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dimanche 11 juin 2023

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1934 (onzième partie)

 

L'AFFAIRE STAVISKY ET BAYONNE.


C'est une crise politico-économique qui secoue la France à la fin de décembre 1933, mettant en cause de nombreuses personnalités y compris en Pays Basque Nord.



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ALEXANDRE STAVISKY


Comme je vous l'ai indiqué précédemment, voici un autre article sur le "feuilleton" de 

l'affaire Stavisky et ses répercussions au Pays Basque.



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 19 janvier 

1934 :



"Que de questions posées encore et que de surprenantes incohérences dans les recherches judiciaires - hors Bayonne - sur l’Affaire !


Pigaglio a été arrêté. Un nouveau directeur de journal entendu.



... La matinée d'aujourd’hui à Bayonne


Ce matin, M. d’Uhalt a ouvert les lettres que Stavisky a écrites à sa femme et à ses deux enfants avant de mourir. Ces lettres, nous a dit M. d'Uhalt, sont extrêmement émouvantes, très tendres pour les deux criants, et d'un caractère trop intime pour qu'il en soit donné communication à la presse.


D'ailleurs, elles ne contiennent rien au sujet de l’affaire de Bayonne : il n’y est pas fait allusion aux affaires commerciales ou aux opérations financières de Stavisky


Le juge d’instruction a déposé les trois lettres dans le coffre des greffes, et il les remettra à Mme Stavisky lorsqu'elle viendra à Bayonne


M. d'Uhalt a télégraphié à l’expert en bijoux pour le prier de venir à Bayonne le plus vite possible. 



Les interrogatoires.


Hayotte sera interrogé le 25 janvier à 14 heures. 


Les demandes de mise en liberté provisoire.


Ce matin, M. Camille Aymard a été conduit au Palais de justice à 10 heures, pour assister à la délibération de la Chambre du conseil qui devait statuer sur la prolongation de son mandat de dépôt. 


La Chambre a décidé de confirmer le mandat de dépôt. 


La délibération s'est terminée à midi. 


Cet après-midi, le dossier concernant les demandes de mise en liberté provisoire de Darius et Camille Aymard, sera envoyé à Pau. La Chambre des mises en accusation statuera très probablement de main.



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CAMILLE AYMARD
PHOTO AGENCE MEURISSE



Les escroqueries de Stavisky et du Crédit ont eu hier un nouvel écho à la Chambre.


L'Affaire — car on peut maintenant l'écrire avec un grand A — préoccupe de plus en plus l'opinion publique, quoi qu’on en veuille dire, et les pouvoirs publies, ceux-ci à des points de vue divers. 


Après les déclarations de M. Camille Chautemps, l'autre jour à la Chambre des Députés, on s'était imaginé qu'on en resterait là, sur le plan parlementaire. Mais hier, une grande partie de la séance fut occupée par un virulent discours de M. Henriot — haché d’interruptions, de questions et de répliques passionnées. Un des faits évoqués à la tribune par l'orateur devait même amener, après la clôture de la séance, un incident d’une rare violence entre M. Henriot et M. de Monzie qu'il avait mis en cause, comme ancien défenseur de Mme Stavisky. 


En avons-nous fini avec les débats et les querelles hors du Palais ou des Palais de Justice de France, jusque dans les enceintes du Parlement et les antichambres des ministères. On voudrait l'espérer, mais nous ne croyons pas qu'il faille s'y attendre. 


Sans doute, la justice est-elle saisie et le gouvernement a-t-il promis de faire toute la lumière. 


Mais on constate que le public s'étonne de certains atermoiements, de certaines contradictions, d'un dispersement en trop d'endroits de l'action judiciaire, lorsqu'il serait souvent aisé de l'exercer sur un seul terrain. 


A Bayonne, peu de chose de nouveau. 


L'intérêt se fixe autour de deux valises et d'une lettre dont on ignore encore, à l'heure où nous écrivons, si elle fut ouverte â Chamonix ou si elle arriva intacte entre les mains du juge de Bayonne


Mais s'il en était ainsi, comment aurait-on pu publier depuis plusieurs jours la lettre "à mon fils Claude" ? 


