... La reine de Navarre avait établi, sans trop de difficultés, le protestantisme en Béarn. Or ce pays et la Soule avaient trop de rapports pour que cette mesure n'eut pas de répercussion sur le pays basque. Le capitaine-châtelain était alors Jean de Belsunce qui, gagné aux doctrines de la Réforme, devint un des plus chauds partisans de Jeanne d'Albret. Appelé auprès d'elle dans les premiers jours de l'année 1568, il délégua ses pouvoirs à son lieutenant Louis de Tardetz, seigneur de Sauguis.
... Lorsqu'il apprit que Belsunce avait quitté la Soule laissant le château en partie dégarni de soldats, Charles de Luxe, à la tête de quelques centaines d'hommes, arriva à l'improviste et s'en empara. Mais il ne le conserva pas longtemps.
BLASON DE LA MAISON DE LUXE BASSE-NAVARRE D'ANTAN
Ces événements se passaient pendant les guerres de religion tandis que Terride et Montgoméry dévastaient l'un après l'autre le Béarn. L'action des protestants ne se borna pas là. Le lieutenant de Montgoméry, Montamat, pénétra dans la vallée de Soule, assiégea le château et, après quelques jours de siège, s'en empara. Il chargea de sa garde le capitaine huguenot Aramitz, un des fidèles partisans de la reine de Navarre et parcourut lui-même tout le pays où il laissa partout des traces de son passage. Les manoirs et les églises furent saccagés, les villages pillés et les habitants cruellement maltraités.
Voyant la tournure que prenaient les choses, le roi Charles IX, par lettres datées de Villers-Cotterets, le 6 Janvier 1570, nomma le seigneur de Luxe son lieutenant général, au gouvernement du pays de Soule, lui prescrivant d'y rétablir l'ordre. Charles de Luxe organisa une petite armée, assiégea Mauléon, en chassa Aramitz et ses soldats et y mit une garnison à lui. A ce moment se poursuivaient les négociations qui devaient aboutir à la paix de Saint-Germain-en-Laye, signée le 11 Août 1570. Rien n'y était prévu pour le pays de Soule où le seigneur de Luxe resta en possession de son gouvernement malgré plusieurs tentatives de Jean de Belsunce pour y être réintégré.
Celui-ci résolut alors d'avoir recours à la force. Il se présenta devant Mauléon à la tête de quelques compagnies d'arquebusiers et de gens de pied de l'armée du roi de Navarre sous les ordres de Jean de La Lanne d'Ispoure, son beau-frère. Charles de Luxe, voyant que toute défense était impossible, s'échappa nuitamment et gagna Tardetz d'où il passa en Espagne.
Les soldats de Belsunce commirent alors toutes sortes d'excès qui motivèrent de nombreuses plaintes au Parlement de Bordeaux ; mais Henri IV, qui protégeait Belsunce, évoqua en son conseil toutes les procédures civiles et criminelles, ce qui était leur annulation pure et simple.
ROI HENRI IV
A Jean de Belsunce succédèrent, comme capitaines-châtelains ses fils et petit-fils et, pendant quelque temps, le château de Mauléon ne devait pas faire parler de lui. Mais il n'allait pas tarder à être mêlé à un des événements les plus préjudiciables aux intérêts du pays de Soule. L'achat par le comte de Troisvilles du domaine royal de la province fut l'origine de troubles qui pendant plusieurs années désolèrent le pays et de procès qui faillirent le ruiner...
Une des conséquences de l'aliénation du domaine royal avait été la suppression de la charge de capitaine-châtelain et le comte de Troisvilles en étant devenu acquéreur se disposa à prendre possession du château. Mais il avait compté sans le capitaine-châtelain Armand de Belsunce auquel ce changement portait un très grand préjudice car il percevait, pour ses appointements, une partie des revenus du domaine royal. Aussi, lorsqu'il reçut l'ordre de se démettre de ses fonctions, il refusa de s'y conformer.
Le roi, très mécontent de cette attitude, ordonna au sieur Siffredy, exempt des Gardes du corps, par lettres datées de Noisy-le-Sec, le 27 Septembre 1642, de se rendre à Mauléon, de prendre possession du château en son nom et d'en faire sortir tous ceux qui y seraient.
CHÂTEAU DE MAULEON PAYS BASQUE D'ANTAN
Belsunce résista encore aux sommations de l'envoyé du roi.
Celui-ci donna alors mission au baron de Poyanne, son lieutenant général en Navarre et en Béarn, de faire exécuter sa décision coûte que coûte. Poyanne entretenait d'amicales relations avec Belsunce ; il sut lui persuader que son attitude ne pouvait que lui nuire auprès du roi, tandis qu'il lui saurait gré d'accepter sa décision. Belsunce céda et Poyanne prit possession du château où il installa un officier et 25 soldats.
