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jeudi 20 février 2020

LES BASCOPHILES AU PAYS BASQUE EN SEPTEMBRE 1900


LES BASCOPHILES EN 1900.


Au début du vingtième siècle, de nombreux savants et linguistes s'intéressent à la langue Basque et à l'origine des Basques.



savant origine basques
DE L'ORIGINE DES BASQUES 
PAR WILLIAM D'ABARTIAGUE






origine basques
DE L'ORIGINE DES BASQUES 
PAR LEWY D'ABARTIAGUE


Voici ce que rapporta le journal Le Soleil, dans son édition du 5 septembre 1900, sous la plume 

de Furetières :


"Bascophiles.




Le Congrès d’études basques, qui vient de se réunir, aurait bien pu, à première vue, constituer une simple section du Congrès d’ethnographie, car de toutes les questions que traite cette dernière science il n’en est pas de plus intéressante que le problème euskarien. Mais, comme celui-ci également ne peut guère s’éclairer que par le secours de deux autres sciences, l’anthropologie et la philologie, on lui a réservé des assises spéciales. D'ailleurs, il a dans le monde entier ses spécialistes et ses passionnés ; en Angleterre, en Allemagne, en Amérique, des érudits, des savants, depuis Humbolt jusqu'à Broca et Quatrefages, lui ont consacré tout leur temps avec un acharnement extraordinaire. Et les travaux de ces chercheurs, l’échange de communications qui s’est fait entre eux, a constitué comme une armée de "bascophiles", mot désormais adopté par l'usage, s’il ne figure pas encore dans les dictionnaires. Ces premières raisons suffiraient donc pleinement à justifier le Congrès organisé par ces bascophiles, en tête desquels il faut placer M. Julien Vinson, professeur à l'Ecole nationale des langues orientales ; M. le comte de Charancey, président de la Société de philologie ; M. d’Abartiague, secrétaire général de la Société d’études basques. D’autres motifs scientifiques plus sérieux légitiment une réunion internationale. Faire la lumière sur ce petit peuple confiné en un coin du littoral de l’Océan, tant en France qu’en Espagne, ce serait en effet, du même coup peut-être, révéler les origines d’une famille de l’humanité, arracher au passé l’état civil des ancêtres, perdu à travers le cours de milliers de siècles. On reste, en effet, confondu quand on songe que dans ce territoire, qui forme au plus un arrondissement, il existe une race, une nation, dont le langage n’a pas de similaire dans le monde et qui, par ses caractères anthropologiques, ne se rattache pas aux autres familles classées et estampillées par la science. Et voilà, à en juger par une note bibliographique que publie M. d’Abartiague, plus de deux siècles qu’historiens, érudits, archéologues s’acharnent à deviner l'origine ethnographique sans avoir encore mis la main sur la vérité. A peine une solution est-elle proposée par un bascophile qu'un autre survient qui en démontre l’inanité. 



savant langue basque
JULIEN VINSON



savant langue basque
COMTE DE CHARANCEY



origine basques
ETYMOLOGIE ORIENTALE DE QUELQUES TERMES DU VOCABULAIRE BASQUE
PAR LE COMTE DE CHARENCEY

C’est ainsi qu’on ne parle plus que pour mémoire d’une théorie mongoloïde prônée par Retzius et Pruner Bey, qui faisait des Basques les derniers représentants de la race primitive de l’Europe, préexistant par conséquent à l’ère des invasions aryennes. Egalement délaissée, mais non définitivement pourtant, la thèse ibérienne qui voit dans cette petite population conservée par miracle un échantillon des premiers Ibères. On marche, en un mot, d’hypothèse en hypothèse, et M. Georges Hervé, dans un très lumineux travail que l’on trouvera dans la Revue d'anthropologie, peut écrire : "Ainsi, nous avons devant nous finalement table rase. Les efforts de l'ethnologie, efforts multipliés pour arriver à jeter quelque lumière sur le déconcertant problème des origines euskariennes, rien ne reste, et son impuissance à le résoudre peut paraître aussi complète que l’impuissance reconnue des systèmes linguistiques." Il semblerait qu'une semblable démonstration devrait décourager les meilleures volontés ; eh bien, il n’en est rien. Comme ces générations successives d’une même famille chinoise poursuivent le travail de ces boules d’ivoire sculptées renfermées les unes dans les autres, nos pionniers de la science se passionnent davantage et reprennent les sentiers de ce labyrinthe basque, convaincus qu’on finira par aboutir. Admirable entêtement auquel je ne fais qu’un reproche, c’est le mépris qu'il affiche pour les écrivains que ce mystère basque a séduits, et qui s’efforcent de le percer, en étudiant les mœurs et les caractères. L’imagination, plus d’une fois, a prouvé son don de seconde vue, et je crois que la science aurait tort de se passer du concours des poètes et des romanciers. 





