LES BASQUES DANS LES TRANCHÉES EN 1915.
On estime à environ 6 000 Basques du Pays Basque Nord le nombre de morts au combat pour défendre la France, lors de la première Guerre Mondiale.
Voici ce que raconta à ce sujet le journal La Petite Gironde, dans son édition du 19 juillet 1915 :
"Je suis allé hier visiter mes lecteurs de la Petite Gironde, au front. Je veux dire que j’ai passé la journée du 14 juillet dans un secteur occupé, depuis des mois, par les régiments de Bordeaux, Mont-de-Marsan, Bayonne, Pau, etc. Je les connais, car je les retrouve, à chaque voyage, toujours les mêmes, toujours gais, bien résistants et, comme on dit, solides au poste. Une centaine d’entre eux, au moins, occupent ma propre maison ; les tranchées sont creusées dans les terres de mes amis et voisins ; les débris de nos fermes et de nos maisons sont utilisés pour la défense. Les officiers qui commandent ces braves troupes sont logés sous mon toit — si on peut appeler toit la claire-voie à demi ruinée que font les chevrons dépouillés de leurs ardoises et recouverts tant bien que mal d'un bâti improvisé de gerbes et de bâches.
Dans la rue du petit village, le long des routes qui grimpent vers la tranchée, à l’ombre de ce qui reste de nos bois, j’ai vu partout la Petite Gironde circulant de main en main ; j'ai rencontré des amis et des collaborateurs venus de si loin pour prêter main forte à la défense de la frontière, et je me demandais ce que pensaient de nos pauvres petits patelins tout pantelants les habitants des riches vignobles du Bordelais, et ces Landais qui ont laissé, pour venir ici, leurs sapins et la mer, et ces Basques dont les yeux sont pleins du magnifique spectacle des Pyrénées.
Nous n’avons rien de pareil à leur offrir ; nos coteaux sont modérés, notre sol caillouteux et sec, et, pour le moment, nos riches vallées sont en friche. Je montrais, cependant, à l’un d’entre eux, un vieil amandier centenaire qui couronne la crête du jardin et j'étais fier de lui faire remarquer "qu'il était couvert d'amandes" ; cela veut dire, pour être exact, qu'il y en avait bien un boisseau. Nous avons aussi les figues ; mais elles ne mûrissent qu'à l’automne. Quant à nos vignes, qu’elles sont pâles et décolorées si on les compare aux verdures profondes ou aux tentures diaprées du vignoble bordelais ! Les nôtres sont à l'extrême limite vers le nord. Quand on a franchi notre colline, c’est fini : il n’y a plus un pampre sur les terres argileuses qui s’étendent jusqu’en Belgique. Notre petit ginglet n'est buvable que dans les bonnes années. D'ordinaire, pour le boire, il faut, comme on dit, "se tenir à la table". C’est du vin de France, tout de même !
Je supplie mes lecteurs du front de ne pas être trop sévères pour ces provinces un peu âpres qui sont devenues leur domicile de guerre; pour ceux qui y sont nés, elles ont leur charme inti me et émouvant; qu'ils ne les jugent que d'après leur aspect actuel et qu’ils fassent un effort pour s'imaginer ce qu’elles étaient avant les événements.
Les plateaux, maintenant labourés du rude sillon des tranchées, présentaient, au mois d’août, une immense mer de moissons, de fourrages et de betteraves, recevant alternativement les caresses du soleil et de la pluie ; la pente des coteaux tout fleuris est aménagée d’ordinaire en jardins de maraîchers, en plantations d’arbres fruitiers, ombrageant quelques carrés de vigne, et la vallée, enfin, active et industrielle, presse ses populations nombreuses dans les bourgades bâties de bonnes pierres de taille, ornées de vieilles églises aux nobles sculptures et desservies par les cinq lignes de communication suivant le bord de la rivière ; d'abord la rivière elle-même, puis le canal qui la longe, le chemin de fer qui les accompagne toutes deux et, enfin, de chaque côté, la double route qui les suit. C'est un organisme admirablement adapté pour les temps de paix et qui se transforme très utilement en temps de guerre. Nulle force perdue ! Ces voies parallèles relient nos villages aux trois grandes métropoles : Laon, Soissons, Reims. Une triple pulsation appelle à ces trois extrémités le flux de la richesse et en renvoie le reflux vers les villages alternativement.
Mais, que me veut ce rêve du passé ?... Des trois métropoles, l’une est occupée par l’ennemi : on devine, dans la brume, les tours invisibles et présentes de la cathédrale de Laon ; les deux autres Soissons et Reims, sont soumises à un bombardement intensif et, en quelque sorte, mécanique ; elles sont à nous, mais hors de nous. Leurs deux cathédrales tombent pierre par pierre ; pans de murs et décombres jonchent le sol ; quand nous interrogeons l’horizon, nous entrevoyons à peine, pâle et décharnée la silhouette amincie de Notre-Dame de Reims.
LAON AISNE 1915 |
REIMS 1915 |
Car nos pauvres pays sont, depuis dix mois, exactement la zone de feu. Et ce sont nos Girondins, nos Landais et nos Basques qui les défendent. Témoins de ce que je viens d’essayer de décrire, ils peuvent affirmer que, dans notre chère France, peu de régions ont été plus éprouvées. Ils peuvent attester, aussi le mérite résigné de ces braves populations qui, en dépit du bombardement, malgré l’appréhension d un retour offensif, malgré toutes les misères conjurées contre leur existence, sont restées attachées à cette glèbe, n’ont pas quitté leur village et sont restées fidèles au coin de terre où dorment leurs aïeux et où sont nés leurs enfants, préférant risquer chaque jour la mort plutôt que d’aller au loin vivre la vie du sans-foyer.
Mais les nôtres, par contre, rendent justice au courage, à l’abnégation, au dévouement des soldais, français venus jusqu'ici pour tenir bon sur la frontière factice faite par les tranchées et qui ont juré d'en déloger l'envahisseur.
SOISSONS 1915 |
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