Quel voyant extra-lucide aurait pu la lire à travers l'enveloppe ?



Me J.-C. Legrand demande l’inculpation de Voix.


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MAÎTRE JEAN-CHARLES LEGRAND 1929
AFFAIRE STAVISKY 1934
PAYS BASQUE D'ANTAN



Avant de quitter Chamonix, Me Jean-Charles Legrand a adressé à M. d'Uhalt, juge d'instruction à Bayonne, la lettre suivante : 


Monsieur le Juge, 

Il m'est apparu nécessaire à la manifestation de la vérité et à la défense de Tissier, mon client, de procéder à quelques vérifications dans les lieux où Stavisky a trouvé la mort.


Mes constatations personnelles, outre diverses indications dont il y aura lieu de faire état ultérieurement, m'ont amené à considérer avec étonnement le rôle joué par le sieur Voix. 


Celui-ci, en connaissance de cause, a pourvu à l'entretien de Stavisky, objet d'un mandat d'arrêt, et l'a assisté dans sa fuite. Il serait inexplicable qu'une mesure de justice n'intervienne pas à l'égard de Voix. 


Si celui-ci n'était pas l'objet d’une inculpation, les hypothèses les plus regrettables prendraient une forme de certitude. 


le suis assuré que votre justice ferme et clairvoyante ne le permettra pas. 



Voix convoqué par le juge d’instruction


Le doyen des juges d’instruction, M. Lapeyre, avait convoqué hier pour 14 heures, Voix qui, jusqu'au dernier moment, accompagna Stavisky dans sa fuite. 


Lucette Alberas, amie de Voix, devait être entendue également par le magistrat. 


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LUCETTE ALBERAS ET HENRI VOIX
AFFAIRE STAVISKY 1934
PAYS BASQUE D'ANTAN


Henri Voix est arrêté.


M. Lapeyre, doyen des juges d'instruction, a longuement interrogé Henri Voix et Lucette Alberas, qui accompagnèrent Stavisky dans sa fuite. 


Voix et son amie, qui avaient été entendus précédemment à la Sûreté générale, ont confirmé leurs premières déclarations. 


Henri Voix a déclaré qu’il n'avait cessé de conseiller à Stavisky de se confier à la justice. Dans sa situation, pensait-il, Stavisky n’avait rien à craindre. Telle était, du moins, l’opinion du fugitif qui lui aurait affirmé à diverses reprises qu'il était propre et qu'il n’avait encouru aucun reproche. Henri Voix se détend énergiquement de toucher de près ou de loin à la police. Il affirme qu'à aucun moment il n'a été en possession des bijoux retirés du Crédit Municipal de Bayonne avant la fuite de Stavisky


M. Lapeyre, à l’issue de l'interrogatoire, a signifié â Henri Voix le mandat d'amener décerné contre lui par le parquet de Bonneville pour recel de malfaiteur. Henri Voix a été envoyé au dépôt, accompagné par deux inspecteurs, en attendant son transfert pour la Savoie. 


Le mandat qui le concerne est daté du 14 janvier dernier. 



Un mandat d'amener contre Pigaglio


A la même date, un mandat identique et pour le même délit a été décerné contre Pigaglio, secrétaire et ami personnel de Stavisky.



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RENE PIGAGLIO
AFFAIRE STAVISKY 1934
PHOTO BNF



A Bayonne les phases de l'Instruction.


Hier après-midi, M. d’Uhalt a ouvert les caisses et les valises qui lui ont été envoyées de Chamonix et ii a procédé à l'inventaire des vêtements et des objets trouvés dans la villa où Stavisky a trouvé la mort. 


Les deux valises contenaient uns quantité assez considérable de vêtements, de linge et de chaussures, le tout d'une excellente qualité, et une magnifique pelisse de vison. 


Les caisses contenaient encore quatre livres, le pistolet automatique et la balle qui tuèrent Stavisky, et enfin une enveloppe dans laquelle se trouvaient les lettres testamentaires que l'escroc avait adressées à sa femme, à son fils Claude et à sa fille Micheline, ainsi qu'une somme de 35 francs. M. d'Uhalt n'a pas encore pris connaissance des trois lettres. 



Un démenti.


