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vendredi 9 juin 2023

LA NAVARRE ET LA RÉVOLUTION FRANCAISE EN 1789

LA NAVARRE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE EN 1789.


Malgré la protestation expresse des Etats généraux de Navarre, la Révolution française entraîne en 1790 l'abolition des fors basques et navarrais, la dissolution de l'organisation territoriale et des institutions de (Basse-)Navarre et l'annexion de la Navarre à la France, avec la création d'un département des Basses-Pyrénées.


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8 FEVRIER 1790 CREATION DU DEPARTEMENT
DES BASSES-PYRENEES


Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Veillées d'un Français, le 13 octobre 1789 :



"Séance d'hier


On a annoncé que M. Fréteau avoit eu la majorité des suffrages pour la présidence. M. Emery avoit eu après lui le plus grand nombre de voix. En prenant sa place, M. Fréteau a prononcé un discours qui a été très applaudi, et que sa modestie persiste à refuser au public.



M. Fréteau a proposé de s’occuper des municipalités ; mais M. Target a réclamé l'ordre du jour, pour terminer la question de la promulgation de la loi, relativement à la Navarre. M. de Malartic trouvoit plus instant de s’occuper des abus d’autorité des commissaires départis dans les rôles qu'ils envoient pour des gratifications considérables. M. de Mirabeau a parlé de la dénonciation qu’il avoit fait samedi, à raison d’un propos imputé à M. de Saint-Priest : il a demandé si quelque membre avoit une connoissance officielle d’une lettre écrite par le ministre au comité des recherches ; M. Fréteau ayant répondu que cette lettre étoit sur le bureau à l’adresse indiquée, M. de Mirabeau a demandé l’ajournement sur cet objet ; il a ajouté ensuite que quoique le projet de M. l’évêque d’Autun fût de nature à ne pouvoir prendre un parti, sans avoir mûrement délibéré ; il croyoit cependant qu’il y avoit deux principes préalables & nécessaires à consacrer, pour montrer que la chose publique n’est pas en péril ; i°. la propriété des biens ecclésiastiques en faveur de la nation, sous la charge expresse d’aligner des fonds convenables à la desserte des autels, & à la subsistance décente de leurs ministres ; 2°. La nouvelle répartition des fonds assignés, de telle manière que nui curé ne puisse avoir moins de 1 200 livres, sans y comprendre le logement.



M. l’abbé Grégoire a dit qu’il falloit réfléchir sur cet objet, & que la motion de M. l’évêque d’Autun, fût imprimée & répandue dans les bureaux, pour être ajournée â vendredi, jour consacré aux finances.



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PORTRAIT DE L'ABBE GREGOIRE
PAR PIERRE JIOSEPH CELESTIN FRANCOIS 1900



Ce renvoi a été prononcé. 



En reprenant la question concernant la Navarre, M. le président a annoncé que le syndic de cette députation lui avoit écrit une lettre sur les intérêts de ce royaume, en lui envoyant un mémoire. C’est à M. Polverel qui avoit déjà défendu avec tant de succès la cause de la Navarre, contre les entreprises du fisc, que sont dus cet excellent mémoire & la lettre suivante, qui suffira pour mettre nos lecteurs à portée de connoître la question agitée.



"M. le Président.  


La question qui doit être discutée ce matin, est de la plus haute importance pour la France & pour la Navarre : si ce mémoire contient quelque affection qui exige des preuves plus positives, ou des développements ultérieurs, je serai aux ordres de l’assemblée nationale, & je lui donnerai, soit de vive voix, soit par écrit, tous les éclaircissements qui sont a mon pouvoir.


Si la députation de la Navarre s’étoit présentée à l’assemblée nationale, & qu’elle y eût été reçue, il est probable que la question sur la suppression du titre de roi de Navarre, n’auroit pas été matière à discussion, ou la députation se ferait présentée avec des pouvoirs illimités, & alors la Navarre se serait déclarée membre du royaume de France, & alors vous auriez pu, sans inconvénient, supprimer le titre de roi de Navarre, puisque les Navarrois auroient été compris sous la dénomination des Français ; ou vous auriez reçu la députation de la Navarre avec ses pouvoirs limités, & dans la forme que les états de Navarre lui avoient donnée : vous ne vous y seriez déterminés, que parce que vous auriez cru que la Navarre n’étoit pas membre du royaume de France ; & alors vous auriez su d’avance, pourquoi il étoit nécessaire de conserver au roi des Français, le titre de roi de Navarre.


