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samedi 31 décembre 2022

L'ENFANT AU PAYS BASQUE EN 1897 (première partie)

L'ENFANT AU PAYS BASQUE EN 1897.


A partir de 1895, Mme Virginie d'Abbadie d'Arrast (femme d'Antoine) écrit plusieurs articles sur le Pays Basque dans le journal bimensuel La Femme.




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QUARTIER DES ECOLES BARCUS
PAYS BASQUE D'ANTAN






Voici ce que rapporta à ce sujet le journal bimensuel La Femme, le 15 mars 1897, sous la plume 

de Mme d'Abbadie d'Arrast :



"L'enfant dans le Pays Basque.



Nos modestes études sur la Basquaise nous amènent, par une transition naturelle, à dire quelques mots des enfants du pays basque. En réalité, nous ne changerons pas de sujet, car parler des enfants, c'est encore s'occuper de la femme.



Nous comparions, dans un précédent article, le sort de l'habitante des libres vallées pyrénéennes à celui des ouvrières de nos villes : la comparaison était tout à l'avantage de la femme de la campagne. Lorsque c'est de l'enfant qu'il s'agit, les bienfaits apparaissent encore plus évidents. Les grandes agglomérations urbaines, les centres ouvriers sont devenus les enfers de l'enfance : corruption et criminalité infantiles ; martyres d'enfants, abandons, exploitation, rachitisme, tuberculose, alcoolisme, hôpitaux et prisons forment autour de l'enfant, dans les cités populeuses, un sinistre cortège.



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PETITS PAYSANS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Rien de ces fléaux à la campagne, à moins que l'usage de l'alcool, en y pénétrant, n'ait préparé la voie aux crimes contre l'enfance. Chez les cultivateurs, on aime l'enfant : les petits sont heureux; c'est là qu'il faut les faire émigrer et les installer. C'était la pensée dont s'inspirait Madame de Barrau lorsqu'elle fondait le Sauvetage de l'Enfance. Elle cherchait à placer à la campagne les enfants qu'elle recueillait. Son projet était de choisir dans ce but les villages où la simplicité des moeurs offre les garanties d'une éducation saine et morale.



Le frêle organisme de l'enfant, comme celui de la plante, puise sa vigueur dans l'air et dans la lumière ; pour son développement normal comme pour celui du jeune animal, il faut l'espace et la liberté. Et le corps n'est pas, dans l'ensemble de l'être humain, ce qui bénéficie le plus d'un contact immédiat avec la nature ; les âmes qui croissent y puisent également la matière première de la vie. A ces esprits qui se forment, la campagne donne ce que la ville refuse : des images saines pour peupler l'imagination naissante ; des choses vraies et fortes pour façonner l'intelligence à ses débuts.



La curiosité de rechercher, à propos de l'enfant basque, jusqu'aux moindres vestiges d'une civilisation antique qui agonise, n'est pas l'unique motif qui nous encourage à continuer notre étude. Nous savons que parmi nos lectrices, on compte de vrais apôtres des champs; nous voudrions apporter à ces amies, selon notre pouvoir, quelques arguments agrestes et de franc parfum. Nous serions enchantée de fortifier leur apostolat dont sont nées, à Paris et en province, des oeuvres bienfaisantes que nous appelons : le Nid, la Brise-de-Mer, les Colonies de vacances, l'Oeuvre des trois semaines, oeuvres qui ne sont ni assez connues, ni assez populaires et qu'il faudrait étendre, et généraliser d'autant qu'elles viennent répondre à une des préoccupations à l'ordre du jour, préoccupation de décentraliser, qui n'est pas une des moindres par son importance.




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GYMNASE OEUVRE DE SAINT-PIERRE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



M. Nogaret, le saint pasteur de l'Eglise de Bayonne, avait beaucoup vécu dans le commerce immédiat de la nature ; il l'aimait avec passion; il se plaisait à rappeler son premier ministère en Béarn, lorsque tout jeune homme, forcé de renoncer à l'étude par le mauvais état de sa vue, il avait, disait-il, fait à pied et à cheval une année de Faculté, et suivi les cours de son Ecole de théologie en évangélisant de ferme en ferme parmi les paysans. Il avait la vocation d'un véritable apôtre des champs. Dans une de ses lettres, si précieuses à conserver, si belles à relire, en 1888, il écrivait avec la grande simplicité qui était le trait dominant de son caractère : "La bonne Providence de Dieu a, je crois, attaché au séjour de la campagne une bénédiction particulière. La vie des grandes cités n'est pas naturelle ; et il me semble que l'intention de Dieu, en recommandant à l'homme de peupler la terre, était qu'elle fût toute habitée et cultivée; ce qui n'a pas encore eu lieu. L'avenir de l'humanité, même à ce point de vue restreint, serait bien triste, si nous n'avions pas, par la Parole, l'assurance de temps meilleurs."



