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vendredi 14 février 2020

LES TRADITIONS DES VALLÉES BASQUES EN 1931


LES TRADITIONS DES VALLÉES BASQUES EN 1931.


En 1931, le journaliste et romancier, Emile Condroyer, fait, dans Le Journal, un tour de France des traditions.


basse navarre autrefois
BAIGORRY 1931
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voilà ce que rapporta Le Journal, dans son édition du 22 novembre 1931, sous la plume 

d'Emile Condroyer :



"Les traditions provinciales et la vie moderne.



Dans les vallées Basques.


Tout au sud de l'immense province de Guyenne et Gascogne, le pays basque s'offre comme une vivante énigme tant par sa langue que par ses coutumes. Aussi, a-t-on vu, dans un but mercantile, certaines gens exploiter la curiosité du public en propageant les idées les plus originales mais aussi les plus fausses. 



Pour réagir contre cette effronterie, un "Musée basque et de la tradition bayonnaise" a été créé à Bayonne, qui constitue une sorte d'histoire vivante du pays et de ses coutumes ; ainsi possède-t-on un élément de base pour juger des transformations que la vie moderne a pu y apporter.



musee basque tradition bayonnaise
MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

C'est surtout depuis la guerre que le caractère original du pays basque a été quelque peu altéré. L'automobile en est la principale responsable. Dans ce pays de montagnes, les habitants demeuraient autrefois cantonnés dans leur localité. Ainsi se perpétuaient certaines industries, d'un caractère familial, comme celles des tisserands, des sabotiers, des spargatiers. Mais, aujourd'hui, la plupart de ces villages sont reliés à Bayonne, trois fois la semaine, par un service automobile. Et Bayonne, c'est le grand magasin, l'objet en série et l'uniformité.




Il y a un autre responsable : le Parisien. Eh ! mon Dieu, il faut bien reconnaître que, dans ce domaine, sa responsabilité dépasse le pays basque. C'est en 1918 que nombre de Parisiens "découvrirent" — c'est leur expression familière — le pays basque. Fuyant les bombardements de Paris ils trouvaient plus quiet de s'installer sur les bords de la Nive ou de la Saison. Il faut croire qu'ils n'eurent pas de déception car ils vantèrent la région, y revinrent plus nombreux et transformèrent de petits villages jusqu'alors ignorés en résidences d'été.



Ainsi Ainhoa, Bidarray, Baïgorry, Aldudes, Larrau, Tardets connurent-ils la gloire. La conséquence immédiate fut que les auberges se mirent au goût du jour, que la cuisine y devint banale, que les hôtels confort moderne champignonnèrent et que le caractère des anciennes auberges basques, moins confortables sans doute, mais à l'allure patriarcale, commença de disparaître.


pays basque autrefois labourd
OHANTZEA AINHOA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Cette double influence de l'auto et de l'étranger a été particulièrement néfaste pour quelques coutumes et pour les costumes dans le Labourd bordant l'océan. Il n'y subsiste que le berret pour les hommes, les vêtements de deuil pour les femmes. Dans la Basse-Navarre et dans la Soule, on parvient encore à trouver, chez les hommes d'un certain âge, la blouse courte et ample appelée "chamarra" et, chez les vieilles femmes, le foulard serre-tête.




Par nature, le Basque est essentiellement religieux et fidèle aux croyances de ses pères. Dans ces régions qui, pendant six siècles, se couvrirent de commanderies et de prieurés pour abriter les pèlerins, l'influence du clergé n'a pas diminué. Et, dans les églises de campagne, si curieuses parfois avec leurs trois clochetons dominant la façade, les assistants se pressent toujours avec régularité, les hommes en nombre aussi grand que les femmes. En sorte que les coutumes religieuses ont presque toutes subsisté. A la Fête-Dieu, aux Rogations, aux premières communions, les processions se déroulent un peu partout. Les pèlerinages y sont tout aussi nombreux. Les feux de la Saint-Jean vacillent encore sur les collines où le prêtre les bénit. Et lorsque, dans une maison, meurt le chef de famille, se pratique une coutume qui touche un peu au paganisme, il est vrai, et dont l'origine est obscure : à peine le convoi funèbre vient-il de quitter la maison mortuaire que des assistants enlèvent le feu du foyer et le dispersent au dehors...



religion pays basque autrefois
FÊTE-DIEU LASSE
PAYS BASQUE D'ANTAN

En outre des coutumes religieuses, quelques usages singuliers sont respectés. A l'automne notamment, le soir, les gens d'un village se réunissent tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, pour dépouiller le maïs, ce qui ne saurait aller sans une vieille chanson de métier, d'amour ou satirique. Mais on a totalement oublié des complaintes composées autrefois par des femmes âgées et sans famille qui, vivant de la charité publique, s'en allaient, comme des troubadours, de maison en maison, pour y distraire les gens pendant les longs soirs d'hiver.




Dans sa généralité, la vie moderne n'a point fourni d'éléments nouveaux pour la conservation de la tradition en pays basque, sauf dans un cas assez particulier : celui des jeux et divertissements.