Le mal n’et pas irréparable pour la chose publique, puisque l’assemblée nationale n’a encore rien décrété sur la question qui intéresse les deux royaumes.


Nous espérons aussi qu’elle voudra bien ne pas précipiter son jugement sur la conduite qu’ont tenus a son égard les états de Navarre & leur députation. 


La députation est à Versailles depuis la fin de juillet. Elle n’a pas encore présenté ses pouvoirs a la vérification & l’on a dit dans l’assemblée nationale qu'elle étoit ici pour sonder le terrein. Le mot est vague, insignifiant, mais il présente des soupçons, la Navarre, ni ses députés ne peuvent en laisser subsiter aucun. Puisque nous ne sommes pas là pour nous détendre, nous osons espérer, monsieur le président, que l'assemblée nationale daignera entendre avec quelqu'intérêt le compte que nous allons lui rendre de la conduite des états de Navarre, & de leur députation. 



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MIRABEAU ET ASSEMBLEE CONSTITUANTE
23 JUIN 1789



L’intérêt & le vœu de la Navarre est d'être indissolublement unie à la France. Ses états ont exprimé leur vœu dans les pouvoirs qu’ils ont donnés à leurs députés. Ils l'ont motivé sur la foiblesse de la Navarre, sur le besoin qu’elle avoit de l’appui d’une nation libre & puissante pour protéger sa liberté contre les entreprises de l’autorité arbitraire.


Ils ont donné une preuve non équivoque de la sincérité de ce vœu. L’ordre de la succession à la couronne de Navarre appelait les femmes à défaut de mâles. Pour qu’aucun événement ne pût les séparer du royaume de France, ils ont fait ce que personne ne leur avoit demandé, & qu’eux seuls pouvoient faire ; ils ont adopté la loi salique pour l’ordre de la succession à la couronne de Navarre, & ils ont chargé leur députation, de présenter cet acte à l’assemblée nationale de France.


Mais la Navarre avoit une bonne constitution. La puissance législative résidoit dans ses états-généraux. Nul impôt ne pouvoit être perçu ni exigé en Navarre, s'il n’avoit été consenti par les états ; & il étoit encore incertain si la France parviendroit à se donner une bonne constitution.


Les états de Navarre ne doutaient pas qu’au dix-huitième siècle, l’élite de la nation la plus éclairée de l'univers ne pût faire pour la liberté publique beaucoup mieux qu’on n’avoit fait, dans le huitième, en Navarre & en France ; mais il étoit permis de craindre avec M. Necker ; les ambitions, les vanités & les moyens de tous genres qui reposaient entre les mains du gouvernement, & qui lui donnoient le pouvoir de captiver les esprits par tant d'intérêts divers.


Dans cette incertitude, les états de Navarre ont cru ne devoir se confondre avec la France, & renoncer à leur constitution, que lorsque la France pourrait leur offrir une constitution aussi bonne que la leur ; en attendant ils offroient & dcmandoient à l’assemblée nationale de France un traité fédératif.


Tel étoit notre mandat auprès de l’assemblée nationale. Nous ne pouvions accepter voix délibérative, ni sur la constitution, ni sur la législation, ni sur l’impôt, parce que les états avoient craint que s’ils nous eussent autorisés à délibérer sur ces objets dans l’assemblée nationale, on n’en induisit qu’ils avoient renoncé à leur constitution, à leur puissance législative, & à leur droit exclusif de s’imposer eux-mêmes.


D’un autre côté, l’assemblée nationale avoit déclaré par son arrêté du 19 juin, son droit exclusif d’ordonner sur l’impôt pour toutes les provinces du royaume, quelle que fût la formule de leur administration.