La terre basque était bien faite aussi pour les attirer tôt ou tard les uns et les autres. D’abord un paysage gracieux et grandiose tout à la fois, avec ses horizons de montagnes aux pittoresques concours, la Rhune, les Trois-Couronnes, ses excursions dans un pays accidenté, tout plein de souvenirs et de légendes, et où l'on entend encore résonner les appels de l’oliphant de Roland à Roncevaux. Et en face, de l’autre côté, l’Océan profond, immense, qui pourrait dire, lui, d’où est venue cette colonie étrange, étrangère au reste du voisinage, brouillée à mort avec le Béarnais et le traitant en ennemi, respectée pourtant et acceptée. Mais, autres tziganes, jetés sur une terre lointaine, ces Basques qui, jadis, pêchaient la baleine, allaient au loin, à ce point, de prétendre qu’un des siens découvrit l’Amérique avant Christophe Colomb, sont là toujours rêveurs, comme songeant à une patrie perdue où vécurent les ancêtres, possédant peut-être des palais et des trésors. Et l'atavisme faisant son œuvre, ces déshérités, condamnés maintenant sur une terre d’exil au dur labeur de la terre, à l’existence de petits pêcheurs approvisionnant Biarritz, Guéthary, Saint-Jean-de-Luz, regardent avec un œil d'envie les vaisseaux qui fuient au loin et qui naviguent sans doute vers les contrées idéales d’où le flot apporta jadis leurs aïeux préhistoriques, ces transfuges, navigateurs hardis, à la recherche d’un continent et qui trouvèrent le pays agréable. Ainsi procédaient les Phéniciens, plus tard les Normands qui, eux aussi, visitèrent à des époques plus anciennes qu’on ne le croit ces côtes où, revenus encore, ils ont, pour témoigner de leur passage, planté des pommiers et innové la fabrication du cidre




Et dans la moindre habitation, qu’elle soit située à Saint-Jean-Pied-de-Port, à Hasparenx, à Cibour, à Hendaye, garçons aux bérets de laine bleue, à la ceinture rouge, jeunes filles aux yeux d'azur, à la figure fine et délicate, blondes souvent comme le fut la belle Hélène, à la démarche grave, tous bâtissent des châteaux en Espagne, roulant dans leurs cerveaux les projets de longs voyages où l’on s'enrichira. Tous les ans, ils sont nombreux les Basques et les Basquaises qui s’expatrient ; ils viennent à Bordeaux d’abord, où le plus souvent ils s’arrêtent, mais aussi pour aller chercher fortune à Buenos-Ayres. Quant à ceux qui restent, Pierre Loti, dans son roman de Ramuncho nous les a montrés contrebandiers sur la Bidassoa, joueurs de pelote dans leurs loisirs, toujours romanesques, et ne ressemblant en rien aux voisins Gascons ou Espagnols, ni dans leurs plaisirs, ni dans l’accomplissement de leurs devoirs religieux. Le pays basque subit la loi commune imposée à tous ceux qui vivent sur le territoire français, mais ils conservent ses coutumes, à la maison, à l’église. Et c’est par une tradition encore que le berger qui garde les troupeaux dans les montagnes jette par moments un défi insolent et fier à un ennemi inconnu. Comment les écrivains, les poètes ne seraient-ils pas aussi des bascophiles et ne tenteraient-ils pas, comme les savants, de deviner les origines basques par les aspirations, les caractères, les réminiscences ataviques, les légendes, les danses, les vieux airs que chantent les femmes pour endormir les enfants ? Leurs compositions, leurs travaux, en attendant que philologues, anthropologues, ethnographes se mettent d’accord, auront l’avantage de conserver à la postérité le tableau, à peu près fidèle, de ce petit peuple, perdu, égaré, par la Providence, on ne sait dans quel dessein, sur un coin de terre franco-espagnole. Car, il est à craindre qu’à la longue, avec les chemins de fer, les casinos, l’envahissement des touristes, la langue basque, déjà très contaminée, les moeurs anciennes atteintes, il ne reste que peu de traces de ce curieux peuple. Quant à moi, je demande qu’on procède à son égard comme pour les monuments historiques et qu’on se garde de hâter cette déplorable transformation qui nous priverait de la coquette coiffure des femmes basques, des fandangos si gracieux et si chastes et de cette langue unique au monde qui n’a de rapport ni avec le javanais ni avec l'argot."



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