DES BASQUISANTS À SAINT-SÉBASTIEN EN 1911.
Dans les années 1900 et 1910, les amoureux de la langue Basque se rencontrent dans des congrès, des deux côtés de la frontière.
CONCHA ST-SEBASTIEN GUIPUSCOA 1911 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta le journal Le Gaulois, dans son édition du 28 août 1911, sous la plume de
Louis de Meurville :
"Basques et Basquisants.
Congrès des Basquisants à Saint-Sébastien.
Saint-Sébastien, 26 août.
Suis-je en Espagne, en étant à Saint-Sébastien ? La réponse est douteuse, car bien que Saint-Sébastien soit devenu la seconde capitale de l'Espagne, puisque le Roi, la Cour et une partie du gouvernement y séjournent durant plusieurs mois, nous sommes ici en pays basque, dont la population prétend énergiquement n'être pas Espagnole, mais Basque, comme autrefois les Bretons voulaient être Bretons avant d'être Français.
ALDERDIEDER ST-SEBASTIEN GUIPUSCOA 1911 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce qui m'amène à ce sujet, c'est le congrès des basquisants français qui vient d'avoir lieu à Saint-Sébastien, peu après le congrès des basquisants espagnols.
Pour plus de clarté disons qu'on appelle "basquisants" ceux qui s'occupent de la langue basque et "bascophiles" ceux qui aiment le pays basque et ils sont encore plus nombreux ceux qui trouvent délicieuse cette Suisse franco-espagnole, et qui pourtant ne comprennent pas un mot de la langue. Il fut un temps où l'on ne pouvait se faire comprendre à la campagne, ni avec le français, ni avec l'espagnol maintenant encore quelques rares paysans n'entendent que le basque, et ce n'est pas en quelques mois qu'on peut apprendre cette langue. Le diable lui-même, dit une légende, mit dix ans à l'étudier, et de désespoir de ne pouvoir se faire entendre, se jeta à l'eau du haut du vieux pont de Bidarray, qu'on appelle encore le pont du Diable.
BIDARRAY PAYS BASQUE D'ANTAN |
Plus de vingt fois j'ai séjourné dans ce pays, en deçà ou au delà de la Bidassoa, pendant les vacances, et c'est tout au plus si je sais vingt mots de cette langue étrange et mystérieuse dont on ne connaît ni l'origine ni la parenté, et dont aucun mot, sauf les vocables désignant des choses modernes, ne ressemble à aucun mot d'une langue connue.
Ce petit peuple, qui occupe trois provinces espagnoles, Biscaye, Alava et Guipuzcoa, avec la Haute-Navarre, et les deux tiers du département des Basses-Pyrénées, la Soule dont Mauléon est la capitale, et le Labour dont Bayonne est le chef-lieu, ressemble à ces blocs erratiques qu'on rencontre dans les montagnes, qui n'ont rien de commun avec la nature géologique du pays, et qu'on dit transportés là par quelque cataclysme, déluge des glaces ou explosion d'un volcan lointain.
Ce sont les anciens Atlantes, disait M. de Charencey, une colonie échappée au désastre de l'Atlantide, ce continent disparu dont parlent Platon et d'autres auteurs anciens. Ce sont les anciens Ibères, affirment d'autres, qui citent à ce propos des noms basques de villes ou de villages retrouvés en Espagne et même en Afrique. C'était l'avis de M. d'Abadie, membre de l'Académie des sciences, mort il y a une vingtaine d'années, laissant son château d'Hendaye, son observatoire et une partie de sa fortune à l'Institut. Un Basque, devenu missionnaire et évêque au Japon, comprenait beaucoup de mots japonais, grâce à sa langue enfin des travaux récents trouvent une parenté au basque avec les langues altaïques, notamment avec le turc. Le gouvernement des Jeunes Turcs ne s'en est malheureusement pas occupé jusqu'ici. Il faut croire que la linguistique n'est pas sa principale préoccupation.
CHÂTEAU ST-SEBASTIEN GUIPUSCOA 1911 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ce congrès, cet échange de sympathies entre Basques français et Basques espagnols, n'était pas sans intérêt au point de vue des relations franco-espagnoles, alors qu'on essaie de nous diviser sur la question marocaine, alors que, l'avant-veille de ce congrès, une douzaine d'Espagnols de second ordre buvaient à nos prochaines défaites dans une prochaine guerre avec l'Allemagne, et cela à la barbe de M. Canalejas qui dînait un peu plus loin, dans le même restaurant. On a fait grand bruit dans la presse du Sud-Ouest de cette petite affaire ; hâtons-nous de dire que c'est bénévolement donner de l'importance à des gens qui n'en ont aucune et qui voulaient faire parler d'eux. Ne leur accordons pas cette satisfaction.
Les Basques placés en deçà et au delà de la Bidassoa semblent être précisément un lien, un trait d'union entre la France et l'Espagne. D'un côté, Biarritz avec les souvenirs de Napoléon III et de l'impératrice Eugénie ; Bayonne, la vieille citadelle française, et Saint-Jean-de-Luz, où se maria Louis XIV ; de l'autre côté, Saint-Sébastien, où séjournent le Roi et la cour d'Espagne pendant l'été ; Fontarabie, si souvent assiégé par nous, et le port de Passages, d'où partit l'invincible Armada, et où s'embarquèrent secrètement Lafayette et ses compagnons pour l'Amérique.
PASAJES GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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