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lundi 3 février 2020

L'ABBÉ DIHARASSARRY AU PAYS BASQUE EN 1890 (deuxième et dernière partie)


L'ABBÉ DIHARASSARRY EN 1890.


En 1889, l'évêque "concordataire "Jauffrey est nommé à Bayonne, pour rallier, de gré ou de force, le clergé Basque à la République.


pays basque autrefois
BIARRITZ 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Univers, dans son édition du 15 janvier 1890 :



"La persécution.


...A moi personnellement, et c'est votre seconde accusation, vous reprochez la publication d'un catéchisme électoral basque et français. 




"Je constate, dites-vous que cette publication (la lettre à l'Avenir) permet d'ajouter foi aux bruits d'après lesquels ce prêtre (votre serviteur) serait l'auteur du catéchisme électoral basque et français." 




Vous constatez cela, monsieur le ministre ? Puisque vous le dites, ce doit être vrai. Et cependant la chose m'étonne fort. J'ai beau, en effet, relire ma lettre à l'Avenir et le catéchisme électoral, je ne vois pas du tout, mais du tout, comment ceci procède de cela, comment de ce que j'ai écrit cette lettre, on peut conclure que j'ai écrit aussi ce catéchisme. Mais soit ; vous tenez, monsieur le ministre, à ce que le catéchisme électoral soit mon œuvre. Accordé, et j'avoue, et j'accepte pleinement la paternité de ce travail. Me, me adsum qui feci. Et puis, monsieur le ministre ? 


ministre autrefois
FRANCOIS THEVENET MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES CULTES



Que trouvez-vous à reprendre dans ce catéchisme, même au regard des théories républicaines ? Ce catéchisme (puisque vous l'avez lu, vous devez le savoir) est un simple exposé, calme et mesuré, des principes de la théologie catholique en matière électorale. Rien de plus, rien de moins. Cet enseignement, comme la vérité, s'adapte à tous les temps, à tous les lieux, à tous les régimes. Vrai aujourd'hui, il était vrai hier et le sera demain, aussi bien dans la république unitaire de notre pays que dans la grande Fédération américaine, sous la monarchie constitutionnelle de Belgique comme sous l'autocratie des czars. Pourquoi donc m'imputer à crime la publication du catéchisme ? 




Voyons, là franchement, monsieur le ministre, l'avez-vous lu ? Non, n'est-ce pas ? On vous aura seulement dit, on vous aura répété que ce catéchisme attaque les institutions républicaines. Peut-être même vous aura-t-on cruellement mystifié, comme ce pauvre M. Goirand, député de je ne sais plus où, lequel, dans son rapport sur l'élection de Mauléon, cite comme extraites de mon catéchisme cinquante grandes lignes qui n'y ont jamais figuré. Ces cinquante lignes, oui, sont nettement antirépublicaines ; mais mon catéchisme ? Mon catéchisme est catholique, voilà tout. Que si cependant vous persistiez à le déclarer antirépublicain, alors, monsieur le ministre, vous avoueriez donc que la république est l'ennemie du catholicisme. Mais cela, c'est vous qui le diriez, monsieur le ministre, point moi ni mon catéchisme ; et, comme je l'écrivais à l'Avenir à propos des républicains du cru qui poussaient des cris de paons blessés contre ce catéchisme, "il ferait vraiment beau voir les voleurs s'insurger contre un prédicateur — écrivain — catholique, qui enseignerait tout bonnement, avec le septième commandement de Dieu, qu'il n'est permis ni de voler ni de coopérer à un vol !" 




Ainsi, monsieur le ministre, votre second grief, basé sur la publication du catéchisme électoral, tombe de lui-même ; il suffit, pour le réduire à néant, de jeter les yeux sur cet opuscule. L'on se convaincra, en effet, qu'il ne contient pas une seule assertion dont ne pût s'accommoder une république respectueuse de la liberté des consciences chrétiennes. Le catéchisme se tient dans la région des principes, il n'aborde pas la discussion des faits.

Venons au troisième et dernier grief. 

"M. Diharassarry, écrivez-vous, a observé les règles tracées dans ledit catéchisme avec une ardeur et une passion" intolérables. 

A ce coup, monsieur le ministre, vous m'embarrassez ; je cherche une expression parlementaire pour qualifier cette accusation comme elle le mérite : mais je n'en trouve pas, et force m'est de vous déclarer tout net que c'est une pure bêtise. Et l'on voit une fois de plus que vous ne connaissez pas le premier mot de ce dont vous parlez et jugez. Eh quoi ! monsieur le ministre, vous articulez que j'ai "observé avec ardeur et passion les règles tracées dans le catéchisme électoral !" Vous vous imaginez donc, sur la foi de vos pourvoyeurs d'accusations, que ce catéchisme traite des droits et des devoirs du clergé en matière d'élections ? Mais non, monsieur le ministre, ce catéchisme s'adresse à l'électeur catholique, quel qu'il soit, et tout particulièrement à l'électeur ignorant, embarrassé de connaître au point de vue religieux la valeur des divers candidats. Ce catéchisme, en deux mots, dit et prouve à l'électeur catholique que jamais il ne lui est permis de voter pour un candidat qu'il sait être l'ennemi de l'Eglise. 

