LES SÉJOURS DE L'IMPÉRATRICE EUGÉNIE.
Maria Eugenia Ignacia Agustina de Palafox y Kirkpatrick, 19ème comtesse de Teba - dite Eugénie de Montijo - va connaître Biarritz, dès 1834, fuyant avec sa mère les remous des guerres carlistes.
IMPERATRICE EUGENIE |
Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 21 novembre 1932, sous la plume de René Cuzacq :
"Biarritz à sa naissance (Suite et fin).
Les séjours de l’Impératrice.
— V —
Bismarck sent combien son œuvre s’avère difficile : l’union de la France et de l'Autriche serait un obstacle invincible à son but. Il n'y a rien de fatal en histoire : ce grand réaliste le sait mieux que quiconque, lui qui tremblera sans cesse jusqu’au succès final de son œuvre.
Dès son arrivée à Biarritz, cependant, il a une forte espérance. L’Empereur a exclu sa femme de leurs entretiens. N’a-t-elle pas pris le parti de la Papauté, n'a-t-elle pas résisté à l’unité italienne, ne déteste t-elle point la Prusse et la seule idée de l’unité allemande possible, cette unité pour laquelle il a, lui, tant de complaisance ! En ce 20 octobre 1865, Monsieur de Bismarck sent toute l’étendue de sa victoire : il emporte une certitude ; sans avoir donné pour sa part autre chose que de très vagues promesses, il sait que la France restera neutre dans la guerre qu'il suscitera à l’Autriche. Pourtant, jusqu'au bout, il redoutera l’intervention française : celle que Drouyn de Lhuis et Eugénie supplient l’Empereur de décider au soir de Sadowa. Si l'Impératrice avait assisté aux entretiens de Biarritz, la face de l'Europe aurait pu être changée ; l'unité allemande par la Prusse n’était rien moins qu’inéluctable ; 1870 en sera la conséquence, 1914 suivra ensuite. C’est bien l'histoire du monde qui se décide pour de longs siècles à Biarritz en cet automne de 1865.
Deux ans plus tard, avec son maître Guillaume, Bismarck est venu orner ce parterre de rois et de princes accourus à l’Exposition universelle de 1867. Comme le premier acte de la Grande-Duchesse de Gerolstein vient de finir, il se penche sur l'avant-scène et, éclatant de rire, il donne le signal des applaudissements : "Bravo ! comme c'est bien cela". Riez, frivoles Français ! Cette Allemagne douce et paisible des minuscules Cours du passé, vous ne la connaîtrez plus : une Allemagne nouvelle surgit, l’Allemagne bismarckienne, avec laquelle vous ferez bientôt ample connaissance. Tout cela est inclus dans l'entrevue de Biarritz.
BISMARCK 1860 |
Deux ans plus tôt, ce "dogue" avait su plaire à tous à la villa Eugénie. On le trouvait accueillant et poli, plein d’esprit, un "grand Allemand" pour tout dire. M. Mérimée est là, qui est fort éloigné du tintamarre romantique et qui est l'une des meilleures têtes de son siècle ; certes, il trouve M. de Bismarck étrangement dépourvu de gemüth, de toute sentimentalité germanique ; pourtant cet homme, qui n’a "rien de naïf" réussit à faire sa conquête.
Bien mieux, ce rude Prussien fait mille grâces auprès des dames. M. Mérimée parle en riant de sa "hardiesse" et de son "cynisme" à cet égard. "Oui, oui, il faudra vous méfier", déclare l’Impératrice à cette bonne Mme de La Bédoyère. La veille du jour où Bismarck va quitter Biarritz, Mérimée découpe dans un carton colorié un Bismarck de papier ; l'impératrice noue tout autour un mouchoir en bonnet de nuit ; tous deux placent le traversin sous le drap et quittent à pas de loup la chambre de Mme de La Bédoyère. Un domestique, entré par hasard, se retire en balbutiant de vagues excuses. L’heure du coucher est venue. Un cri terrible retentit à la porte de Mme de Lourmel : "Il y a un homme dans mon lit". Dans le couloir, l’Impératrice s'esclaffe.
C’est à Sedan que conduit l'entrevue de Biarritz. Le 4 septembre 1870, quand il faut quitter les Tuileries, des amis fidèles qui sont là, retenons deux noms seulement, en raison de leurs attaches bayonnaises plus ou moins lointaines : Mme Aguado et Ferdinand de Lesseps. Par la Normandie, en se cachant, l'Impératrice gagne l’Angleterre. Elle écrit à Bismarck pour essayer d'adoucir la paix : sa lettre est du 26 octobre 1870 ; le 30, elle est à Wilhelmshohe, pour un jour, auprès de Napoléon III prisonnier. C’est ensuite l’exil de Chislehurst, la mort de l’Empereur (1873). L’Empire pourra-t-il renaître du coup que lui a porté Sedan ? Le prince impérial fera-t-il ce miracle ? Voici qu'il meurt par surprise au Zoulouland (1879).
MORT NAPOLEON III |
C’est la fin de ses rêves pour l’Impératrice. Il n'y a plus dès lors qu'à liquider le passé. Elle vend le domaine de Solférino. Dès 1880-81, elle liquide ses biens de Biarritz ; l’architecte de la villa Eugénie, Hippolyte Durand, qui était aussi l’architecte diocésain, disparaît peu après. Encore nombreux, les bonapartistes de nos contrées s’étonnent discrètement : l'Impératrice ne veut plus revoir Biarritz ; le souvenir des jours de bonheur est fini pour elle. Elle vivra avec son seul souvenir. Le domaine impérial de Biarritz est loti et transformé : on nous excusera de renvoyer sur ce point à deux simples notes de nos Propos Landais et Bayonnais (1re série).
PROPOS LANDAIS ET BAYONNAIS DE RENE CUZACQ |
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