UNE PÊCHE AU SAUMON EN 1839.
Ce poisson tellement abondant à l'époque faisait la richesse de toute la collectivité, au Pays Basque Nord.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal de Paris, le 9 juin 1839 :
"Un coup de filet.
Les environs de Bayonne et, pour parler plus exactement, tout l’arrondissement territorial auquel cette ville donne son nom, ont une réputation méritée, par la beauté des sites, la fertilité du sol, l’activité et l’industrie des habitants, et enfin par l’aménité d’un climat où luit fréquemment le soleil du printemps pendant les mois les plus rigoureux de l’hiver. Cambo, Biarritz, déjà célèbres à divers titres par leurs bains ; St-Jean-de-Luz et le Socoa, situés au fond de l’entonnoir que forme le terrible golfe de Gascogne ; le Boucau et la barre de l’Adour, bizarrement placés, avec la ville de St-Esprit et le pittoresque village de St-Etienne, qui touchent Bayonne, dans le département des Landes ; les deux rives de l’Adour, jusqu’à la pointe du Gave de Pau, et une infinité d’autres beaux sites, qu’il serait trop long d’énumérer, font l’étonnement des étrangers, qui ne se lassent pas d’admirer ce magnifique passage, encadré par les Pyrénées et l’Océan, et arrosé par deux belles rivières, dont le confluent, au milieu de la ville, deviendra un des plus admirables points de vue de l’univers, lorsque l’inutile réduit qui le cache encore aux yeux, irrités de cet obstacle, aura été détruit.
CHALAND CAMBO DEVANT FERME MODELE URALDIA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Parmi ces merveilleuses et pittoresques beautés naturelles, j’ai omis à dessein le cours de la Nive, que je vais faire explorer plus en détail à mes lecteurs, et où a eu lieu la pèche surprenante dont j’ai été le témoin, et qui m’a fourni le titre de ce feuilleton.
LE DEBARCADERE D'USTARITZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Parti de Bayonne en compagnie de quelques amis, pour aller visiter à Ustaritz le beau moulin à farine exploité par M. Martin St-Jean, qui en est le propriétaire, nous étions embarqués sur une des petites barques nommés chalands, en usage sur la Nive. Ce véhicule nautique, assez semblable aux pirogues de la mer du Sud, est construit de manière à pouvoir descendre et remonter les étroites passes par où s’écoule la rivière retenue par les chaussées des moulins et des canaux d’irrigation. On y est très commodément. La journée était superbe et la végétation des deux rives, dans toute la splendeur qu’elle déploie sous ce beau ciel, à la fin de mai, offrait à doigte et à gauche le plus admirable tableau, que complétait la perspective du Mont d’Arrin, qui se dessine en pyramide à large base, sur la partie de la chaîne pyrénéenne voisine de Cambo. Arrivés au pied de la première des passes dont j’ai parlé, nous la remontâmes avec la plus grande facilité, grâce à l’adresse de nos rameurs, et par le plus simple des procédés, qui consiste à retenir l’esquif par une chaine passée au fur et et à mesure qu’il avance, entre des piquets fichés sur un des côtés du courant, tandis que deux rameurs lui donnent l’impulsion, au moyen de longues perches qu’ils poussent d’un vigoureux effort ; dans le sens contraire de ce même courant. C’est au sortir de cette passe, qu’entrant dans le bassin où la Nive dessine en quelque sorte un lac au milieu de la belle vallée d’Ustaritz, nous fûmes les témoins du plus riche coup de filet qui ait eu lieu, de temps immémorial, dans le pays, et peut être sur toutes les rivières de France où on pêche le saumon. Cinquante-quatre de ces poissons, pesant ensemble cinq cents soixante-cinq livres, et un nombre infini d’aloses, furent ramenées avec peine sur le rivage, enveloppés dans cette espèce de filet appelé seine, au moyen duquel la rivière est pour ainsi dire balayée. Ce fut avec de grands efforts, et presque aveuglés par le sable que les saumons captifs soulevaient en essayant de se dégager du fatal réseau qui les enlaçait, que les pécheurs parvinrent à saisir cette proie phénoménale, car une pêche de trente saumons qui eut lieu à Ustaritz, il y a soixante ans, est restée dans la mémoire des habitants comme un fait merveilleux. On nous dit que cette année, un autre coup de filet, qu’on n’avait pas cru pouvoir être dépassé, avait produit vingt saumons, à peu près au même endroit. Depuis quelques années, on se plaignait que la pêche de ce poisson était peu productive. On attribuait cette diminution au grand nombre de marsouins qui se montraient à l’embouchure de l’Adour. On a vu cette année peu de ces quasi-monstres marins, qui font une chasse acharnée au saumon ; de là l’abondance qui réjouit les pécheurs.
Après avoir rendu un juste hommage à la beauté du pays que nous avons parcouru dans notre promenade, je me plais à signaler l’usine qui, sous le nom modeste de Moulin à Farine, M. Martin-St-Jean et ses honorables associés, exploitent à Ustaritz, sur le bord de cette même Nive, dont un si gracieux souvenir restera empreint dans ma mémoire. Un cours d’eau habilement dirigé, fait mouvoir une mécanique d’une extrême simplicité, dont les rouages mettent simultanément en jeu la machine qui nettoyé le grain, la pierre qui le broie, les blutoirs qui tamisent successivement la farine, et un appareil qui distribue aux différents étages de l’établissement les grains et les farines qui doivent y être manipulés. Cet établissement, fruit de longs et constants travaux de son digne propriétaire, M. Martin-St-Jean, est d’une grande importance. Ses produits sont recherchés dans le pays et au-dehors, à cause de leur parfaite qualité.
MEUNIER PAYS BASQUE D'ANTAN |
COLLEGE ET MOULIN USTARITZ |
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