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vendredi 10 juin 2022

LE PAYS BASQUE ET LA RÉVOLUTION FRANÇAISE (première partie)


LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET LE PAYS BASQUE.


La Révolution française a fait disparaître les institutions particulières du Pays Basque Nord.


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8 FEVRIER 1790 CREATION DES BASSES-PYRENEES



Le Pays basque Nord, formé du Labourd, de la Soule ainsi que de la Basse-Navarre a été englobé avec le Béarn dans le département des Basses-Pyrénées en février 1790 et c'est une province que la Révolution a déjà ruinée dans ses espoirs d'autonomie. 



Un an auparavant, leurs députés aux États généraux, dont les frères Dominique et Dominique Joseph Garat, munis de mandats impératifs pour défendre leurs privilèges ancestraux, se sont retrouvés à contre-courant des idées libérales et égalitaires. 



Les trois petites provinces, et surtout la Basse-Navarre, ont, tout d'abord, réagi violemment. Puis, la tendance à l'uniformisation a fini par s'imposer et les institutions particulières ont disparu. 



Aussi, le Pays basque affiche à l'égard de la Révolution une attitude plus que réservée. Dans ces conditions, sa froideur persistante va finir par attirer sur lui des soupçons de Contre-révolution et provoquer le début de l'émigration basque.






Le Pays basque, qui voit son autonomie s'amoindrir depuis le début de la révolution, va trouver dans son clergé un élément de résistance où une réaction identitaire va se mêler à la défense du dogme catholique.




Quant à la population, déçue dans ses espérances, elle oppose une force d'inertie à chaque nouvelle directive gouvernementale.



Mais les événements révolutionnaires s'enchaînant rapidement, le contexte de guerre généralisée va entraîner la dictature de guerre et la Terreur et transformer toutes les frontières françaises en régions sensibles. Devenu zone stratégique en raison du conflit armé avec l'Espagne, le Pays basque est pris dans la tourmente et inscrit alors les plus forts de ses mouvements d'émigration dans la deuxième grande vague de départs. Ils vont concerner, en premier lieu et comme il le laissait prévoir, son clergé puis sa frange populaire.



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LA REVOLUTION FRANCAISE


Cette résistance trouve son origine dans les attaques que l'Église de France va progressivement subir à partir de la fin de l'Ancien régime.



Au début de la Révolution, l'Église va devoir supporter de grands changements. D'abord atteinte en tant que propriétaire, elle va subir ses premières attaques proprement religieuses dés le début de l'année suivante. Le Pape, déjà opposé à la Déclaration des droits de l'Homme, fait alors connaître son hostilité. Mais le véritable conflit éclate avec la Constitution civile du clergé du 12 juillet 1790 qui provoque une grande confusion au sein de l'Église. Puis le décret du 27 novembre 1790 vient obliger tous les membres du clergé à prêter un serment civique, dans un délai de deux mois sous peine de déposition. Un refus entraîne un soupçon d'incivisme et ne fait qu'accentuer le trouble au sein du clergé. Le haut-clergé réagit dans sa grande majorité en quittant la France. Le bas-clergé s'inquiète et la condamnation tardive de la Constitution civile par le Pape ne fera qu'augmenter son désarroi.



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VOTE CONSTITUTION CIVILE DU CLERGE
12 JUILLET 1790



L'attitude des ecclésiastiques face à l'obligation du serment s'avère très inégale suivant les régions. Avant la condamnation du Pape, le haut-clergé du Pays basque, représenté par de Faye, évêque d'Oloron et député du clergé de Soule ainsi que de Villevielle, évêque de Bayonne et député du clergé de la Basse-Navarre, refusent de prêter serment et quittent l'Assemblée. En ce qui concerne le bas-clergé, les conflits de conscience sont nombreux. Le curé de Saint- Jean-de-Luz, Harismendy, traduit son trouble en ces termes: "Il a été décrété que je suis libre de mes opinions mêmes religieuses... comment pourrait-on me condamner pour mon refus...". À l'instar de ce curé, la quasi-totalité du personnel clérical de la région prêtera le serment restrictif des droits de l'Église, appelé le serment blanc, "zin churria" en basque. Ainsi, la position du clergé basque s'inscrit majoritairement dans le courant réfractaire au serment. Les ecclésiastiques qui opteront pour le serment s'exposeront à de véhémentes critiques de la part des membres réfractaires et aux insultes et expositions vexatoires de la part d'une population basque qui soutient inconditionnellement son clergé. Pour souligner l'importance du courant réfractaire, le directoire de district d'Ustaritz déclare, le 14 octobre 1791, que sur 180 ecclésiastiques, seulement 26 ont prêté le serment. L'évêque de Bayonne, qui, entre temps, a émigré en Espagne, publie une ordonnance dans laquelle il renouvelle sa condamnation du serment et prononce la nullité des nouvelles élections, nominations et confirmations. Il en résulte une plus grande division des esprits et l'aggravation de la situation. Les troubles occasionnés par l'attitude du clergé basque se multiplient, les passions religieuses s'exacerbent et laissent augurer une émigration religieuse massive.



