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jeudi 9 avril 2020

LE CIDRE EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN 1913


LE CIDRE EN GUIPUSCOA EN 1913.


Dès l'Antiquité, la culture des pommiers à cidre existe au Pays Basque, et en particulier en Biscaye.


pays basque autrefois agriculture cidre
CIDRE DE CONTREBANDE ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Ouest-Eclair, dans son édition du 5 juin 1913 :



"Fabriquons du cidre champagnisé.




M. Warcollier, le distingué directeur de la station pomologique de Caen, chargé de mission par le ministère de l'agriculture, est allé récemment en Allemagne et en Espagne, afin d'y étudier sur place la fabrication des cidres mousseux ou champagnisés. Et, l'autre jour, il exposait au Syndicat général des cidres, réuni à Paris, les renseignements qu'il avait recueillis au cours de cette enquête. L'éminent professeur a bien voulu nous confier les notes qui lui ont servi pour sa conférence. Nous en détachons les pages suivantes, persuadés qu'on les lira avec fruit :



"La fabrication des cidres mousseux et gazeux a été, naturellement, copiée sur celle des vins mousseux. Mais la technique a dû se modifier ensuite avec la caractéristique des cidres à traiter, avec leur composition chimique, la facilité qu'ils ont de se clarifier, etc., si bien qu'il est impossible aujourd'hui d'indiquer une méthode pouvant s'appliquer à tous les cidres.



Les cidres mousseux allemands sont vendus sous le nom de vins de fruits mousseux. La production de ces vins suit depuis dix ans une progression croissante. De 300 000 bouteilles en 1908 elle est montée rapidement a 470 000 en 1900, 900 000 en 1910 et 1 300 000 en 1911. Les neuf dixièmes de ces cidres sont gazéifiés, c'est-à-dire fabriqués par imprégnation artificielle d'acide carbonique - c'est la méthode employée pour fabriquer l'eau de seltz. Quant à l'autre dixième, l'effervescence en est exclusivement obtenue par la fermentation alcoolique, c'est-à-dire par la fermentation en bouteilles (procédé champenois). Notez que la presque totalité est consommée en Allemagne. Sur un million de bouteilles, 15 000 seulement seraient exportées.


cidre normandie autrefois
PRESSOIR CIDRE BERNAY EURE

Les Allemands fabriquent donc leurs cidres mousseux à peu près uniquement par gazéification. Pourquoi ? Ce procédé est plus facile que la méthode par champagnisation. Il est moins coûteux, exigeant moins de main-d'oeuvre et de bouteilles, engageant moins de capitaux. Il est bon. M. Boller, en effet, dit que si la gazéification est bien faite, l'acide carbonique tient aussi bien que par la fermentation en bouteilles. 



Les cidres doivent varier suivant que l'on emploie l'un ou l'autre système. Pour la fermentation en bouteilles, il faut des cidres jeunes, capables de refermer au moment du tirage et contenant de la nourriture pour les levures. 



Pour être gazéifiés, au contraire, les cidres doivent être mûrs, c'est-à-dire avoir laissé déposer complètement les précipités normaux qu'ils renferment. En d'autres termes, il est nécessaire qu'ils soient "fixés", pour que, soumis à diverses influences, ils ne se troublent plus et restant indéfiniment limpides. Ils ne contiendront plus de matières nutritives pour la levure, notamment de matières azotées, afin d'éviter toute reprise de fermentation. Ils pourront donc être aussi vieux que possible, les plus vieux étant naturellement ceux qui auront le moins de tendance a se troubler par la suite. Les Allemands ont réussi à satisfaire à ces trois conditions essentielles. La gazéification doit toujours se faire à une température basse, de façon que l'acide carbonique se dissolve en plus grande quantité. On gazéifie à la pression de 5 à 6 atmosphères.


cidre normandie autrefois
PILAISON DU CIDRE GOUVILLE MANCHE


Depuis 1910 seulement, les Allemands font, par le procédé de champagnisation, de vrais cidres mousseux. Ils en fabriquent environ 100 000 bouteilles. Ce qui les arrêtait, c'était la difficulté d'obtenir le cidre limpide, sans qu'il se troublât et sans qu'il fermentât de nouveau en bouteille. Ils y sont arrivés en traitant des cidres secs - conditions essentielle - qu'ils clarifient par tannisage et collage (tannin, colle de poisson et de préférence gélatine) et par filtration. Ils ne travaillent ainsi que des cidres de 2 ans de fût, jamais des cidres d'un an. Ce sont des cidres ainsi préparés qui subissent la prise de mousse (addition de sirop de sucre, acide tartrique ou citrique, phosphate et levure de vin de champagne qui a la propriété de se reposer facilement et de ne pas former de masques sur les parois). 



Les cidres mousseux allemands n'ont parfois que 7,5 g à 8 degrés d'alcool. De l'autre côté du Rhin, les fabricants se sont rapprochés des conditions de travail en usage en champagne. C'est ainsi que leurs caves ont environ la température de 10 à 12 degrés. En France, je ne sais si beaucoup de cidriers disposent de caves semblables. Je fais cette observation en passant pour vous rappeler que la fabrication des mousseux ne s'improvise pas. C'est une fabrication spéciale, qui doit être entreprise, dans des conditions déterminées et sur de grosses quantités, pour être rémunératrice.



