L'HISTOIRE DE L'ADOUR AUTREFOIS (première partie)
L'ADOUR AUTREFOIS.
L'Adour est un fleuve du Bassin Aquitain de 307 kilomètres, prenant sa source dans le massif pyrénéen du pic du Midi de Bigorre et se jetant dans l'Océan Atlantique, entre Tarnos et Anglet.
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Mais l'embouchure de l'Adour a été déplacée au cours de l'Histoire, vers la fin du 16ème siècle.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Petite Gironde, dans son édition du 4 juillet 1941 :
"A propos des grands travaux d'intérêt national.
L’étonnante aventure de Louis de Foix.
Comment on s’empare d’un fleuve...
Il est de toutes parts question de grands travaux, et parmi ceux-ci figurerait la réunion de la Gironde à l'Adour par un canal. L'Adour ! Sait-on que vers la fin du XVle siècle, au temps où l'on péchait encore la baleine dans le golfe de Gascogne, le noble fleuve landais fut le héros d'une extraordinaire aventure ?
On le vola.
Voler un fleuve, gageure plus surprenante encore, n’est-ce pas, que de dérober les tours de Notre-Dame ! Ce fut pourtant ce qui eut lieu. Evoquons cet événement historique. Celui-ci est riche, on va le voir, en péripéties dramatiques.
Quand l'Adour se jetait à Port-D'Albret...
Jusqu'alors, après avoir traversé Bayonne, l'Adour ne se jetait pas directement à la mer (ainsi qu'il faisait dans les vieux siècles, assuraient du moins les citadins). Parvenu au Trossoat, — là où fument et rougeoient aujourd’hui les forges du Boucau — il obliquait brusquement vers le nord, pour cheminer par dix lieues de pays landais jusqu'à Port-d Albret (Depuis : le Vieux-Boucau, "la vieille bouche"), où il trouvait son embouchure.
Or, depuis longtemps, les Bayonnais s'étaient mis en tête de la posséder, cette embouchure, en empêchant l'Adour d'obliquer ainsi. Ils ne manquaient pas de raisons pour légitimer l'entreprise. C’était évidemment à leur préjudice que la majorité des chargements s'opéraient à Capbreton (où l'Adour avait eu aussi, par le passé, son "boucau") et à Port-d Albret, que l'on y radoubait force navires ; que les charpentiers navals y exerçaient en grand nombre. En outre, éloignée de l'influence des marées (en amont du Trossoat, le flux perdait son élan), la ville manquait d’eau : c’était à peine, parfois, si Adour et Nive pouvaient porter dans Bayonne des bâtiments de quatre-vingts tonneaux, tandis que les plus lourds galions, les plus importantes galéasses évoluaient à l’aise dans le bassin d’Albret...
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Essais infructueux.
Plusieurs tentatives eurent lieu, notamment en 1561. Le roi Charles avait fait venir de Marseille à sa cour, afin de le dépêcher ensuite à Bayonne, certain capitaine Flayol, réputé habile homme. Le capitaine visita plusieurs points de la côte, navigua sur le gouf de Capbreton, et après avoir pris avis du lieutenant général de Guyenne, du vicomte d’Orthe, gouverneur de Bayonne et de messire Belsima, gouverneur de Dax, il conclut à l'adoption du projet du Trossoat. Charles IX autorisa les travaux, et bourgeois, marchands, artisans, tout Bayonne poussa l’œuvre avec ardeur, souffrant emprunts et impositions, et suppliant le roi de soutenir un si grand dessein. Trois ans plus tard, des lettres patentes ordonnèrent une levée de soixante-mille livres sur les cinq sénéchaussées voisines. Mais celles-ci protestèrent qu’on les pressurait injustement, si bien que le corps de ville dut députer en cour Jehannès de Sorhaindo, maître particulier de la monnaie, pour hâter l’exécution des lettres. Nonobstant ses talents, le capitaine Flayol, démuni d’argent, ne put tenir ferme les rênes. Les salaires des travailleurs avaient dû être diminués d’un sou... Les choses traînèrent. En 1567, graves inondations. En 1569, grande consultation de toutes les corporations de la ville...
Délibérations et "chamails"...
Tous les métiers y furent représentés, à cette assemblée. On y vit les bouchers et les faures, les orfèvres et les fourniers, les tillioliers et les galupiers, les barbiers et les tisserands, les fourbisseurs de cuirasses et les fabriquants d’espadrilles, ceux de la charcuterie et ceux de la boulange...et tous les autres. On discuta. On s’échauffa. On se disputa. Et, une fois encore, on n’aboutit à rien.
Enfin Louis de Foix vint...
Enfin, le roi, répondant à de nouvelles suppliques, fit mander en Espagne son ingénieur Louis de Foix.
Un savant homme de la Renaissance, maître Louis. Et un caractère. Il venait d’achever les fortifications de l’Escorial et auparavant, il avait installé à Tolède une merveilleuse machinerie hydraulique qui permettait de faire monter l'eau du Tage jusqu’aux plus hautes places de la ville.
