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mardi 27 juin 2023

LA MORT AU PAYS BASQUE EN 1895 (première partie)

LA MORT AU PAYS BASQUE EN 1895.


La mort est un événement important dans les rituels du Pays Basque d'Antan.


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DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN




Après nous avoir parlé des enfants, des animaux domestiques et des mariages, voici ce que 

rapporta au sujet de la mort au Pays Basque, Mme d'Abbadie d'Arrast, épouse d'Antoine 

d'Abbadie d'Arrast, dans la revue bimensuelle La Femme, le 1er février 1895 :



"La mort en Pays Basque.



Chez tous les peuples agricoles, qu'un commerce incessant avec la nature habitue à accepter l'inévitable mort comme la loi commune, on meurt facilement.



Les Basques ont conservé cette simplicité. Lorsque la mort survient, elle ne les surprend pas, ils l'accueillent sans trouble, sans apparat et sans phrases. Leur foi enfantine, résignée, leur laisse peu de regrets d'une vie qui leur a été rude et qu'ils vont échanger contre les choses meilleures. Avec soumission à la volonté de Dieu, ils disent en présence de la mort : "Ce que Dieu voudra." Ils ne se révoltent pas contre la destinée fatale.



Voltaire a défini les Basques : "Un petit peuple qui saute et qui danse au haut des Pyrénées." Sauteurs et danseurs du petit peuple savent à leur heure être des stoïques.



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DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il serait aisé de multiplier par des exemples frappants les preuves de leur sang-froid au moment du délogement.



Gachina, la veuve de Manech, maîtresse de la maison Sarsabalbéhéré, est tombée gravement malade. On a attendu, pensant qu'elle allait se remettre, mais l'amélioration n'ayant aucunement l'air de se manifester, on s'est décidé à appeler le médecin. La maison, avec son champ, sa prairie et ses bois, est située sur le penchant de la montagne à une altitude de 500 mètres au moins au-dessus de la vallée. Le chemin qui y conduit est long, rocailleux ; un mulet y passe avec peine ; les secours, en conséquence, sont pénibles à se procurer. Le médecin avait d'autres malades, il n'est venu qu'à la seconde ou troisième invitation. C'était trop tard, il a dit à la famille qu'il n'y avait plus d'espoir, qu'il était inutile qu'il revînt.



Chez les paysans on est philosophe. Le médecin parti, la femme du fils aîné s'est approchée du lit de sa belle-mère et d'un ton à peine plus grave qu'à son ordinaire, elle lui fait la lugubre communication :

"Vous êtes bien malade, ma belle-mère, vous avez une très forte fièvre, dans quelques jours vous n'aurez peut-être plus toute votre lucidité d'esprit ; il vaudrait mieux pour vous faire tout de suite ce qu'il vous reste à faire. Vous avez d'autres enfants que Peilho, mon mari, et vous avez promis d'arranger les choses en notre faveur."


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COSTUME DE DEUIL SARE
BMB N3 4  1927


La pauvre Gachina n'a que trop compris. Elle regarde droit dans les yeux de sa belle-fille, mais ni l'une ni l'autre des deux femmes n'éprouvent un instant de défaillance. Il faut bien mourir une fois ; c'est la volonté de Dieu !



On court chez le notaire, on court chez le curé ; bientôt, au contentement de la famille, les affaires temporelles et spirituelles de la mourante sont en règle.



Vers le soir, une voisine qui, de temps à autre, avait veillé Gachina monte pour lui dire adieu.



"Ah ! voisine ! je vous remercie de vos soins," lui dit Gachina d'un ton affectueux, "mais surtout ne manquez pas de venir à mon enterrement."



La belle-fille qui assiste aux adieux ajoute d'un air satisfait :

"Oui, oui, soyez sans inquiétude, ma mère, nous vous ferons tous les honneurs."



Alors Gachina se souvient que le lendemain c'est le jour de marché. Elle retient sa belle-fille et lui recommande de ne pas manquer d'aller au village se fournir des provisions que rend indispensables l'événement qu'il faut prévoir. Elle n'oublie rien, ni le boucher, ni le boulanger. Pour le repas des funérailles, elle veut que les invités aient du café, elle commande les cierges, la bougie filée et les aunes de ruban noir. Ces rubans noirs serviront à lier ses pieds, ses mains et son visage lorsqu'elle sera morte.



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CAPE DE DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN



En effet, le lendemain, la bru exécuta les ordres qu'elle avait reçus. Il s'agissait de ne rien épargner, car la maison était ancienne et considérée. A son retour du marché, sa belle-mère respirait encore. Elle monta doucement l'escalier, sur la tête sa corbeille ronde garnie de vivres et d'objets funèbres ; elle s'approcha du lit et présenta ses emplettes. "Voyez, ma mère." dit-elle sans embarras et presque sans émotion, "voyez ceci et encore ceci... je l'ai acheté chez un tel... je l'ai payé tant. Etes-vous contente ? Maintenant mourez tranquille, vos honneurs seront bien faits." Et à mesure que le contenu de la corbeille s'étale sur le lit, on voit comme un éclair de satisfaction errer sur le visage livide. Puis une idée traverse l'esprit de Gachina ; elle fait comprendre qu'elle veut parler. Son fils s'approche, et lorsqu'elle sent l'oreille à portée de sa bouche elle dit :

"Peilho ! promets-moi, le jour de mon enterrement, de me couvrir de ma belle mante de mariage."



Ce furent ses dernières paroles. Le roi des épouvantements était entré dans la demeure de la veuve de Manech et y avait fait son oeuvre. Mais quel calme pour le recevoir, quelle résignation pour l'accueillir ! Puissent les Basques conserver parmi eux la tradition de ce superbe sang-froid qui est à leur plus grand éloge !



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MANTEAU DE DEUIL
PAYS BASQUE D'ANTAN



Aussitôt qu'un décès est certain, le premier voisin descend au village ; il avertit le sonneur de cloche, il commande l'enterrement et va chercher à l'église la grande croix de bois noir qu'il rapporte sur son épaule, pieusement, jusqu'à la maison mortuaire. A mesure qu'il gravit la montagne, le glas funèbre remplit la vallée et les hauteurs de ses sonneries lentes et lugubres. Le voisin dépose lui-même la croix à la tête du lit et se relire pour faire place à une femme dont l'office consiste à habiller les morts de son quartier."



A suivre...





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