LA COUVADE CHEZ LES BASQUES EN 1877 (troisième et dernière partie)
LA COUVADE CHEZ LES BASQUES EN 1877.
La couvade est une pratique humaine, observée dans plusieurs sociétés depuis au moins l'Antiquité.
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LA COUVADE AUTREFOIS |
Elle désigne un ensemble de rites accomplis par un homme - généralement le père et mari -
pendant la grossesse d'une femme, son accouchement et la période post-natale.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La République Française, dans son édition du 19
janvier 1877 :
"...Il restait à vérifier, à propos de la couvade béarnaise, l’auteur cité par Legrand d’Aussy. Il s’agit de Paul Colomiès, dont les Mélanges historiques ont eu deux éditions, l'une à Orange, en 1675, et l’autre à Utrecht (elzévir) en 1692 , toutes deux in-12. A la page 25 de la première et à la page 26 de la seconde on lit ce qui suit (entre les deux éditions il n'y a que de légères différences orthographiques) : "C’étoit une assez plaisante coutume que celle qui s’observoit autrefois dans le Béarn ; lorsqu’une femme était accouchée , elle se levoit, et son mari se mettoit au lit faisant la commère. Je crois que les Béarnais avoient tiré cette coutume des Espagnols, de qui Strabon dit la même chose au troisième livre de sa géographie. La même coutume se pratiquoit chés les Tibaréniens, au rapport de Nymphodore, dans l'excellent scholiaste d’Apollonius le Rhodien, livre II, et chés les Tartares suivant le témoignage de Marc Paul Vénitien, au chapitre 41 du deuxième livre de ces voiages, qui ne pascent plus pour fabuleux, depuis que de nouvelles relations ont confirmé ce qu’ils nous apprennent."
On pourra objecter qu’officiellement la Basse-Navarre se rattachait au Béarn et que les écrivains étrangers au pays ont pu sous le nom de Béarnais désigner les habitants de la province de Saint-Jean-Pied-de Port. Il n’en demeure pas moins établi qu’aucun témoignage positif et indiscutable n’est venu encore démontrer que la couvade se pratique dans le pays basque. Aussi, s’il est peut-être téméraire de nier catégoriquement la conservation dans la région pyrénéenne de cet usage de l’humanité primitive, il ne serait pas moins imprudent d’en faire un des caractères ethnologiques des Basques. Les allusions des différents auteurs qui la leur ont attribuée se rapportent toutes à des opinions courantes qui ont pour base, lorsqu'on veut les discuter, une phrase de Chaho ; et Chaho, qui prête cet usage aux régions du pays basque qu'il connaissait, se retranche sérieusement devant une remarque, incidemment présentée, de Strabon. Les nombreux écrivains qui se sont occupés du pays basque aux derniers siècles n’en ont rien dit : Oihenart, Poça, Gariboy, Isasti, n'en parlent pas ; et ils étaient Basques. M. Cordier est le seul qui, en 1869, rapporte d’un voyage rapide une affirmation catégorique.
Deux hypothèses seulement sont permises : ou M. Cordier a été bien habile et bien adroit pour faire avouer à des Basques un secret si bien gardé jusque-là, ou sa bonne foi a été surprise. La seconde hypothèse est la plus vraisemblable : comment admettre qu’on ait répondu négativement à tant de personnes, avant et après M. Cordier, si sa coutume existe réellement ? pourquoi la dissimulerait-on quand ceux qui s’enquièrent à son sujet ne la présentent point comme un signe de décadence, mais comme une preuve irrécusable de cette antiquité que les Basques revendiquent tous si fièrement ? Il ne faut pas oublier que M. Cordier, comme la plupart des voyageurs, n'a pas parcouru le pays basque français, pied à pied, village par village, mais s’est arrêté, vraisemblablement seulement dans les centres importants ; en sa qualité d’étranger, ne parlant point et ne comprenant même pas l’idiome du pays, il n’a pu se trouver en rapport qu’avec des gens parlant français, plus ou moins élevés à la française, et plus enclins que les autres à méconnaître ou à vouloir cacher les originalités de leurs compatriotes, les particularités de leur vie intime qui diffèrent essentiellement des habitudes générales françaises. Ce sont là des mésaventures fréquentes; et les dictons : "A beau mentir qui vient de loin", "Quiconque a beaucoup vu doit avoir beaucoup retenu" se concilient fort bien. On a vu ou plutôt on a cru voir beaucoup, mais on avait mal vu et les récits qu’on fait se trouvent inconsciemment faux. Pour se rendre un compte exact des mœurs d’un pays, il est nécessaire de s’y établir et d’y demeurer longtemps ; il est nécessaire de se familiariser avec les gens, les choses, le langage de l’endroit. C’est seulement ainsi qu'on pourra pénétrer dans le secret des foyers et prendre d’autres impressions que celles, toutes fictives, d'une sorte de coquetterie extérieure naturelle à tous les peuples. En procédant autrement, on risque souvent de faire rire à ses dépens : c'est ce qui est arrivé à maints voyageurs. Qu'on ait, par exemple, comme M. Jacolliot, une imagination vive et les souvenirs un peu vagues d'un séjour de dix-huit mois à Pondichéry et de dix-huit mois au Bengale, on arrivera aisément à produire de nombreux volumes pleins de details piquants et d'aventures romanesques ; mais si l’un de ces livres arrive par malheur dans le pays qu’on a voulu décrire, s'il tombe seulement sous les yeux de personnes l'ayant longuement habité et le connaissant bien, on s'expose à recevoir quelquefois de grands démentis.
Tel n'est pas, du reste, le cas de M. Cordier, qui était au moins de bonne foi ; qui, dans son ardeur, a probablement posé des questions un peu complexes qu'on a mal comprises ; qui a sans doute aussi interprété dans un sens favorable à sa thèse certaines réponses ambiguës. Il est d'ailleurs très fâcheux qu'il n'ait pas donné à son affirmation un caractère de précision qui en aurait fait toute la force, en nommant les personnes dont il tenait ses renseignements, en indiquant exactement les localités où elles les lui ont fournis, en donnant enfin, sur l'époque et les autres circonstances de son enquête, les détails circonstanciés que demandait une question de cette importance.
Le témoignage de M. Cordier, qui est le seul, est donc au moins très douteux. Je conclus par suite que, jusqu’à présent, il n’est pas possible d’attribuer aux Basques cette coutume de la couvade."
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