. L'administration de cette Manufacture a été réunie au département de M. le Comte d'Angevilles, et c'est à lui que vous devez vous adresser pour cet objet.
J'ai l'honneur d'être avec un très parfait attachement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
(Signé) : Necker.
JACQUES NECKER |
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