Le juge d'instruction dément formellement une information fantaisiste selon laquelle, au cours de la perquisition opérée au domicile do Tissier, il aurait confié le soin de dactylographier l'inventaire et le double du procès-verbal à Mlle Mathilde Sabatier, l’amie de l'ancien directeur du Crédit Municipal. 


M. Sicre, son greffier, a seul assumé ce travail, sans être aidé par personne. 



Le prochain interrogatoire de M. Bonnaure


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DEPUTE GASTON BONNAURE
PHOTO AGENCE MEURISSE


Le juge d'instruction a fixé au 20 janvier la date de l'interrogatoire du député Bonnaure, d'accord avec Me de Moro-Giafferi. 



Au Conseil de l'Ordre des avocats.


Nous recevons la communication ci-dessous


"Extrait de la délibération du Conseil de l'Ordre du 13 janvier 1934. 


Le Conseil de l’Ordre des Avocats de Bayonne, péniblement impressionné par les procédés jusqu'ici inusités qui se sont fait jour à l'occasion d'une affaire actuellement à l'instruction : publication dans les journaux de lettres destinées aux magistrats ; reproduction in-extenso de pièces de l'information, etc... ; 


Considérant que de telles pratiques sont incompatibles avec la discrétion et la prudence qui s’imposent à l'avocat ; 


Considérant que l'avocat dans sa collaboration à l'œuvre de la justice doit se dégager de toutes autres préoccupations pour ne se consacrer qu'à l'exercice de sa profession et sur le plan uniquement judiciaire, 


Rappelle à tous les avocats que si depuis la loi du 8 décembre 1897 l'instruction est contradictoire, elle est restée secrète et que la violation de ce secret est passible de peines disciplinaires.


Les engage à ne pas perdre de vue les règles et traditions protectrices de la dignité de l’Ordre."



Où "la France" s’étonne de "tant de silence" 


Nous lisons dans la France de Bordeaux : 


"L’allure prise il y a quelques jours par l'affaire Stavisky, semblait laisser prévoir des événements prochains et sensationnels. 


Nous comprenons parfaitement que l'on ne puisse pas chaque jour jeter une nouvelle inculpation en pâture à l’opinion publique. Mais nous sommes bien obligés de constater qu’un ralentissement semble se produire à l’instruction. 


L’examen des bagages de Stavisky ne suffit pas à expliquer l’arrêt de cette instruction ou la mise de son rythme au point mort qui contraste avec la hâte brutale des premiers jours. 


A ce moment toute complicité apparente entraînait non seulement l'inculpation mais l’incarcération. 


Or l'état de l’instruction a permis d’établir d’autres complicités avérées et peut-être plus certaines que les premières. 


Pourquoi ce silence succède-t-il a tant de précipitation et de dureté du début ?


L’opinion se le demande. 


Hier jeudi, M. le juge d’instruction a continué l’examen des bagages de Staviskv. il a trouvé le revolver qui aurait été l'arme de son suicide ainsi que la balle meurtrière. Il a mis à jour le linge de corps et le pardessus de vison de l’aventurier. Mme Stavisky en viendra prendre possession probablement à Bayonne.


Tout cela est bien des détails quand on sait l'escroquerie estimée à 500 millions et au sujet de laquelle on a arrêté un coupable, Tissier et cinq prévenus, comparses à des titres différents. 


Dans cette affaire, il y a autre chose. 


Nous souhaitons que la justice fasse tout son devoir et n’épargne pas les plus puissants."



Le parti républicain et M. Garat.


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JOSEPH GARAT MAIRE DE BAYONNE 


C’est également dans La France de Bordeaux que nous lisons les lignes suivantes, que nous reproduisons à titre de document : 


"Si beaucoup d’amis se sont émus à la nouvelle de l'inculpation et de l'arrestation de M. Garat, beaucoup de républicains du département en ont été stupéfaits. Ceux-ci placent l'idée avant l’homme. Les hommes passent, l’idée reste. Le parti républicain départemental, quoique privé d'un de ses chefs, n’en continuera pas moins son œuvre, car il n’est pour rien dans le scandale qui s’est produit. Si Garat était là, il ne nous tiendrait pas un autre langage. 


