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dimanche 14 novembre 2021

LA CONSTRUCTION D'UN PONT PRÉVUE À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1845

UN NOUVEAU PONT PRÉVU À BAYONNE EN 1845.


A partir de 1845, la construction d'un nouveau pont sur l'Adour est prévue à Bayonne.




pays basque autrefois pont
PONT DE BAYONNE 1843
FONDS ANCELY




Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, le 10 juin 1845 :



"Addition à la séance du mardi 3 juin. 



Rapport fait par M. Liadières sur le projet de loi relatif à la construction de divers ponts.



Messieurs, votre commission pense avec le Gouvernement que des allocations spéciales de crédits doivent être affectées aux ouvrages d’art de quelque importance, et que la dépense n’en saurait être prélevée sur le fonds commun des routes royales. Cependant quelques observations se sont élevées dans son sein sur l’inconvénient de comprendre dans un même projet de loi des travaux de même nature sans doute, mais qui n’ont aucune relation entre eux, dont l’urgence peut n’être pas la même, et dont par conséquent l’espèce de solidarité qui semble les unir peut gêner la liberté des votes. Ces observations, qui ne s’appliquent en rien au projet actuel, n’ont été, au reste, que de pure forme. 




Votre commission, en les discutant, a trouvé d’ailleurs que le remède à un pareil mal était facile ; qu'il suffisait pour cela d’affecter dans la loi un crédit particulier à chacune des parties distinctes qui en composent l’ensemble. De cette manière, tel ouvrage, dont la nécessité ne serait pas bien prouvée ou dont les éludes ne paraîtraient pas complètes, pourrait être retranché d’un projet de loi sans dommage pour les travaux utiles. Mais pousser le scrupule de la spécialité jusqu’à demander un projet de loi spécial pour chaque pont, pour chaque port, pour chaque route, ce serait multiplier dans le sein des chambres les commissions déjà si nombreuses qui préparent leurs travaux, et priver souvent l’élaboration d’importantes lois du concours des membres les plus capables d’en éclairer les débats. 



Les ponts à construire, et pour lesquels on vous demande une allocation de crédits par le projet actuel, sont au nombre de trois : l'un, sur l’Adour, entre Bayonne et Saint-Esprit, dans les deux départements des Basses-Pyrénées et des Landes ; l’autre, sur le Tech, auprès du Boulou, dans le département des Pyrénées-Orientales ; le troisième, sur la Rance, à Dinan, dans le département des Côtes-du-Nord. Dire que les deux premiers sont situés sur les deux routes royales 10 et 9 qui unissent la France et l’Espagne par les deux extrémités de la chaîne des Pyrénées, c’est révéler en peu de mots toute leur importance. Le troisième, bien qu’il ne se rattache à aucune relation internationale, n’en est pas moins hautement réclamé par des intérêts du premier ordre que nous aurons l’honneur de développer devant vous.



Apres avoir examiné avec soin les nombreux documents dont on l’a saisie, votre commission en a discuté le mérite dans l’ordre même du projet de loi. Nous allons vous soumettre le résultat de son examen et les déterminations qu’elle a prises. 



pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pont de Bayonne. 



C’est par le pont de Bayonne que la route royale n° 10 franchit l’Adour et se dirige vers Madrid. Il s’agit donc ici d’une nécessité internationale ; mais à ce grand intérêt de politique extérieure viennent se joindre les intérêts non moins graves de la navigation, du commerce, d’une population de 30 000 âmes agglomérée sur les deux rives de l’Adour, et surtout de la défense du territoire dans cette partie du royaume, car la citadelle de Bayonne est séparée du corps de place par toute la largeur du fleuve. 