Elle avoir déclaré par celui du 4 août, que les privilèges particuliers des provinces, des  principautés, des villes, corps & communautés d’habitans, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, étoient abolis sans retour, & demeureroient confondus dans le droit commun des Français.


Enfin nous fûmes bientôt instruit des principes de l’assemblée nationale sur la nullité des limites & des clauses impératives des mandats.


Nous avions, dans la certitude morale, ou de n’être pas reçus à l’assemblée nationale, ou de n’être reçus qu’à la charge de faire rectifier nos pouvoirs ; ou que si nous étions reçus sans examen & sans contestation sur nos pouvoirs, on regarderoit notre présence seule comme un apte d’adhésion aux décrets de l’assemblée nationale, comme une renonciation de la Navarre à sa constitution, à son indépendance & à ses privilèges.


Dans la première supposition, il valoit mieux ne pas nous présenter, que de nous présenter avec la certitude de n’être pas reçus.


Dans la seconde, puisqu’il falloit toujours faire changer les pouvoirs, & que ce changement ne pouvoit se faire que par les états assemblés, il valoit mieux conserver les droits de la Navarre intacts, & laisser aux états la liberté absolue de donner de nouveaux pouvoirs sans limites, ou de laisser subsister les limites des anciens pouvoirs, que de nous exposer à contrarier le vœu des états en le prévenant.


Dans la troisième, nous ne pouvions nous présenter sans compromettre les droits de la Navarre, sans paraître donner, au nom de nos commettans, un condentement désavoué par notre mandat.


Pour faire cesser cet état de perplexité, nous avons cru devoir supplier le roi de consulter de nouveau le vœu des états-généraux de Navarre, sur l’adhésion ou la non adhésion aux décrets de l’assemblée nationale. Nous avons obtenu de sa majesté une convocation extraordinaire des états.  


Mais de nouvelles combinaisons ont fait, à notre insu, révoquer l’ordre du roi, & le ministre a dissous les états de Navarre trois jours après leur ouverture, sans leur avoir donné le temps de délibérer.


Voilà, M. le président, la conduite de nos commettans & la nôtre. La nôtre a été commandée par les états, celle des états par la prudence : mais dans la nôtre & dans la leur, l'assemblée nationale ne peut voir que loyauté & franchise, & surtout le vœu le plus ardent d’être à jamais unis à la France devenue libre. Peut-être cette union serait-elle déjà consommée sans le parti inconcevable que le ministre a pris de dissoudre les états.


Je suis avec le plus profond respect. 

Monsieur le président, votre, &c. 

Signé Polverel sindic, député du royaume de Navarre."



Après la lecture de cette lettre, & d’un mémoire dans lequel les droits de Navarre sont développés, M. Nosciton a pris la parole pour demander que cette question fût plus amplement discutée, comme pouvant influer sur les intérêts & les droits du Béarn ; il a relevé quelques faits relatifs à l’union de cette souveraineté à la France.



M. Delaville Leroux distinguoit les diplômes d'avec les lois ; il laissoit aux premiers les titres ordinaires, & celui de roi des François aux actes législatifs.



M. Bouche a insisté pour que le titre de roi de France & de Navarre fut conservé ; il a tenté d’en prouver la nécessité par quelques passages du prince de Machiavel, & de l'histoire de Henri IV.


"Tout prouve que la Navarre n’est ni un membre ni une dépendance du royaume de France, disoit M. Barrere de Vieusac, & l’on ne peut lui opposer que les maximes modernes du fisc ; mais aujourd’hui que les bases de votre constitution sont posées, quel peuple ne désireroit pas d’être Français ? Dans ces circonstances, je propose l’ajournement sur la question ; en attendant, les états-généraux de Navarre délibéreront sans doute d’adhérer à vos décrets, & il n’y aura plus que des Français le long des Pyrénées".



On est allé aux voix sur l’ajournement ; l'on a déclaré qu’il y avoit lieu à délibérer & non pas à ajourner.