Pour être convaincu de cette obligation, monsieur le ministre, je n'avais personnellement pas besoin du catéchisme, puisque c'est moi qui l'ai fait. Et quelle ardeur, je vous prie, et quelle passion pouvais-je apporter à observer les règles tracées dans ce catéchisme, à mettre en pratique l'enseignement que j'y développe ? Il ne s'agit là, encore un coup, ni des droits du clergé, ni des devoirs spéciaux des citoyens à qui leur position sociale donne une influence dont ils doivent user pour le bien de la religion et de la patrie ; il s'agit tout uniment de voter pour un candidat catholique, ou tout au moins respectueux de la liberté de l'Eglise : et c'est ce que j'ai fait, de grand cœur, mais sans passion, il n'y avait pas lieu. Me reprochez-vous aussi ce vote, monsieur le ministre ? Ce ne serait pas sérieux, et j'ajoute que, n'eût été l'ardeur de la passion antireligieuse qui vous guide ou plutôt vous égare, vous vous seriez épargné le ridicule de cette troisième accusation. 



pays basque autrefois
BIARRITZ 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN

Au total, que reste-t-il en bonne logique, devant la raison et la loi, des griefs pour lesquels vous prétendez m'avoir frappé ? Rien, néant ; je me trompe : il reste que vous infligez une peine à un citoyen français, alors que ce citoyen n'a violé aucune loi de son pays. 

J'ai voté, il est vrai, pour le candidat non républicain, parce qu'il était notoirement catholique, et parce que le candidat républicain n'avait voulu prendre aucun engagement précis sur la question religieuse. Par la même raison, j'ai nettement déclaré dans des entretiens particuliers qu'il fallait voter pour le candidat catholique, et j'ai approuvé les citoyens qui soutenaient cette candidature. Quelle est, s'il vous plaît, la loi qui me défend cela ? Quoi ! je pourrais être candidat anti-républicain, député de l'opposition ; aucune loi, que je sache, ne me l'interdit : et il ne me serait pas permis de soutenir de mon influence une candidature catholique, si anti-républicaine qu'elle fût ? Allons donc, c'est de l'enfantillage doublé d'un arbitraire brutal. 




Tenez, monsieur le ministre, permettez que je reprenne l'exemple de tout à l'heure ; je suppose qu'il se présente aux élections, avec la cocarde républicaine, des forcenés, des fous qui veulent mettre la société à sac ou qui prétendent livrer la patrie à la domination étrangère. Me feriez-vous un crime, monsieur le ministre, parce que ces gredins sinistres se seraient abrités sous le drapeau républicain, d'user contre leur candidature de toute l'influence que peuvent me donner mon caractère sacerdotal, ma position sociale et mes relations personnelles ? Non, n'est-ce pas ? Or, je le répète, ce que vous trouveriez bon quand il s'agit de la France, pourquoi le trouver mauvais quand il s'agit de l'Eglise ; quand moi, prêtre de Jésus-Christ, je mets mon influence au service de l'Eglise ma mère, quand je travaille à écarter des fonctions publiques ceux qui voudraient garrotter l'Eglise, l'étouffer, la tuer ? 

J'entends bien, vous l'affirmez, monsieur le ministre, que je suis "depuis longtemps signalé à la direction des cultes en raison de mon hostilité vis-à-vis des institutions républicaines". Je ne savais pas encore que, pour être bon prêtre, bon citoyen, il me fallût abdiquer mes préférences politiques, fondées sur l'histoire, ni renoncer à de patriotiques espérances. Et néanmoins, je le déclare bien haut comme je le pense : si la république avait la bonne fortune de respecter ce que j'aime et dois aimer par dessus tout au monde, ce qui est le bien essentiel de la société chrétienne ; si la république, dis-je, respectait la liberté de l'Eglise, comme prêtre je n'aurais plus rien à lui reprocher aujourd'hui. Citoyen, je garderais le droit, comme tout autre citoyen, de travailler au succès d'une autre forme de gouvernement ; mais, soucieux avant tout des intérêts de la religion et du saint des âmes, et craignant que peut-être l'action du citoyen ne gênât chez moi le ministère du prêtre et n'en diminuât la fécondité, sans renoncer à mes espérances, je saurais ne pas les affirmer publiquement : et, dût la république en bénéficier, je prierais pour que l'Eglise jouît, longtemps, toujours, parmi nous d'une paix honorable et de sa légitime liberté. 

Mais me demander de n'avoir point d'hostilité, non pas pour la république en général, mais pour cette république, pour votre république, qui crochète les couvents, chasse le catéchisme et le crucifix des écoles, et envoie séminaristes et prêtres à la caserne, oh ! monsieur le ministre, c'est là une injure que je repousse de toute l'indignation de mon âme sacerdotale et française. Moi, prêtre catholique, ne pas détester ces œuvres de persécution, inspirées par les loges maçonniques et leur grand-maître Satan ! Et vous osez promettre, monsieur le ministre, qu'à ce prix je mériterai "l'indulgence de l'administration" et ma réintégration "sur les contrôles du clergé rétribué sur les fonds du budget des cultes". Non, non, je ne veux pas de cette indulgence, je ne veux pas de cet argent, qui serait le salaire d'une lâche forfaiture. Les œuvres de persécution, les actes sataniques auxquels l'on voudrait prétendre que le prêtre catholique demeurât indifférent, je les déteste, je les abhorre, je les maudis. 

Quant à vous, les persécuteurs, daigne le Dieu infiniment miséricordieux, qui terrassa le Pharisien Saul sur le chemin de Damas, vous visiter de sa grâce victorieuse, et susciter dans vos cœurs le repentir sincère, qui mérite le pardon et ouvre le ciel ! 

Et cependant, souvenez-vous de l'adage bien connu et toujours vrai : Non remittitur peccatum nisi restituatur ablatum ; ce qui peut se traduire ainsi : On n'entre pas au ciel avec le bien d'autrui

J'ai l'honneur de vous saluer, monsieur le ministre. 

L. Diharassarry, 

Curé de Cambo."



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