Il n'en est pas moins vrai que cet incident avait fait une fâcheuse impression sur l'esprit du roi et, quelque temps après, par lettres du 25 Octobre 1642, il donna l'ordre à M. de Poyanne de faire démolir cet ouvrage, de telle sorte qu'il n'y demeure "aulcune forteresse ny logement".
Le 21 Novembre, Poyanne se rendit en personne sur les lieux et se mit à l'oeuvre. Mais, au bout de 15 jours, il tomba malade "à cause de la froideur, impétuosité de l'air, pluyes et mauvais temps, en ce coin de montaigne" (ce sont ses expressions). Il revint à Dax, laissant à Detchart, procureur du roi, le soin de faire continuer la démolition "par corvée du peuple".
En cette circonstance, Poyanne fit au roi une avance de 4 273 livres 13 sols payées au personnel employé pour cette démolition et évalue à 400 hommes par jour, pendant 6 mois. Si la somme payée ne paraît pas excessive, il est douteux qu'elle ait porté sur un aussi grand nombre de journées, car il résulte d'un autre texte que le château n'aurait pas été démoli en entier mais qu'on aurait rasé "une tour bataillére très belle et considérable", qui formait la partie la plus forte de la défense.
CHÂTEAU DE MAULEON BULLETIN MUSEE BASQUE N°7 1934
Pendant plusieurs années, il n'y eut aucun changement dans la situation. Mais le roi n'avait pas oublié la conduite de Belsunce et il désirait le voir se démettre de sa charge. C'est ce que Poyanne fit comprendre au capitaine-châtelain et celui-ci la vendit, en Avril 1646, pour le prix de 12 000 livres, à M. de Toulongeon, fils du comte de Gramont.
Un grand mécontentement régnait alors en Soule où, par suite de diverses circonstances, les esprits étaient très montés. Cette situation alarma le nouveau capitaine-châtelain chargé de maintenir l'ordre dans le pays. Il signala cet état de choses au roi et lui fit part de ses appréhensions, étant donné que, depuis la démolition du château, il n'y avait plus rien pour faire respecter son autorité dont le symbole lui-même avait disparu. Il concluait qu'il y avait le plus grand intérêt à le reconstruire au plus tôt.
Le roi approuva cette proposition et l'on procéda à cette reconstruction qui demanda de longs mois. La dépense atteignit 36 000 livres qui furent laissés entièrement à la charge des habitants.
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Cette époque marque la fin du rôle militaire du château. Pendant les règnes de Louis XIV et de Louis XV la paix régna dans le pays, si bien qu'on put remplacer la garnison par des mortes-payes. L'artillerie dont il était pourvu fut envoyée ailleurs et on n'y laissa plus que quelques vieux canons dont le rôle, essentiellement pacifique, consista à rendre les honneurs aux grands personnages venant accidentellement dans la province.
C'est ainsi qu'en 1741, il fut dépensé 21 livres de poudre pour fêter l'heureuse délivrance de la comtesse de Troisvilles et à l'occasion du voyage de l'intendant M. Megret de Sérilly.
18 ans plus tard, le 26 Août 1759, le maréchal de Richelieu, gouverneur de la Guienne, visita la Soule. Le château salua son arrivée par 12 coups de canon ; il en fut tiré 12 le lendemain, au départ du maréchal pour Troisvilles ; 12, le soir et 12 le lendemain lors de son départ pour Bordeaux. Puis le canon se tut et ne se fit plus entendre en pays de Soule.
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On transforma les casernements et les basses-fosses en prison qui eurent surtout leur emploi lors de la Révolution ; plusieurs personnalités de distinction de la Soule y furent internées pendant un temps plus ou moins long.
Dans le courant du 19ème siècle, on réalisa quelques améliorations pour rendre le château habitable et, pendant assez longtemps, une compagnie du régiment en garnison à Pau, y fut détachée en permanence. Mais cet état de choses cessa après la guerre de 1870 et l'autorité militaire ayant d'autres préoccupations que de pourvoir à un entretien coûteux, s'en désintéressa complètement et laissa les bâtiments tomber en ruines. Actuellement, de cet ouvrage militaire, un des plus anciens si non le plus ancien de toute la région, il ne reste plus que les murs d'enceinte avec les chemins de ronde, 3 tours en partie arasées et une casemate que l'on prétend être une ancienne prison, ce qui n'a rien d'invraisemblable.
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Le château de Mauléon a été inscrit, il y a quelques années sur l'inventaire supplémentaire des monuments classés comme monuments historiques. Grâce à cette disposition, ce qui reste de l'ancienne demeure des vicomtes de Soule et des capitaines-châtelains sera conservé. On ne peut que s'en réjouir. Ces ruines en effet ne doivent pas être considérées seulement au point de vue pittoresque ; elles sont le dernier témoin d'une histoire riche en événements et méritent, à ce titre, d'être conservées aux générations à venir."
Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.
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