On peut dire que, dans une certaine mesure, le pays basque réalise le voeu de M. Nogaret. Partout où l'on peut habiter et cultiver, on habite et on cultive ; les maisons clairsemées un peu partout dans les vallées, le long des cours d'eau, sur les pentes des montagnes, sont rares, très espacées les unes des autres ; on ne voit nulle part de grosses agglomérations ; plusieurs petits quartiers de 15, de 20 feux au plus, qui sont éloignés les uns des autres de 10 et 12 kilomètres, composent une même commune dont l'église, l'école et la mairie constituent le centre ; sur cette étendue relativement considérable, on ne compte que quinze cents à deux mille habitants. Grâce à ces dispositions particulières du pays, chaque maison, même la plus pauvre, peut posséder un jardin, et il n'y a pas de famille si misérable qui n'habite sa maison ou sa chétive masure, soit comme propriétaire, soit comme locataire. Un chez-soi pour chacun et chacun maître chez soi, le chez-soi fût-il dénué au dernier point de tout confort, est un élément de bonheur et de moralité, un luxe en comparaison de la promiscuité des logements en ville, caravansérails dans lesquels fourmillent les locataires, où les ménages sont imparfaitement séparés des ménages voisins par la mince cloison mitoyenne des chambres, où jour et nuit l'on se coudoie, où l'idéal de l'architecte est devenu la maison à huit étages.



Eparpiller autour des villes, dans des banlieues aérées, les familles des ouvriers et des employés, à présent que les facilités de la locomotion l'ont rendu possible, est le résultat que doit travailler à atteindre une des branches de l'apostolat des champs ; car il ne suffit pas que les enfants sortent des villes ; les parents ont autant besoin d'air respirable que leurs enfants. L'Oeuvre des trois semaines, dans sa généreuse charité, emmène quelquefois à la campagne la mère avec les enfants. Quel bonheur pour toute la couvée ! Il paraît que, de tous ces émigrés, la mère est celle qui profite le plus et le plus vite, qui engraisse à vue d'oeil, et qui, en même temps qu'elle revient à la santé, se sent renaître au courage de vivre et de travailler.



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JEUNES ENFANTS PORT ST-JEAN-DE-LUZ
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pour le premier développement psychique de l'enfant, quelle école primaire prétendrait pouvoir rivaliser avec les leçons du plein air et de la libre campagne ? L'adaptation de l'enfant au monde dans lequel il vit est merveilleuse : au sortir du berceau, le petit paysan damerait le pion au petit bourgeois. A cinq ou six ans, la fillette de la ferme pourrait se placer comme nursery governess chez la petite demoiselle des gens riches : l'une a déjà appris à vivre, à travailler, à se débrouiller ; l'autre grandit comme une plante de serre chaude, dans une chambre dont volontiers on capitonnerait les murailles pour éviter les moindres heurts.



Pas de capitonnage, ni de bourrelets pour notre petit Basque ; on l'a laissé dans l'obscurité pendant les premières semaines, afin d'être sûr de le préserver des mystérieuses malchances ; maintenant qu'il offre de la résistance, qu'il paraît mieux affermi, on le retire de sa cachette, on l'enlève de son maillot. Il est admis dans le cercle de la famille, auprès du feu, dans la cuisine. On y place son berceau ; on ne suspend pas le nourrisson comme une petite momie, par un clou, à la muraille, à la mode de certains de nos paysans. Quand on estime qu'il est devenu assez fort pour supporter une aussi périlleuse opération, à un an et un jour, on lui coupe les ongles qu'on n'a pas encore osé toucher ; on se garde de lui laver la tète : on est convaincu que la calotte épaisse et malpropre qui recouvre les cheveux est la trace laissée par le baptême et que l'enlever serait s'exposer au mauvais sort.



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JEUNE FEMME SE RENDANT AU MARCHE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ce n'est pas la seule superstition dont les enfants aient à pâtir. Tombent-ils malades, on n'appelle pas le médecin. A quoi bon, puisqu'il y a des gens qui ont des pouvoirs inexpliqués et inexplicables pour guérir tous les maux ? C'est à eux qu'on a recours. Ce sont souvent des rebouteurs ; on vient de loin les consulter. Leurs conseils sont suivis avec une exactitude scrupuleuse ; quelqu'absurde que soit le remède qu'ils prescrivent, on l'applique. L'enfant a-t-il un mal de gorge, une esquinancie ? On appelle une vieille femme, dont ces sortes de soins sont les fonctions spéciales, quasiment le sacerdoce ; elle apporte une amulette dont elle se sert pour faire le tour de la tête du petit malade. Elle fait compter par la mère plusieurs fois neuf grains de sel, frotte les extrémités des bras, frictionne les poignets. Heureux l'enfant à qui elle n'introduit pas dans la gorge un poireau par la racine, au risque de l'étouffer."



A suivre...



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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