Les boules, les quilles, les cartes — des cartes qui, en place de carreau, de cœur, de trèfle et de pique, portent des soleils, des épées, des roses et des bâtons — y sont des jeux assez en faveur. Mais aucun ne jouit d'une popularité comparable à celle de la pelote. Or, ce jeu si national subissait une sorte de dégénérescence. Il perdait à tout le moins sa pureté et seuls les Basques quelque peu âgés gardaient le souvenir des véritables règles des variétés, telles que le rebot, qui se joue contre un mur avec butoir portatif, le blaid, qui se joue par équipes de deux, le pasaka, qui ne se joue qu'en salle couverte et par-dessus un filet.




C'est alors que l'activité régionaliste se manifesta en fondant la "Fédération française de la pelote basque", que préside M. Ibarnégaray, député. Cet organisme codifia la tradition, provoqua une renaissance des divers jeux de pelote, multiplia les sociétés locales tant et si bien que l'une des plus vieilles traditions basques, dont la fin paraissait inéluctable, a retrouvé une vogue exceptionnelle.



homme politique droite basque
YBARNEGARAY
PAYS BASQUE D'ANTAN

Une intervention analogue permettra-t-elle de sauver le théâtre basque ? En pays basque, le théâtre de caractère essentiellement rural est un des divertissements les plus originaux. L'estrade, élevée sur des barriques, ne comporte aucun décor et les acteurs s'habillent, quoi qu'ils jouent, avec des costumes à leur goût, d'où des anachronismes savoureux. La pièce est souvent une sorte de mystère où les saints, les évêques, les satans sont les personnages d'un événement sacré ou légendaire, fort naïf, et dont la conclusion est toujours le triomphe du bien sur le mal. Mais le pittoresque de l'affaire réside surtout dans les réflexions, et la fantaisie parfois burlesque des acteurs qui sont tous des hommes, même s'il s'y trouve un rôle de femme.




Plus ordonnée, plus homogène est une mascarade dont les acteurs, toujours les mêmes, vont de localité en localité. Eux sont régis par certaines règles tout de même que les personnages de la Comédie italienne : le cherrero, armé d'un balai, le tamalzaïn, homme-cheval qui, dans l'esprit tout au moins, rappelle les "chivau-frus" de Provence ; un troisième vêtu en "monsieur", un quatrième en demoiselle. Enfin, le reste de la troupe est composé de bohémiens ou d'artisans.



pays basque autrefois danses
TCHERRERO MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN


pays basque autrefois danses
ZAMALZAIN MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ce théâtre rural, dernier survivant du théâtre rural en France, résistera-t-il longtemps encore au modernisme ? Il donne des signes de faiblesse. Pour mieux se mettre à la portée du spectateur étranger, quelques acteurs sacrifient de vieux jeux de scène et, au lieu de s'habiller au gré de leur fantaisie, ce qui faisait l'originalité de la représentation, louent des nippes défraîchies aux costumiers de théâtre des grandes villes. Au surplus, ces représentations que la tradition voulait gratuites sont devenues payantes, et la vie chère a fait surgir, pour l'installation du théâtre et la fabrication des costumes, des difficultés ignorées avant la guerre.




Aussi le Musée basque de Bayonne tente-t-il d'encourager et d'aider les auteurs et les acteurs de ces pastorales et de perpétuer ainsi une tradition si attachante. Mais, de l'avis même d'un de ses organisateurs, il semble qu'on pourra ralentir sa déchéance mais qu'il sera malaisé de l'enrayer.

musee basque autrefois bayonne
TISSERAND MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il n'en va pas de même pour les danses qui conservent une faveur si grande que, dans certains villages, le jour de la Fête-Dieu, des hommes dansent devant le Saint-Sacrement. La variété de ces danses est telle qu'il est malaisé d'entrer dans leur détail. Quelques-unes sont barbares comme celle du poulet-dont un malheureux volatile fait les frais : enfermé dans une boîte d'où seule sa tête sort, il reçoit des coups de sabre que chaque danseur lui donne au cours de ses évolutions jusqu'à ce que décollation s'ensuive. D'autres, comme la danse du verre ou des chaises ou comme le saut basque, se caractérisent entre autres choses par une dignité et une élégance d'allures peu communes. Les danseurs qui, très souvent, participent aux comédies-bouffes du théâtre rural, ont quelquefois un accoutrement assez spécial orné de pampilles, de galons, d'un plastron zébré de ganses multicolores et le chef surmonté d'un bouquet de fleurs comme une coiffure de sauvage lyrique. 




Ces danses, le Musée basque n'a pas, ainsi que la chose se produit dans, d'autres provinces, à les ressusciter en faisant par là une sorte de représentation rétrospective. Elles subsistent et il s'efforce de les maintenir. Il ne s'agit donc point d'un retour à la tradition. 


musee basque tradition
CUISINE MUSEE BASQUE BAYONNE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Le caractère basque, traditionaliste, conservateur, facilite cette tâche des mainteneurs. Mais si j'en crois l'un d'entre eux, M. Joseph Nogaret, il ne faut pas se dissimuler que ce ne sera que pour un temps plus ou moins long mais qui aura un terme. Le jeu de pelote-seul, étant un sport, semble devoir survivre."





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