BAGARRE MÉMORABLE ENTRE PÊCHEURS BRETONS ET PÊCHEURS BASQUES EN 1926.
Pendant de très nombreuses années, les Basques et les Bretons ont travaillé ensemble dans le domaine de la pêche et vécu, souvent côte à côte.
En novembre 1926, une bagarre mémorable éclate à Saint-Jean-de-Luz et Ciboure.
Voici ce qu'en raconta la presse nationale et locale :
- L'Humanité, dans son édition du 4 novembre 1926 :
"La manoeuvre des usiniers.
De graves bagarres éclatent entre marins-pêcheurs à Saint-Jean-de-Luz.
Nos camarades Tillon et Beracochea blessés et arrêtés.
CHARLES TILLON PAYS BASQUE D'ANTAN |
L'Humanité signalait hier le conflit malheureux qui met aux prises, à Saint-Jean-de-Luz, les pêcheurs bretons et les pêcheurs basques.
Chaque année, des barques bretonnes descendent dans les ports basques pour l'hiver. Cette année, les pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz veulent empêcher les pêcheurs bretons de travailler.
Comme nous le craignions, des incidents violents se sont produits. Voici la dépêche que nous avions reçue hier soir :
"Saint-Jean-de-Luz, 3 novembre.
De graves bagarres ont eu lieu aujourd'hui, à Saint-Jean-de-Luz, entre pêcheurs brettons et basques. Notre camarade Tillon, secrétaire du Syndicat de la Conserve de Douarnenez, délégué de La C. G. T. U. et le camarade Beracochea, ont été blessés, le second assez gravement. Le camarade Raveau, envoyé spécial de l'Humanité, a été blessé légèrement au cours de la bagarre, Tillon et Beracochea sont arrêtés."
A l'heure où nous mettons sous presse, les détails manquent.
Ce que nous pouvons dire, c'est que jusqu'ici les armateurs et les usiniers ont réussi leur manoeuvre : dresser les uns contre les autres deux catégories de travailleurs.
Ce sont eux les vrais responsables des bagarres d'hier. Aux marins de comprendre leur véritable intérêt, qui est non de lutter les uns contre les autres, mais de s'unir contre leurs exploiteurs communs."
CHARLES TILLON PAYS BASQUE D'ANTAN |
- La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du 4 novembre
1926 :
"Entre Basques et Bretons à Saint-Jean-de-Luz.
Un cortège suscite des manifestations - Une bagarre des coups, des blessés et des arrestations.
Saint-Jean-de-Luz, 3 novembre.
Ce que l'on pouvait redouter est arrivé : une sérieuse bagarre s'est produite aujourd'hui entre marins basques et bretons et s'est terminée par bonheur, sans qu'il y ait eu autre chose à déplorer que des horions sérieux.
Reprenons les faits dans leur ordre chronologique.
Ce matin, vers 9 heures, tous les bateaux saisonniers bretons ont déposé leurs rôles au bureau de la marine et débarqué leurs équipages.
PÊCHE ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Vers le milieu de la journée, le bruit se répandait que les marins bretons préparaient une manifestation, et devaient de nouveau parcourir les rues en cortège. Le bruit courait également que leur intention était d'entraîner dans leur mouvement les ouvriers d'usine, et de leur faire quitter le travail.
Le temps n’ayant pas permis la sortie des bateaux, les marins basques étaient restés à terre. Leur attention ayant été éveillée par la concentration des marins bretons au bar Royanais, sur la route nationale à Ciboure, ils se tinrent aux environs de ce restaurant, attendant les événements.
Vers quatre heures, les Bretons, conduits par les délégués de la C.G.T.U., Tillon et Berracochea, voulurent sortir précédés d'une pancarte portant la mention "Du travail, et du pain !".
Les marins basques prièrent les bretons de supprimer leur pancarte et de renoncer à leur manifestation de tentative de débauchage.