Passons maintenant à l'Espagne. Dans ce pays, l'aire de la culture du pommier s'étend sur les provinces basques (Guipuzcoa, Alava, Biscaye), la Navarre et les Asturies. Mais, en réalité, la presque totalité des fruits est fournie par les Asturies et le Guipuzcoa. Les pommes du Guipuzcoa se rapprochent de nos pommes normandes. Ce qui les caractérise surtout, c'est leur faible acidité, leur grand parfum et la finesse de la pulpe. Elles sont pauvres en tannin. Dans les Asturies, au contraire, pas de fruits doux. Les pommes y sont riches en acidité demi-aigres, demi-douces, aigres. Elles possèdent moins de tannin encore que celles du Guipuzcoa. Elles donnent un cidre agréable, pâle, mais très parfumé. Vous voyez immédiatement l'analogie avec les pommes allemandes et cela nous permet de nous expliquer comment les Espagnols arrivent à faire des cidres limpides.



cidre normandie autrefois
BRASSAGE POMMES BRIX MANCHE


Les cidreries du Guipuscoa, ayant à travailler des fruits à chair douce, se rapprochant des nôtres, n'emploient pas la même technique que celles des Asturies. Mais les unes et les autres rendent le cidre mousseux par gazéification, non par champagnisation. Les caves ne sont pas installées dans les sous-sols. Ce sont des hangars à moitié sous terre. Les produits d'exportation ne sont pas très alcooliques, comme on pourrait le croire ils contiennent 5 degrés ou 5,5 d'alcool et de 3 grammes à 7 gr. 8 de sucre. 



Parmi ces cidres, il y en a d'excellents, limpides, très fruités, bien présentés. Ils plaisaient même mieux en France que les cidres allemands. Mais il faut faire des réserves. Certains sont piqués, ce qui indique que la fabrication n'est pas homogène. Des envois entiers ont été refusés à Buenos-Ayres, comme non "marchands". Quoi qu'il en soit, les cidreries des Asturies - en Guipuzcoa, elles sont très peu nombreuses - produisent de grosses quantités. En 1910. il a été exporté 2 020 404 litres, dont, par ordre d'importance, 1 483 901 sur la République Argentine. 231 425 sur l'île de Cuba, 200 511 sur le Mexique, 39 447 sur la Belgique.



La France a reçu 2 916 bouteilles. L'exportation aurait atteint 3 500 000 bouteilles en 1911. La caisse de 12 bouteilles est vendue 12 pesetas. Mais on fait des conditions meilleures quand l'achat est important, sans compter l'escompte de 5% à 90 jours. Quand le change était élevé, il semble bien que le prix ait été de 6 francs la caisse."




Que devons-nous conclure de cette étude au point de vue de notre exportation ?




Les prix faits par les Espagnols sont bas et laissent un bénéfice qui n'est pas très élevé. Les Allemands ne tiennent pas à exporter, car ils m'ont dit qu'on ne gagnait pas assez à faire ce commerce. La situation est assez bonne pour nous, par conséquent. Mais nous avons à travailler des pommes douces, dont les jus sont difficiles a clarifier, à maintenir stables. La champagnisation me semble bien coûteuse pour permettre de vendre aussi bon marché que les concurrents. Je crois qu'il serait sage de recourir de plus en plus à la gazéification.


cidre normandie autrefois
PILAISON DU CIDRE GOUVILLE MANCHE


Des accidents qui guettent nos fabricants : outre le trouble des bouteilles, l'acétification du cidre, le cidre piqué. Il ne faudrait gazéifier aucun cidre dont l'examen microscopique n'est pas satisfaisant. C'est là un critérium sûr, avec le dosage d'acides volatils. Si le cidre est contaminé, le consommer en fût. Nous touchons là une question importante : la propreté, propreté des fruits, propreté du logement. 




Le succès ne sera assuré que le jour où nous serons maîtres de la fermentation. La réussite des méthodes rationnelles chez les praticiens sera toujours aléatoire si ces praticiens n'ont pas les connaissances scientifiques suffisantes pour les comprendre et les appliquer. Voilà pourquoi il serait à souhaiter que l'enseignement cidricole fût enfin organisé, je ne parle pas pour la masse des jeunes gens qui fréquentent nos écoles supérieures et nos écoles secondaires d'agriculture, mais pour nos fabricants, c'est-à-dire pour ceux qui, tous les jours, se trouvent aux prises avec les difficultés. Il ne s'agit pas de donner l'enseignement de l'école, mais celui de l'usine, celui qui permettrait d'arriver à faire de l'industrie cidricole, une industrie définitivement prospère et riche.


cidre normandie autrefois
PILAISON DU CIDRE GOUVILLE MANCHE



Nous n'avons, d'ailleurs, pas de temps à perdre. Nous aurons sous peu un concurrent très sérieux : l'Angleterre, qui a des fruits ressemblant beaucoup aux nôtres. Il y a en ce moment, de l'autre côté de la Manche, un grand mouvement en faveur du cidre. Une station pomologique expérimentale et industrielle s'y crée, et le cidre est la seule boisson alcoolique qui n'y soit pas frappée des licences élevées dont sont atteintes le vin et la bière. Dans peu de temps, nous aurons intérêt à aller voir où en est la cidrerie anglaise et comment elle va s'orienter.




Warcollier.

Directeur de la station pomologique de Caen."



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