LES FÊTES EUSKARIENNES EN 1893.
A partir de 1851, Antoine d'Abbadie organise, chaque année, dans les 7 provinces, des concours annuels de pelote et de bertsu (versification en Basque).
Voici ce que rapporta à ce sujet Charles Bernadou, dans le livre Azpeitia, les fêtes Euskariennes
de septembre 1893 :
"Azpeitia et la vallée d'Yraurgui. Les jeux.
... D'Azpeitia à Hendaye.
Le lendemain matin, Monsieur le Maire et Messieurs les Membres de la Commission des fêtes accompagnaient jusqu’à la sortie d’Azpeitia M. et Mme d’Abbadie, escortés de la fanfare jouant un brillant zortzico et d’une foule d’aimables gamins jetant en l’air leurs bérets aux cris mille fois répétés de : Viva, viva Don Antonio Abbadia !
Nous quittions, de notre côté, non sans regret, nos amis et cette charmante vallée, et ce retour nous réservait encore d’aimables surprises.
Ces Messieurs nous avaient tant vanté les beautés de la route par Zumaya et la côte jusqu’à Saint-Sébastien, que nous étions tout d’abord tentés de prendre place sur la Vascongada, diligence élégante qui se prélassait devant la fonda, prête à reprendre son service quotidien sur cette route ; mais en diligence, même du haut d’une banquette, on ne peut tout voir à loisir, on ne peut surtout s’arrêter quand il en prend fantaisie.
Nous disons donc un dernier adieu à l’excellente Fonda de Arteche, dont nous recommandons à nos amis de France le bon accueil, le chocolat parfumé, le solide puchero, le cidre mousseux et le généreux vin de Navarre ; et au lieu d’aller remonter prosaïquement dans le train à Zumarraga, nous prenons avec M. le chanoine Adéma une cesta légère, admirablement enlevée par deux fringants petits chevaux, pour descendre la vallée de l’Urola.
Au sortir d’Azpeitia la vallée se resserre brusquement et offre tout d’abord le même aspect que la gorge de Zumarraga à Azcoitia. A droite et à gauche de hautes montagnes, de loin en loin de grandes et belles maisons au toit à deux eaux, toutes ouvertes dans le haut, de nombreux enfants pieds nus, aux grands yeux effarés, sur le pas des portes ; partout de vastes champs de maïs, de nombreux vergers surchargés de fruits, de pommes surtout, des bois de chênes et de châtaigniers escaladant les cimes. La pluie tombe encore et quelques nuages gris s’accrochent aux flancs des montagnes. Mais bientôt le ciel se découvre, le soleil luit, les bains de Cestona (le Balaruc de la Province) nous apparaissent sur la rive gauche de l’Urola, et quelques cent mètres plus loin le gros bourg avec sa belle église renaissance. Le retable du grand autel de Cestona est surtout remarquable.
ENTREE DES THERMES DE CESTONA-ZESTAO GUIPUSCOA D'ANTAN |
Au delà, et après quelques gracieux méandres de l’Urola, dont le cours devient de plus en plus large et paisible, la vallée s’élargit, la mer apparaît dans le lointain et, au bout d’une large chaussée, la petite baie de Zumaya où sont ancrés quelques goélettes, chasse-marée et lanchas ; à gauche, et dominant la baie, est l’église posée sur une petite hauteur et entourée de vieilles et curieuses maisons.
EGLISE ZUMAYA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cette église se compose d’une seule voûte à nervures élégantes, du XVIe siècle : le retable du maître-autel a de curieuses sculptures retraçant la vie de saint Pierre, le patron du lieu ; dans la sacristie, un intéressant tableau sur bois représente des caravelles avec des croix sur le plat-bord. Serait-ce un souvenir de Lépante ou tout au moins des courses d'outre-mer ? En tout cas l'église de Zumaya a longtemps appartenu à l'abbaye de Roncevaux, et ce n'est qu'au XVIIe siècle que le Pape Innocent X l'autorisa à se racheter de cette obédience moyennant une remise de 900 ducats d'or à l'abbé et aux chanoines.
La route traverse l'Urola, presque à son embouchure, sur un long et beau pont de fer et, contournant la baie, court le long de la côte au pied des falaises, à cinq ou six mètres au-dessus de la mer. La vue ici, ou plutôt le panorama, est splendide : derrière nous les montagnes de Biscaye, dont les gracieuses silhouettes se détachent en bleu vif sur un ciel pâle ; à notre gauche, les flots bleus à peine agités par une douce brise ; à droite les falaises tantôt verdoyantes, tantôt formées de roches menaçantes ou plissées comme les feuilles de gigantesques in-folios. Deux traînières, toutes voiles au vent, ont le cap sur la baie de Zumaya.
VUE PANORAMIQUE DE ZUMAYA GUIPUSCOA D'ANTAN |
A l'un des mille détours de cette route aussi pittoresque, mais beaucoup plus étendue que la côte des Basques à Biarritz, Guetaria nous apparaît avec sa sombre église, ses vieux remparts à demi écroulés, son île de San Anton, vrai nid d'aigle, ou plutôt atalaya célèbre dans les fastes maritimes du golfe cantabrique : comme Fuenterrabia et Biarritz, Guetaria porte une baleine en ses armes, et les érudits de la province soutiennent que son nom vient du basque quea-erriyà, fumée épaisse allumée sur cette hauteur pour le guet des baleines. Les pêcheurs ne vont plus depuis longtemps à la poursuite du terrible cétacé ; mais nombreuses sont les barques qui en face du port tachent la mer bleue de petits points noirs.
