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jeudi 8 juin 2023

LES ANIMAUX AU PAYS BASQUE EN 1898 (cinquième partie)

LES "HÔTES DE LA MAISON BASQUE" EN 1898.


Au début du 20ème siècle, les animaux domestiques occupent une grande place, dans le monde rural, et en particulier au Pays Basque.



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PAYSAN ET COCHONS
ILLUSTRATEUR LAM
PAYS BASQUE D'ANTAN





Voici ce que rapporta à ce sujet la revue bimensuelle La Femme, le 1er juin 1898, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :


"Les "hôtes de la Maison Basque" (suite).



Chez tous les peuples, à toutes les époques, les récits populaires, les fables, les proverbes, les dictons ont reconnu aux bêtes un don spécial pour instruire et amuser les hommes. Les bêtes, il faut l'avouer, se sont montrées à hauteur de leur mission et ce dont nous leur devons une gratitude infinie, c'est qu'elles ont su éviter le piège de rendre la vertu ennuyeuse.



Les Basques ont des légendes, des proverbes, des dictons, des sortes de jeux de devinettes fort répandus parmi eux : les bêtes n'en sont pas tout à fait exclues, mais elles y jouent un rôle moindre, un rôle effacé, et lorsqu'entre en scène un compère renard, plein d'astuce, une fourmi industrieuse, eh bien ! cela ne sent plus son Basque ; on y devine des réminiscences du roi Salomon, des emprunts que l'auteur a faits au bon La Fontaine.



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LEGENDES BASQUES DE JEAN BARBIER
ILLUSTRATIONS PABLO TILLAC


Dans, le recueil des Proverbes d'Oyhénart, que nous avons eu l'occasion de citer plusieurs fois, nous trouvons une allusion au temps où les oiseaux parlaient : "Le conte de vieille porte. Jadis, au temps où les oiseaux parlaient, un oiseau, en hyver, étant tout gelé de froid, aborda un nid et l'ayant trouvé occupé par un autre oiseau, désirant l'en faire sortir, il voulut lui persuader que le soleil était bien chaud en la montagne de Orhi. Mais l'autre, connaissant la fourbe, lui répartit qu'il ne faisait que d'en venir et qu'il savait quel temps il y faisait. — Le soleil est bien chaud à Orhi ! — "J'y ai esté et ne fais qu'en venir." Orhi est le nom d'une haute montagne dans les Pyrénées, laquelle est presque toujours couverte de neige. Or, le passage que nous avons relevé ci-dessus, est une annotation de l'éditeur qui avoue, avec ingénuité, que c'est "un ajoustement au texte basque, pour plus ample explication d'iceluy !" La note n'est certainement pas marquée au coin de l'imagination basque.




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LE PIC D'ORHY
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cependant nous avons trouvé quelquefois chez d'anciens paysans des réminiscences du temps quand les animaux savaient parler. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point à propos du renard.



Les vieilles chansons nationales empruntent des images, comme l'oiseau en cage, comme la colombe qui gémit. Mais selon l'observation que nous en a faite un Basque, homme de goût et instruit des tournures d'esprit de ses compatriotes, les images qu'emploie le poète, l'oiseau, la colombe, ne mettent pas en action ces bêtes elles-mêmes ; ce sont de gracieux emblèmes dont l'auteur se sert pour dissimuler d'une façon discrète l'amie, la personne dont il veut célébrer les charmes.



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LES POEMES BASQUES 
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les rares fragments de littérature basque que l'on possède, d'une antiquité plus ou moins controversée, sont en général pauvres au point de vue animalesque. Celui qui occupe la scène, c'est l'homme et toujours l'homme. Dans le chant des Cantabres, dans les quelques vers que l'on a conservés du chant intitulé La bataille de Béotibar, il n'est question que de l'homme. Dans le chant d'Altobiscar, nous avons vu apparaître, dans une strophe, le chien aux côtés de son maître. Le reste du morceau est tout consacré à l'homme. Dans les deux chants en l'honneur du vicomte de Belzunce et du comte d'Estain, l'absence complète de la plus lointaine allusion à un animal quelconque frappe extrêmement quand on a fait porter son étude sur ce côté spécial de la littérature.