On possède fort peu de renseignements sur sa vie privée. On sait pourtant que, dans cette Bayonne où Henri de Navarre s’en venait faire de joyeuses parties, il laissa à son départ plusieurs procès en reconnaissance d’enfant...Ses paillardises, en tout cas, ne le détournèrent pas de sa tâche, pour laquelle il reçut immédiatement trente mille livres. Il mena le train tambour battant, bousculant les hésitants, tenant tête quand il le fallait, et il le fallait souvent, à tout le corps de ville. Gouverneur, maire, échevins, durent se soumettre à sa précise et inflexible volonté. Ayant décidé d’édifier une forte digue qui barrerait l’Adour à son tournant et de creuser en même temps dans les sables le nouveau lit grâce auquel le fleuve se jetterait droit sous Bayonne, des centaines de travailleurs se mirent à fourmiller au Trossoat. Charrois. Fumantes chaudières à goudron. Coups de pelle, coups de marteau, coups de gueule. Et coups de fouet, sur les croupes des chevaux soufflants attelés à des troncs d’arbre. Cependant, on percevait des impôts spéciaux dans toute la juridiction de Bayonne. Et le corps de ville siégeait en permanence à la maison commune. Et le gouverneur tenait au Château-Vieux, même nuitamment, des assises extraordinaires...De Saint-Esprit à la porte d’Espagne, il n’était bruit que de ces remparts et de ce canal qui allaient sous peu ramener la prospérité perdue, permettre aux plus pauvres de se régaler de cervoise et d’échaudés comme les bourgeois et de s’offrir oies grasses et chapons à quinze liards la paire !
De jour en jour, selon la marche calculée, une double digue — mur de bois, mur de pierre, soixante-quinze piliers de charpente et soixante-quinze piliers de maçonnerie, — entrait peu à peu au travers du fleuve, et le canal, qui couvrirait neuf cents toises, progressait dans les sables et dans les graviers vers la mer.
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Dans les Landes, désolation...
Si une joyeuse activité régnait à Bayonne, dans les Landes, chez les résiniers, pêcheurs, bateliers, calfats du Marensin. ce n’était que consternation, désolation, indignation. Comment ! Ces Bayonnais allaient sans vergogne s’emparer de leur Adour, condamner à la ruine Port-d’Albret, Capbreton et toute la région ? Il y avait de quoi jeter les hauts cris. Et l’on n’y manquait pas. Il advint aussi qu’on passa aux voies de fait. Il y eut maintes rixes, maintes tentatives de sabotage. Mais en vain : implacablement. Louis de Foix poursuivait l’exécution de ses plans et les Landais voyaient avec désespoir s’approcher le jour où, à la face du ciel, le cher fleuve, l’Adour vital, serait volé !
Bayonne inondée.
Le ciel parut les entendre...
Brutalement, en quelques jours, tout alla mal à Bayonne. A cause des "soubernes", c'est-à-dire d’une crue soudaine. D'ordinaire, les foudroyantes montées de la Nive se manifestent avant les ondes de crue de l’Adour. Cette fois, rivière et fleuve s'étalent donné le mot. Or le barrage, presque achevé, obstruait le coude fluvial du Trossoat, tandis que le canal adjacent n’ouvrait pas encore sur l’océan. L'eau monta. L’inondation gagna les caves. Les égouts refluèrent dans les rues. De tous côtés les fossés débordèrent. L’eau montait toujours, franchissait les quais... On se rappelait avec angoisse les précédentes crues, celle d’avril 1574, celle de mars 1576, de funeste mémoire, celle de l'année précédente, qui avait causé tant d’alarmes.. Que serait-ce, cette année-ci, alors que la digue était dix fois plus étendue et que fleuve et rivière s’enflaient dans le même temps ! L’inquiétude fut à son comble lorsque de bouche à bouche vola la nouvelle que le flot venait d’emporter les chaînes de Saint-Esprit. Ces chaînes aux fortes mailles défendaient le port de la Nive, en continuant la ligne des murailles interrompue par le cours de la rivière. Les extrémités se trouvaient retenues dans les deux ouvrages de Piémont et de Saint-Esprit. Elles s’abaissaient et s’élevaient à l’aide d’une roue et d’un treuil machinés dans le flanc de chaque tour. La ville veillait sur elles comme un bourgeois craintif sur son cadenas et ne se fût jamais endormie à la nuit qu’elles ne fussent durement tenues au ras de l'eau, rendant impossible l’entrée au moindre esquif clandestin, prise. On les graissait chaque jour. Des spécialistes vérifiaient périodiquement leur mécanisme. Les serruriers s’ingéniaient à en perfectionner le maniement et le secret...Rompues ! Cela frappa les esprits à l’extrême. Aux malheurs certains de l’inondation pouvaient donc s’ajouter d’une heure à l’autre ceux d’une agression quelconque, toujours possible ! ...
A suivre...
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