ARMOIRIE DE GUETARIA GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Malheureusement le temps nous presse, et nous ne pouvons aller saluer la tombe d'un des plus héroïques enfants de Guetaria, Elcano, le grand navigateur qui accompagna Magellan aux Philippines, et plus heureux que son amiral put ramener en Europe la dernière des cinq caravelles, la Vitoria. Sur la tombe se lit la fameuse inscription : Primus circumdedisti me, et sur la jetée se dresse la fière statue du navigateur indiquant de son bras droit la route des Indes.
ENTREE DU PORT ET STATUE D'EL CANO GUETARIA GUIPUSCOA |
Au delà de Guetaria la route se détourne des bords de la mer et nous atteignons Zarauz, ville fort ancienne, dont l'église a des autels curieux avec triptyques couverts de vieilles peintures du XIVe siècle : il y a aussi quelques casas torres du plus haut intérêt, et entr'autres la magnifique Torre lucea (torre larga) du plus pur style hispano-mauresque. De l'ancien port de mer qui vit sortir tant de puissantes caravelles, et entr'autres la Vitoria d'Elcano, rien plus n'est resté qu'une très belle plage de bains de mer.
ROUTE DE ZARAUTZ A GETARIA GUIPUSCOA D'ANTAN |
Mais les villas modernes abondent, car, avant Saint-Sébastien, Zarauz fut, il y a quelque trente ans, la résidence balnéaire à la mode : on sait que la reine Isabelle y était en villégiature quand éclata la gloriosa de setiembre de 1868.
La route s'éloigne de plus en plus de la mer et gravit une gorge pittoresque où les pommiers et les châtaigniers plient littéralement sous le poids des fruits. Tout au haut nous tournons brusquement à gauche, et par des lacets fort bien tracés nous descendons à Orio, petit port de mer aux barques nombreuses. Ici encore un beau pont battant neuf unit les deux rives de l'Oria, et tout à côté se dressent les remblais du chemin de fer à voie étroite qui doit relier Saint-Sébastien à tous les petits ports de la côte cantabrique.
L'église d'Orio se dresse brusquement devant nous, vraie forteresse au bout d'un long escalier. Huit ou dix gamins aux yeux pétillants de malice y font une acharnée partie de blaid contre le mur du porche, et criblent de coups de pelote l'inscription si fréquente en Guipuzcoa : Se prohibe jugar a la pelota bajo la multa de dos pesetas. Mais les alguazils ont été promener dans la huerta !
PLACE DU MARCHE ORIO 1934 GUIPUSCOA D'ANTAN |
La route remonte le cours de l'Oria et gravit des pentes très pittoresques, mais très raides, séparée désormais de la mer par de hautes collines. A nos pieds, de riants vallons couverts de bois touffus, de vergers surchargés de fruits, de pommes surtout. Le cidre se vendra bon marché cette année ! Le carro de pommes vaut 8 à 10 pesetas, et certains manzanalcs en ont 600. Les cuvas vont faire défaut, et, en attendant, des fillettes, pieds nus, les cheveux embroussaillés, les yeux rieurs, courent après la voiture, offrant fleurs sauvages et pommes rouges.
Les champs de maïs sont aussi fort beaux ; de loin en loin, des caserios gracieusement perchés au flanc des collines. Tout ce pays nous rappelle, à s'y méprendre, certains coins de nos campagnes du Labourd. Au delà se dressent les montagnes de Tolosa, doucement empourprées des feux du soleil couchant.
CASERIO PAYS BASQUE D'ANTAN |
Car la nuit approche à grands pas, et c'est à peine si nous pouvons jeter un coup-d'œil sur la belle église d'Usurbil, de style gothique, dont le clocher renaissance est un bijou. Près de l'église est un très beau palacio, la Casa solar de Saroe.
Au delà d'Usurbil, les caserios et grandes maisons de maître se font plus nombreuses. A droite nous apercevons Zubieta. C'est là qu'au lendemain du 31 août 1813, et pendant que Saint-Sébastien s'abîmait dans les flammes, les courageux membres de l'Ayuntamicnto et quelques habitants de la malheureuse capitale du Guipuzcoa se réunissaient dans la Casa solar de Aizpurua qui porte l'éloquente inscription suivante :
La guerra asolo à San-Sebastian
El patriotismo de sus ediles
Aqui congregados
La levanto de sus ruinas.
Benditos los hijos que salavan a su madre !
Enfin, après une dernière montée, nous apparaissent le quartier de Antiguo, sa nouvelle église, le palais de Miramar, la baie et la ville de Saint-Sébastien : dans la rade se balance le croiseur de guerre El Conde de Venadito.
PALAIS DE MIRAMAR ET QUARTIER ANTIGUO SAINT-SEBASTIEN GUIPUSCOA |
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