Mais il n’est pas inutile d’éclairer les républicains sur cette affaire. Non pas suivant la justice qui poursuit, non pas suivant l'avocat qui défend, mais suivant l’idée que peut se faire un journaliste qui connaît Garat et qui a vécu au jour le jour les événements de cette affaire. 


Un jour, Stavisky est présenté sur la Côte Basque au député-maire de Bayonne. Stavisky s’appelle alors Serge Alexandre. Il parait avoir une grosse situation. Il a de puissantes relations en haut lieu et il s’en vante. On cause. On se revoit. Stavisky dit un jour à Garat : 


-- Comment n’avez-vous pas un Crédit municipal à Bayonne ? Plusieurs villes en tirent d’importants revenus. Ici, près de la frontière, à côté des villes d’eau, les résultats seraient fort intéressants. 

-- Mais combien ça coûterait-il à la ville ? 

— Rien, répond Stavisky. 

— J’accepte, mais à condition de prélever 25 p. 100 pour les œuvres de bienfaisance de la ville. 


C’est entendu. L'embarquement est commencé. La première année 1931, tout va bien. Le Crédit municipal produit pour la ville près de 100 000 francs. C’est merveilleux. M. Garat n’a plus à s'en occuper attentivement, sa confiance est gagnée. 


Un an après, en décembre 1932, un journaliste parisien dit qu'il y a de faux bons du Crédit municipal de Bayonne en circulation. M. Garat porte plainte. Mais le journaliste rectifie son information et M. Garat retire sa plainte, car il n'entend pas éclabousser, sans raison sérieuse, une institution qui marche si bien. Au contraire, par des démarches, par des lettres, il recommande le Crédit municipal. En effet, tout paraît marcher normalement. 


Mais, il y a quatre mois, en septembre 1933, 8 millions de bons de l’Urbaine ne sont pas remboursés à échéance. Que se passe-t-il ? Tissier, l'homme de Stavisky aux allures si honnêtes, veut réaliser un lot de bijoux. La justice et les intéressés s’y refusent. Les administrateurs du Crédit municipal sont inquiets. M. Garat, pour la septième fois, demande au ministère du commerce un contrôleur pour venir vérifier la comptabilité. Celui-ci retarde sa venue jusqu'à la fin décembre. Mais, le 22 décembre, Tissier avoue avoir fait des faux. Il est arrêté. Le scandale éclate et prend des proportions gigantesques. Tissier était le comparse de l'escroc Stavisky. 


Et ici se place le point délicat. M. Garat a-t-il connu les faux bons ? M. Garat a-t-il été circonvenu par Stavisky qui était à la veille de réaliser l’emprunt hongrois de 500 millions, emprunt qui devait permettre à la fin de l’année de couvrir toutes les irrégularités des escrocs et qui était patronné par les plus hautes personnalités de l’Etat : préfets de police, ambassadeurs, ministres peut-être, etc.. ? 


Même s'il a connu l’opération projetée — ce que nous ne pouvons préciser — que devait faire M. Garat ? Un honnête homme dira évidemment : "Porter plainte immédiatement, faire éclater le scandale, sans considérer que tout pouvait être évité si l'emprunt hongrois était réalisé." 


Et pourtant, dans ces conditions, il est aussi beaucoup d’honnêtes gens qui auraient fait comme M. Garat. Ils auraient attendu dans l’espoir de sauver le Crédit municipal d'une catastrophe. Peut-être le maire de Bayonne pensait surtout aux petits épargnants et aussi, avouons-le, à son amour-propre incommensurable qui ne voulait pas être atteint. 


Telle nous apparaît l’affaire. 


Une chose est certaine : c’est que le parti républicain est en dehors de cette triste affaire. Les fautes, s’il y a faute, sont personnelles. Attendons la justice. Mais quoi qu’il advienne, l’idée reste, et c'est autour d’elle que doivent se grouper demain, comme hier, tous les républicains. 


Que les coupables paient ce qu’ils ont à payer. Mais le parti républicain, le peuple, n’ont rien à voir dans cette aventure où l’un des nôtres a été berné. Le parti républicain reste honnête. Citoyens, saluez-le au passage, comme vous l’avez vénéré hier."



A suivre...








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