Sur leur refus, les marins basques s'emparèrent de la pancarte, et c'est alors que se produisit la bagarre. Les bretons furent sérieusement malmenés et particulièrement les délégués Tillon et Berracochéa. Ces deux derniers ayant commis le délit d'outrage à l'autorité, lorsque l'intervention de la police et des gendarmes se produisit, ont été arrêtés et conduits à la gendarmerie.
En dehors d’eux, qui comme nous l'avons dit, ont été les plus malmenés, on compterait une vingtaine de blessés et contusionnés parmi les marins bretons. Le sous-préfet, le maire de Saint-Jean-de-Luz, et le commissaire central se sont rendus sur les lieux dès que la bagarre a été signalée.
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Disons que, de l'avis de tous, les marins basques n'ont pas abusé de leur supériorité, mais qu'ils sont énergiquement décidés à ne pas tolérer de manifestations qui troubleraient l’ordre, et tendraient au débauchage des ouvrières d'usine.
Espérons que cette ferme attitude aura l'effet désiré, et que cette journée mouvementée n'aura pas de lendemain."
- l'Ouest-Eclair, dans son édition du 4 novembre 1926 :
"Marins Bretons et marins Basques en viennent aux mains.
St-Jean-de-Luz, 3 novembre.
Une rixe s'est produite aux environs d'un bar à la suite d'une situation tendue qui durait depuis un mois entre des marins bretons et des marins basques qui déclarent avoir été menacés par les premiers. Quelques marins ont été blessés légèrement, parmi lesquels les bretons Tillon et Béracochéa. Ceux-ci auraient subi un mauvais parti sans la protection des gendarmes.
Le maire, le sous-préfet, le commissaire de police, le capitaine de gendarmerie avec 20 gendarmes se sont rendus sur les lieux. Tillon et Béracochéa, principalement visés, ont pu quitter la place sous la protection des gendarmes mais, reconnus, ils ont été l'objet d'une poursuite organisée par leurs adversaires.
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les marins bretons Tillon et Baracochéa ont été arrêtés pour outrages à la force publique. Un troisième marin dont on ignore le nom a été également arrêté.
La bagarre s'est déroulée entre 17 et 18 heures. A 19 heures, le calme était complet."
- Le Figaro, dans son édition du 5 novembre 1926 :
"Le conflit entre les pêcheurs basques et bretons.
Bayonne, 4 novembre.
Le conflit qui a éclaté entre les pêcheurs basques et bretons paraît prendre une tournure inquiétante. Une véritable émeute a éclaté, hier, à Ciboure, près de Saint-Jean-de-Luz, mettant aux prises près de six cents marins.
Une réunion des Bretons ayant eu lieu dans un établissement de Ciboure sous la présidence de MM. Beracochea et Tillon, délégués communistes, qu'accompagnait un rédacteur de l'Humanité, les Bretons décidèrent de manifester en formant un cortège, et de se rendre ensuite dans les usines, pour débaucher le personnel féminin breton. Le défilé fut organisé, les manifestants promenaient des pancartes sur lesquelles ils avaient écrit des proclamations ou des suppliques.
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
On lisait notamment : "Nous voulons du travail et du pain", "Marins basques et bretons doivent s'unir contre leurs exploiteurs".
Mais quand le cortège sortit de la salle de réunion, les marins basques barrèrent la route. Alors une bagarre violente éclata, au cours de laquelle matraques, gourdins, pierres furent utilisés de part et d'autre ; il y eut une dizaine de blessés, la plupart du côté breton. Les communistes Béracochea et Tillon ont été très grièvement atteints. Ils durent à l'intervention de deux Basques d'échapper à la mort.
La police intervint, ainsi que les gendarmeries de Bayonne et de Biarritz. Le sous-préfet s'est rendu cet après-midi sur les lieux, appelé par la municipalité de Ciboure.
A la fin de la bagarre, les pêcheurs basques ont traversé en cortège les rues de Saint-Jean-de-Luz, proclamant que les provocations continuelles des Bretons étaient la cause des bagarres récentes. Cependant, deux pêcheurs bretons ont été mis en état d'arrestation pour insultes à la gendarmerie.
PORT ST JEAN DE LUZ - DONIBANE LOHIZUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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