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MGR ETIENNE-JOSEPH DE PAVEE DE VILLEVIEILLE
EVEQUE DE BAYONNE 1783-1793
Par Auteur inconnu — Recherches sur la ville et sur l'église de Bayonne, tome 1 (Bayonne, 1910), Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=62199484



Cette tendance va effectivement se concrétiser rapidement dans les faits. L'Assemblée législative, nouvellement élue, à majorité girondine et athée, s'oriente vers un durcissement à l'égard du clergé réfractaire. Elle le perçoit comme un agent intérieur de la Contre-révolution devant semer le trouble au sein des citoyens et elle prend un nouveau décret à son encontre le 29 novembre 1791, mais qui ne sera pas appliqué en raison du veto du roi. Or, les menaces de guerre se précisent au début de l'année 1792 pour aboutir à la déclaration de guerre le 20 avril 1792. Aussi, l'Assemblée décide-t-elle de franchir un nouveau pas vers la répression religieuse en se décidant pour des mesures de déportation afin d'assurer la paix sociale. Le décret du 27 mai 1792 va donc ordonner la déportation de tous les prêtres non assermentés sur dénonciation de vingt citoyens actifs. Le veto du roi ne pourra qu'y surseoir puisqu'il deviendra exécutoire le 26 août 1792, après la chute de la monarchie le 10 août. Un nouveau serment, dit serment Liberté-Egalité, est exigé et ceux qui refuseront auront quinze jours pour quitter le sol français. Au-delà de ce délai, c'est la déportation.



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SERMENT REPUBLICAIN 1792



Comme pour la majeure partie du clergé français, le clergé basque est alors confronté à cette alternative : émigrer ou être déporté. Les nouvelles des massacres du mois de septembre 1792 font pressentir une terreur religieuse. Elles accélèrent son choix et il opte radicalement pour l'émigration. Un pourcentage de 30,5 % concernant l'émigration religieuse peut être ainsi dégagé de la liste des émigrés intéressant le département des Basses-Pyrénées. Ce chiffre est, d'une part, déjà en soi supérieur à la moyenne nationale qui est de 25,25 % mais, d'autre part, l'émigration du clergé basque en compose à elle seule 80 %. On remarque également que cette émigration est principalement constituée par le clergé séculier. Pour en donner quelques détails, 54 prêtres et 38 vicaires et curés, originaires le plus souvent de la province du Labourd, en dehors du curé de Mauléon, vont quitter la France. On peut également souligner l'émigration de six chanoines, dont Pierre et Joachim de Haraneder, frères du vicomte de Macaye ; de Bonnefemme, doyen du chapitre de Bidache et de l'abbé Charitte, frère du président du parlement de Pau. Aussi, bon nombre de villes et villages se videront-ils entièrement de leur personnel clérical, comme Saint- Jean-de-Luz qui voit 22 membres de son clergé passer en Espagne dans la seule année 1792. Le clergé régulier est plus faiblement représenté sur les listes. De nombreux moines auront préféré prêter le serment civique et se retirer dans leur famille. Parmi ceux qui ont émigré, on retrouve notamment des jacobins, cordeliers, capucins et augustins de Bayonne, tous les moines des récollets de Ciboure ainsi que sept religieuses.



Quelques individualités vont choisir l'Angleterre pour leur exil comme Jean Romatel mais l'immense majorité passera en Espagne. Elle devra accueillir tous ces émigrés, ce qu'elle fera sans plaisir, et les conditions de vie du clergé français y seront très difficiles. Certains prêtres basques restent néanmoins près des frontières et, par des incursions fréquentes en territoire français, gardent toute leur influence sur leurs fidèles. Ils viennent, au travers des chemins de contrebande et déguisés en charretier ou muletier, administrer les sacrements et encourager la population à résister. Cette dernière, dont la complicité ne fait aucun doute, n'hésite pas non plus à les suivre en Espagne pour entendre leurs offices. Ces incursions et agissements ne sont pas méconnus des autorités locales qui se font rappeler à l'ordre par les représentants du peuple. Mais le problème se pose plus intensément encore lorsque la France entre en guerre contre l'Espagne. L'élimination de l'opposition du clergé basque devient une question prioritaire. Menée de front avec la déchristianisation, la haine des prêtres, ces "comédiens ridicules", est savamment orchestrée par les représentants du peuple et la terreur religieuse va franchir un nouveau pas en s'appuyant sur de nouveaux supports juridiques tels que la loi des suspects du 17 septembre 1793 et le décret du 29 vendémiaire an II (20 octobre 1793). L'an II ne s'attaque plus d'ailleurs aux seuls réfractaires mais également aux assermentés et la moindre résistance pourra les conduire à l'échafaud. Charles Helbron, curé assermenté d'Anglet, sera ainsi condamné à mort pour avoir prononcé ces mots à la fermeture de son église : "Aujourd'hui, c'est le premier jour de la République et le dernier de l'Évangile".



L'émigration massive du clergé basque apparaît donc comme une manifestation supplémentaire de son opposition. De là faut-il y voir une spécificité ? Majoritairement réfractaire sans doute, mais il ne sera pas le seul. Le mouvement réfractaire sera général mais variable en intensité suivant les sensibilités des différentes régions. De plus, même si le pourcentage de l'émigration religieuse en Pays basque est élevé, d'autres départements le dépasseront nettement. Ainsi, il n'y a pas de spécificité réelle mais l'attitude qu'affiche le clergé basque face à la lutte de la population devant la francisation donne à son émigration un motif plus original. Plus original mais pas exclusif car ce serait ignorer la position du clergé catalan à l'autre extrémité de la chaîne pyrénéenne. Il n'en demeure pas moins que ses agissements vont finir par provoquer une terreur locale."



A suivre...



(Source : https://www.persee.fr/docAsPDF/hes_0752-5702_2001_num_20_2_2224.pdf)





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