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jeudi 27 février 2020

UNE COURSE DE TRAÎNIÈRES À SAINT-SÉBASTIEN (DONOSTiA) EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1890


UNE COURSE DE TRAINIÈRES EN 1890.


En 1890, a lieu à Saint-Sébastien une course de trainières qui va rester dans les annales de ce sport.



pais vasco antes rama
TRAINIERE DE ST SEBASTIEN 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta le journal Le Gaulois, dans son édition du 3 décembre 1890 :



"Match à l'aviron.




Nos canotiers sont de bons rameurs ; ils ont même prouvé, il y a quelques années, qu'ils étaient capables de tenir la mer avec leurs frêles embarcations.




Pas si marins d'eau douce qu'on pourrait le croire.




Cependant, ils seraient peut-être un peu désemparés s'il leur fallait faire le rude métier des marins de la côte cantabrique. Les coups de vent sont fréquents dans le fond du golfe de Gascogne ; la galerne est une sorte d'ouragan qui arrive en temps calme et se fait à peine annoncer cinq minutes à l'avance, par un souffle qui passe. Le temps de serrer une voile, et le reste est emporté. La mer reste calme et semble même s'aplatir sous la trombe d'air qui court sur la côte, les arbres plient et se brisent, et, dans les villes, on voit les tuiles voler, les cortinas des balcons secouées et arrachées, et les promeneuses attardées se sauver vers le premier refuge, retenant leurs jupes soulevées et perdant leur mantille.




Ces coups de vent font que les pêcheurs s'en vont le plus souvent à la rame, emportant une voile unique, qu'on peut descendre en un instant, et le mât s'enlève d'un coup de main.




Ces embarcations, que nous appelons "trainières", s'appellent en Espagne "lanchas". Elles n'ont, pour ainsi dire, ni avant ni arrière. Elles portent de huit à douze rameurs, et sont gouvernées à l'aviron. Ce sont, en réalité, des baleinières, car leur type est très ancien et remonte au temps où l'on poursuivait la baleine dans le golfe de Gascogne.




Il n'y a guère plus de deux siècles que ce grand cétacé a disparu de la côte, et l'on trouve encore, dans quelques maisons du pays basque, de grandes jarres en terre cuite, qui étaient destinées à recueillir l'huile de baleine.




C'est un spectacle curieux que celui des lanchas arrivant au port de Saint-Sébastien, retour de la pêche à la sardine. Les marchandes attendent sur la jetée, se disputant à l'avance. prenant rapidement une charge de poisson dans leur panier plat, qu'elles placent sur leur tête, et les voilà, partant à toutes jambes, les pieds nus, la jupe retroussée, et poussant dans la ville des cris stridents, qui s'entendent à deux kilomètres : "Sardines fraîches !" 




Il me souvient d'un voyage que M. de Bismarck fit à Saint-Sébastien, en 1864, alors qu'il suivait la Cour impériale à Biarritz. Il s'était mis dans la tête de revenir à Biarritz par mer.




Comme il n'y avait pas de consul allemand à Saint-Sébastien, il se rendit, avec le ministre de Prusse accrédité à Madrid, le comte de Galen, chez le consul de France, lui déclara qu'il venait se mettre sous la protection du drapeau français, lui dit qu'il aimait beaucoup la France et l'Empereur, et finit, à la grande stupéfaction du consul, qui s'attendait à tout autre chose après ce préambule solennel, par lui demander s'il pourrait lui procurer une embarcation. 




Le consul le fit accompagner au port ; le prix fut débattu avec un patron de "lanche", et, le lendemain matin, à six heures, quand il fallut s'embarquer, M. de Bismarck s'aperçut que le bateau sentait fortement le poisson, fit la grimace, paya et... revint par terre.




Hier, donc, les "lanches" de Saint-Sébastien, de Bilbao, de Fontarabie, d'Ondarroa, de Zumaya et de tous les petits ports de la côte, concouraient devant Saint-Sébastien au grand prix annuel, destiné aux meilleurs rameurs.




La course a lieu en pleine mer, en vue du mont Orgullo, dont le fort et les canons dominent Saint-Sébastien, la rade et la haute mer. Une allée passe à mi-côte, dominant les roches profondes et glissantes où la vague, même par les temps calmes, vient s'engouffrer, bondir et monter à l'assaut.




L'allée débouche des poternes et des bastions, et un peu plus loin, devant l'immensité bleue, elle traverse un curieux et poétique petit cimetière, où l'on ne voit que des inscriptions anglaises sur la pierre. Ce sont les tombes des officiers anglais tués au siège de Saint-Sébastien, en 1812. Ils étaient protestants : on les a mis là, hors du champ bénit, en plein nord, regardant là-bas, leur pays, dans la brume, lointaine. Chateaubriand n'a rien de plus beau ni de plus rêvé sur son rocher de Saint-Malo.




Cependant les barques sont sorties du port elles passent en ramant doucement, par l'entrée de la rade, cette jolie concha où l'Océan s'est fait comme un nid, pour dormir mollement, sur un lit de sable fin, hors des roches sauvages de la côte.




Les barques vont se ranger au loin et, au signal donné - un coup de canon - toutes les rames s'abaissent, et cette flottille s'avance sous les regards de la foule bigarrée qui garnit l'allée et toutes les aspérités de la montagne. 




Des lunettes sont braquées dont les propriétaires deviennent les informateurs de ce peuple animé pour qui les paris sont peu de choses à côté de la gloire. Ils sont là, marins et filles de marins, tous Basques, venus de tous les ports ; et chacun tient pour les champions de son clocher.




Comment reconnaître les rameurs à si grande distance ?




Ils ont des ceintures de couleur différente, et parfois le béret diffère mais c'est surtout le petit drapeau placé à l'arrière qui fait reconnaître le port d'attache.




Enfin, les voici. Deux ou trois barques ont pris les devants. Ce n'est pas sans danger, car il faut rentrer en rade et tourner au plus court auprès d'écueils terribles. La foule s'exalte, les mouchoirs s'agitent ; des cris retentissent, emportés par le vent. C'est un enthousiasme indescriptible.




Calmes et forts, les rameurs passent sans commettre une faute, sans même jeter un regard sur cette foule, où se trouve peut-être la fiancée au mouchoir rouge noué sur le chignon. A l'arrière du bateau, le patron se tient debout et n'enfonce l'aviron que pour donner un coup de barre ou soutenir le côté faible. 




Ce sont les marins de Saint-Sébastien qui ont gagné le prix, et quel enjeu cinquante mille francs !

Le match en vaut la peine.



pais vasco antes traineria
ST SEBASTIEN 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN




pais vasco antes traineria
EQUIPAGE DE ST SEBASTIEN 1890
PAYS BASQUE D'ANTAN

La population de la ville porte en triomphe les vainqueurs, et la journée se passe en réjouissances.




Hier, la distance à parcourir était longue. Les bateaux de course étaient partis, le matin, d'Ondarroa, petit port à une trentaine de kilomètres de Saint-Sébastien, dans la direction de Bilbao.




On peut dire qu'il n'est pas de meilleurs marins que les Basques. Et ils ont une telle confiance dans leur force et leur adresse, qu'on n'a pas encore pu leur faire adopter partout, les bateaux de sauvetage. Se faire attacher à leur banc leur paraît une honte."







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