"Pourquoi la Navarre influeroit-elle sur la formule de nos lois, disoit M. Emery ? Il ne convient pas à un peuple libre, & qui forme la constitution, de permettre cette division du royaume qui peut laisser au prince des forces particulières dont il est quelquefois facile d’abuser.



M. Salicetti a déclaré que si l’on donnait au roi le titre de roi de Navarre, il demandoit qu’il prit aussi le titre de roi de Corse, parce que 1a république de Gènes pourroit encore former des prétentions sur cette isle. "Cependant, j’y renonce, a-t-il ajouté, si les Navarrois y renoncent aussi".



M. de Mirabeau a observé que rien n’étoit plus contraire à l’unité monarchique que cette variété des titres." Si elle existait, disoit-il, nous prouverions que nous sommes composés de petites parties isolées & disparates, tandis que nous devons faire une fusion de parties homogènes pour former le même empire ; & si l’on devoit comparer la Navarre à la Corse, nous y trouverions une différence incommensurable en arithmétique politique.





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PORTRAIT D'HONORE DE MIRABEAU
PAR JOSEPH BOZE



Je demande une grande uniformité dans le titre des lois, & des formules, & que tous les amendemens de tous les députés soient jugés, afin que l’on sente le danger de pareilles queutions.



Un député de Forcalquier, un autre de Marseilles, réclamoient aussi que le roi prît le titre de leur pays qui n’avoit été jamais incorporé : enfin, un député de Lorraine demandoit l’addition du titre de duc de Lorraine & de Barois.



M. Dumetz a fait ressortir les principes d’unité de monarchie & d’unité de constitution, qu’il étoit nécessaire de consacrer, afin que chaque province ne vînt pas réclamer d’anciens titres ou privilèges, & qu'on s’en tînt à la belle dénomination du roi des Français.



Alors M. de Bousman a posé la question en ces termes : "ajourera-t-on ou n’ajoutera-t-on pas au titre de roi des Francois II."



Cette question a obtenu la priorité. On est allé aux voix, & l’assemblée a décidé qu'il ne seroit rien ajouté au titre de roi des Français, dans l'intitulé de la formule de la promulgation des lois. Ainsi l’on dira : Louis, par la grâce de Dieu & par la loi constitutionnelle de l'état, roi des Français. 



A peine cette formule a-t-elle été prononcée, que des cris de vive le roi des François se sont fait entendre, avec des applaudissements les plus bruyant.



Les commissaires envoyés à Paris pour rechercher le local convenable aux séances de l’assemblée, (MM. d'Aiguillon, Guillotin, Goui d’Arcy, Saint-Fargeau, Lapoule, & l'évêque de Rhodez) ont rendu compte de leurs recherches. M. l’évêque de Rhodez a dit, qu’il avoit reçu au Palais-Royal les plus grandes marques de configuration & de bienveillance publique, & que l’on témoignoit à Paris beaucoup d’impatience d’y voir réunir les représentans de la nation. 



Après que M. Guillotin & le duc d'Aiguillon ont eu désigné un local provisoire, en attendant que le manege des Tuileries soit préparé, M. de Menoud a fait la motion pour rompre la séance samedi, & s’ajourner à Paris pour lundi, dans une des salles de l’archevêché. 



"L’impatience du roi, le bien public, & l'état des choses, réclament votre prompte translation à Paris, a dit M. Lapoule, & je vous le dis en bon citoyen."



On a décidé que la séance à Versailles seroit rompue jeudi prochain, que l’assemblée se tiendra lundi dans les salles de l’archevêché ; jusqu’à ce que le local indiqué soit préparé. M. l’archevêque de Paris s'est félicité de ce que son palais seroit honoré de la présence des représentans de la nation. 



Au moment que la séance alloit être clôturée, M. Destourmel a demandé que les rentiers de l'hôtel-de-ville des sommes au-dessous de 50 livres, fussent payés du produit de la caisse patriotique. M. de Mirabeau & M. de Menoud ont demandé ensuite que la discussion des deux principes sur les biens ecclésiastiques, fût renvoyée à la séance du lendemain, & l'assemblée l'a décidé de même."



(Source : Wikipédia)




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