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ROLAND A RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN

Dans les légendes, la même constatation doit étonner encore davantage, car nous savons la place prépondérante que les bêtes tiennent chez toutes les autres nations lorsqu'il s'agit de traditions populaires et de superstitions. Partout ce ne sont que loups garous, apparitions fantastiques d'hydres, de serpents, de chiens isolés et en meute, de cavaliers qui traversent les nues, et cela à toutes les époques : depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours et sous les cieux les plus divers, depuis les peuplades des zones torrides jusqu'aux nations vouées aux neiges et aux glaces. Il en est de même pour les superstitions, les croyances, les religions "fétiches" généralement répandues à travers le globe, dont on retrouve des traces encore de nos jours chez les Fidgiens, chez les Peaux-Rouges dans l'Inde et chez les Mongols.



Légendes et superstitions chez les Basques sont extrêmement anthropomorphes. Les bergers basques redoutent un être fantastique qui est un homme sauvage, et ils reconnaissent l'existence d'une femme sauvage : Basa-Yauna et Basa-Andéria, qu'ils décrivent sous une forme humaine ; qu'ils redoutent à cause de leur méchanceté et de leur force musculaire.



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BASA JAUN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Il est permis de supposer que cette forme anthropomorphe de la superstition prend son origine dans les antiques souvenirs que la population a conservés des hommes exclus de la société à cause de leur crimes, d'outlaws, de parias, peut-être de troglodytes, habitants sauvages primitifs des Pyrénées, que l'immigration des Basques a dépossédés de leurs repaires et a refoulés plus avant dans les forêts, vers les hautes cimes. Encore aujourd'hui, on croit voir le Basa-Yauna, on l'entend, ou souffre par lui, et l'on tremble à l'idée de sa rencontre.



Une autre forme anthropomorphe de la légende du Basque, c'est le petit peuple de nains, les Laminacs, réminiscence peut être des Génies de Rome, des "Lamiae" ! Ou bien explication enfantine du bruit sourd que le berger entendait dans la montagne pendant qu'il gardait son troupeau. Les mines de cuivre et de fer ont été exploitées vers les temps préhistoriques, à l'époque des Romains et à travers tout le moyen âge dans les Pyrénées. Les mineurs invisibles, cachés au sein de la terre, frappaient dans les entrailles de la roche pour en extraire le minerai. Le berger croyait alors entendre bourdonner le peuple actif des laminacs. Ces génies demeurent sous terre, dans les grottes, dans les galeries des mines : ils sortent le soir pour venir s'ébattre dans les prairies au clair de la lune ; ils entrent en relation avec les laboureurs, avec les ouvriers, avec les ménagères. Ils aident les uns, ils contrarient les autres ; ils ont de capricieuses humeurs, il faut se méfier de leurs tours. Le chant du coq le matin les met en fuite. Tous portent un nom d'homme, toujours le même, un nom de baptême, celui de Guilhem.



Les gens d'Espès disent que les Laminacs ont bâti l'église de leur village en une seule nuit : les Laminacs se passaient les pierres l'un à l'autre et ils disaient : "Tiens, Guilhem ! — Prends, Guilhem ! —Voilà, Guilhem." Ils étaient douze mille, et ils s'appelaient tous Guilhem. Mais pour avoir travaillé précipitamment, ils firent le mur penchant sur la route, comme tout le monde le voit encore aujourd'hui.



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EGLISE D'ESPES-UNDUREIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le Basa-Yauna, lui, dans les légendes, porte le nom d'Ancbo. Autrefois, il y avait à Estérencubi, sur la frontière d'Espagne, quatre vachers desquels était un jeune garçon. Lorsqu'ils étaient endormis dans leur cabane, venait se chauffer Ancho, le Seigneur sauvage (Basa-Yauna). Et quand il s'était chauffé, il mangeait leur nourriture. Les bergers recevaient un pain et d'autres mets et en laissaient tous les soirs la part à Ancho.