Aussi, messieurs, la construction d’un pont en pierres entre Bayonne et Saint-Esprit a-t-elle été de tout temps l'objet incessant des vœux des conseils généraux des Basses-Pyrénées et des Landes, du conseil d’arrondissement, du conseil municipal et de la chambre de commerce de Bayonne. De tout temps, en effet, on s’est alarmé avec raison des dangers que le passage de l’Adour n’a cessé d’offrir pour la sûreté publique. Jusqu’en 1829 on traversait le fleuve sur un pont en charpente auquel on substitua le pont de bateaux actuel. Or, personne n’ignore les pentes effrayantes qui résultent, pour le tablier d'un pont de bateaux, du mouvement ascendant et descendant des marées. Ce mouvement est tel à Bayonne, que les voitures sont obligées de gravir et de descendre des pentes de 0m 15 par mètre. Compter les accidents qui se succèdent sur ce pont et qui tiennent les populations de Bayonne et de Saint-Esprit dans un état perpétuel d’anxiété, serait presque impossible. L’interruption assez fréquente des communications n’est que le moindre inconvénient de l’état de choses que le projet de loi veut faire cesser. 



Après ces graves considérations, messieurs, il en est une autre, secondaire sans doute, mais qui n’en mérite pas moins d’être exposée devant vous. Convient-il que, sur une de nos principales frontières, l’étranger, qui nous visite, traverse le premier fleuve du royaume sur un mauvais pont de bateaux dont chaque ouragan compromet l’existence ? Et notre amour-propre national n’est-il pas intéressé à donner, dès l’abord, à la curiosité quelque peu dédaigneuse de nos voisins, une plus juste idée de notre civilisation et du progrès de nos arts ? 



Les voix diverses de tant d’intérêts furent entendues en 1830. Le Gouvernement fit procéder à des études sérieuses pour remplacer le pont de bateaux de Bayonne. Ici, messieurs, commence une lutte de système, qui a duré quatorze ans, entre la commission mixte des travaux publics, d’une part, et le conseil général des ponts et chaussées de l’autre. La commission mixte réclamait la construction d’un pont en maçonnerie, comme pouvant avoir seul la solidité désirable pour qu'en cas de siège surtout, l’importante communication de la citadelle avec la ville ne pût jamais être interrompue. Le conseil général des ponts et chaussées se prononçait énergiquement, au contraire, pour la construction d’un pont suspendu, sous le triple prétexte que nous avons sérieusement examiné, de l’économie d’une moins grande difficulté dans l’exécution des travaux, et de la certitude de ne point amener de perturbation dans les courants et dans le régime intérieur du port. Des conférences nombreuses entre les ingénieurs civils et militaires de la place, des modifications introduites dans le système du pont suspendu, et qui consistaient à remplacer les chaînes de suspension par des arcs en fonte, s’appuyant sur des culées et des piles en pierre, ne purent amener aucun résultat. C’est seulement en 1844 qu’ont vit finir des débats contre lesquels ne cessaient de protester les populations et les intérêts en souffrance. Le conseil général des ponts et chaussées adopta le système réclamé par la commission mixte, à condition que le ministre de la guerre permettrait d’exhausser de 60 centimètres au moins la chaussée de la route royale sous la porte du réduit de Bayonne, afin d’augmenter le débouché du pont et de faciliter l’établissement des cintres. L’autorisation ayant été donnée, les ingénieurs procédèrent sur-le-champ à la rédaction d’un projet de pont en maçonnerie pour l’établissement duquel le Gouvernement demande aux chambres un crédit de 2 200 000 fr. 




pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE 1935
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ce pont, d’après le projet énoncé dans l’exposé des motifs, sera composé, sauf quelques légères modifications dans les détails, de sept arches en arc de cercle, et d’une travée mobile en fonte, sur la rive gauche, pour le passage des bâtiments. L’arche principale aura 30 mètres d’ouverture ; l’ouverture des arches latérales décroîtra successivement et systématiquement de 2 mètres, de manière à ce que les deux arches de rives n’auront plus chacune que 24 mètres de largeur. La largeur de la passe mobile est fixée à 11 mètres, et la largeur du pont à 9 mètres 20 centimètres, dont 6 mètres pour la chaussée et 1 mètre 60 centimètres pour chaque trottoir. 




pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE 1914
PAYS BASQUE D'ANTAN



Votre commission a dû se préoccuper, messieurs, des graves dissidences qui ont divisé si longtemps deux corps également animés du double sentiment de leurs devoirs et de l’intérêt public. Les documents déposés entre ses mains lui ont fourni la preuve qu’un rapprochement avait eu lieu entre la commission mixte et le conseil général des ponts et chaussées dans le sens le plus favorable à tous les intérêts. Nous allons exposer en peu de mots, devant la chambre, les raisons principales de ces débats, afin qu’elle puisse, en pleine connaissance de cause, en approuver comme nous la solution. 



La commission mixte regardait, nous l’avons déjà dit, l’établissement d’un pont fixe comme la seule garantie d’une communication durable entre la citadelle et la ville. 



Le conseil général des ponts et chaussées alléguait, pour motifs de sa préférence en faveur d’un pont suspendu, l’économie, la plus grande facilité de l’exécution et la crainte de troubler le régime intérieur du port de Bayonne par les atterrissements que les sept piles du pont en maçonnerie pourraient occasionner dans le lit du fleuve. 



La considération d’économie est puissante sans doute ; mais elle doit se taire devant la considération plus puissante encore de la défense de nos frontières. La véritable économie ne consiste pas à dépenser peu, mais à dépenser bien. Or, dans le système d’un pont suspendu, il suffirait d’un boulet tiré des hauteurs qui ceignent la rive droite de l’Adour, près Bayonne, pour briser les chaînes du pont, ou d’un brûlot pour en incendier le tablier. La citadelle pourrait donc, d’un seul coup, se trouver séparée du corps de place. Est-ce au moment où dans nos forteresses, on cherche par divers moyens à dérober à la vue des assiégeants les quelques mètres de flèches et de chaînes des ponts-levis, qu’il convient d’exposer devant ses yeux et à sa porte, un développement de plus de 200 mètres de chaînes et de tablier ? La durée des ponts suspendus est encore problématique ; l’entretien en est fort dispendieux. Mieux vaut donc un système qui, convenablement mis en œuvre, a pour lui la sanction des siècles. 



pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE 1921
PAYS BASQUE D'ANTAN






Les difficultés d’exécution d’un pont en maçonnerie alléguées ensuite ne sont pas admissibles. Ce n’est pas un corps aussi éminent dans la pratique, que le corps des ponts et chaussées, qui devrait les invoquer. N’est-il pas accoutumé à surmonter de plus grands obstacles ? Il faut donc s’arrêter à la seule objection véritablement sérieuse, celle qui s’effraye de la perturbation que les piles d’un pont en maçonnerie pourraient amener dans les courants du fleuve et dans le régime intérieur du port. 



Ici la réfutation la plus complète se trouve dans l’opinion unanime des ingénieurs et de la chambre de commerce de Bayonne, qui doit être avant tout soucieuse des intérêts de la navigation. Si un pareil danger pouvait exister, ne se serait-il pas manifesté avant 1829, lorsque trente piles en charpente encombraient le lit du fleuve et servaient de support aux travées du pont sur pilotis ? L’observation, au reste, vient en aide à l'expérience : si des atterrissements se sont formés autour des piles du pont de Bordeaux, ils ne sont pas à craindre autour des piles du pont de Bayonne. La Garonne, en effet, charrie du limon qui est continuellement ballotté, pendant les marées, par le double courant de flot et de jusant, et dont une partie finit par s’attacher aux piles qui lui font obstacle ; l’Adour, au contraire, ne charrie que des sables qui ne sont pas ramenés dans le port par le courant de flot comme à Bordeaux. Son lit est assez profond en aval et même en amont du pont projeté, pour que les sables n’en puissent jamais relever le fond. Si les vases prennent assez de consistance pour résister à l’action du courant, il n’en est pas de même des sables que la moindre crue suffit pour chasser des points où ils stationnent. D'ailleurs (et cette dernière raison nous parait décisive), il résulte du mémoire de trois inspecteurs généraux des ponts et chaussées que, même après sa construction, le débouché du pont sera de 1 323 mètres, c’est-à-dire à quelques mètres près aussi large qu’en aval, vis-à-vis l’arsenal de la marine, et plus large de 357 mètres qu’en amont, vis-à-vis le port d’Urt. Ces réponses aux objections principales soulevées par la construction d’un pont en maçonnerie à Bayonne, expliquent suffisamment le rapprochement qui en a été la suite, et l’approbation unanime que votre commission donne au principe du projet de loi.



pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE 1917
PAYS BASQUE D'ANTAN



Nous ne parlons, messieurs, que du principe de la loi, parce que le crédit de 2 200 000 fr. qui vous est demandé paraît à votre commission susceptible d’une réduction notable. En effet, l’estimation des travaux, d’après les projets de l’habile ingénieur chargé du service de Bayonne, élève la dépense totale pour les maçonneries, pilots et charpente, métaux de toute espèce, remblais, pavage, peinture et calfatage, à la somme de 1 489 718 fr. 47 cent. La construction du pont tournant, la chape du pont, l’échouage des caissons, les chaînes de fer de service et les dépenses imprévues sont portées à un peu moins du tiers de la somme principale, c’est-à-dire à 410 281 fr. 53 c., en tout 1 900 000 fr. Quel besoin a donc pu décider MM. les inspecteurs généraux chargés d’examiner les devis de l'ingénieur, et par suite le Gouvernement, à demander aux chambres 300 000 fr. de plus ? On allègue bien la profondeur de l’eau, l’influence journalière des marées, les crues accidentelles de l’Adour, les avaries et conséquemment le surcroît de dépense qui peut en résulter ; mais en supposant, ce qui est possible, que certaines éventualités ne soient pas entrées dans les appréciations de l’ingénieur, la lecture même du rapport de MM. les inspecteurs généraux ne conduit-elle pas à des conclusions contraires à l’augmentation de crédit qu’ils demandent ? Ils proposent en effet de réduire la largeur du pont de 10 mètres à 9 mètres 20 centimètres, ce qui, d’après eux, diminuera la dépense d’environ 90 000 fr. Ils indiquent pour les bois des caissons et grillages le pin choisi des Landes, et pour les cintres le sapin du Nord au lieu de chêne, en faisant observer qu’il résultera de cette double substitution une économie de plus de 130 000 fr. Nous n’insisterons pas sur d’autres détails de moindre importance ; mais n’est-il pas évident alors que les augmentations de dépense qu’on redoute peuvent être couvertes par les économies que nous venons de signaler, et qu’il y a lieu pour la chambre de s’en tenir au chiffre de 1 900 000 fr. ? C’est ce que la commission a l’honneur de lui proposer. 




pays basque autrefois pont
PONT ST-ESPRIT BAYONNE 1918
PAYS BASQUE D'ANTAN



Que si le Gouvernement a voulu se dérober, par l’exagération prudente de la dépense, à la nécessité toujours pénible de demander aux chambres un supplément de crédits, votre commission, tout en déplorant l’usage trop fréquent des fonds supplémentaires, pense qu’il est encore plus économique de les accorder après l’épuisement des fonds primitifs qu’avant le commencement des travaux. Les retours au trésor des excédants de crédits sont assez rares. Un crédit surabondant peut entraîner, malgré soi, à des dépenses inutiles ; un crédit suffisant tient constamment la sollicitude en éveil. On n’a pas à se justifier d’avoir épuisé l’un ; il est indispensable d’expliquer aux chambres pourquoi on a dépassé l’autre. Mieux vaut donc recourir à une demande de crédits supplémentaires que de les comprendre, à l’avance et sans justifications suffisantes, dans la demande des premières allocations. Vous donnerez votre assentiment, messieurs, aux conclusions de votre commission et aux raisons qui les ont dictées."










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