"Une nuit, voyant que la part n'avait pas été faite, le petit garçon dit : "Où avez-vous mis la part d'Ancho ? — Donne-lui la tienne, si tu veux", lui répondirent les autres. Le garçon laissa sa part sur la planche habituelle. Le Seigneur sauvage arriva comme à l'ordinaire. Après s'être chauffé, il mangea la part du petit garçon. Bien réchauffé et repu, il partit, emportant les vêlements des vachers, sauf ceux du petit garçon.


Cette nuit-là il neigea très fort. Le lendemain matin, les vachers ne trouvant pas leurs vêtements, dirent au garçon : "Va nous chercher nos vêtements. — Moi ? non. — Va, nous t'en prions. — Quelle récompense me donnerez-vous ?" Ils avaient une mauvaise génisse et la lui promirent.


Le garçon partit, et en arrivant à la citerne où était le Seigneur sauvage, il cria : "Ancho, donnez-moi les vêtements de mes camarades. — Tu ne les auras pas. — Je vous en prie, donnez-les moi ; ils m'ont envoyé les chercher. — Que te donne-t-on pour ta peine ? — Une mauvaise génisse. — Prends-la donc et prends aussi cette baguette de coudrier. Marque ta génisse et donne-lui cent et un coups, le cent et unième plus fort que les autres." Le garçon fit ce qu'Ancho avait dit. Il donna à sa génisse cent et un coups, le cent et unième plus fort que les autres, et après un court espace de temps, la génisse lui produisit un troupeau de cent et une belles têtes.  


A cette époque, les Seigneurs sauvages conversaient avec les chrétiens."



Les autres légendes basques, assez nombreuses où Ancho et les Guilhem sont en scène, ont toutes le même caractère anthropomorphe.



Anthropomorphe aussi le Mamou, cet épouvantail à face humaine dont on terrorise les enfants, réminiscence peut-être de Mahomet, le Dieu des Turcs.



La Famine, la Misère est également personnifiée sous l'allégorie d'un homme. Pétiri Sant est un fanfaron qui cherche à se marier avec une des jeunes filles des nombreux villages par lesquels il passe. Il ne fait que passer, car on le renvoie par ironie d'un village à l'autre. Partout les jeunes filles reconduisent. En dernier lieu, les habitants d'Itxasou lui disent : 

"Pétiri Sant, mon frère, tu n'es autre que la Misère. 

J'ai appris depuis longtemps que St-Pé est ta résidence. 

Oui, et aussi aux habitants, tu imposes maints tourments 

En multipliant leurs jeunes au-delà des jours d'obligation."



Dans une autre satire, la jeunesse, qui aime le travail tout fait, est la compagne de Pétiri Sant. Les paresseux, les amateurs du beau sexe sont les parents de Pétiri Sant.



Une autre particularité anthropomorphe, très frappante chez les Basques, ce sont leurs noms de famille. Cette particularité étonne d'autant plus qu'on sait que chez tous les peuples primitifs, les noms de famille portent la marque d'une origine fétiche, car on peut affirmer que le fétichisme a été d'une manière universelle une des premières manifestations de l'instinct religieux, une phase primitive du développement des peuples à l'époque de leur enfance. On a des preuves multipliées de l'existence du fétichisme dans l'antiquité et d'une manière universelle chez toutes les nations. Le culte des animaux était en, usage chez les Egyptiens, en Afrique, en Asie : c'est un de ces faits que tout le monde admet sans discussion. De nos jours, ce culte bizarre est encore pratiqué par les peuplades aborigènes d'Australie, de Fidji, etc., etc.



Chez ces dernières tribus comme chez les autochtones de l'Hymalaya, aux environs de Cachemyre, chez les Fuégiens, chez les Peaux-Rouges, le fétichisme a marqué de son empreinte les noms des tribus, des familles et des individus. Ces gens-là prenaient et prennent les noms d'animaux communs dans les districts qu'ils habitent. L'animal qui leur donne son nom a été, à l'origine, le dieu lui-même, puis il est devenu un ami, un protecteur, une incarnation de la divinité, un grand ancêtre : toute la faune y a passé : le loup, l'ours, le renard, le requin, le crabe, la tortue, le serpent, le lion, le chien. La légende fait naître les Kirghis d'un lévrier roux."



A suivre...



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