LA RÉVOLUTION FRANÇAISE À BAYONNE.
A partir d'octobre 1793, le Comité Révolutionnaire sévit à Bayonne, en Labourd.
COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition
du 5 décembre 1928 :
"A la Société des Sciences, Lettres et Arts.
Un écho de la Révolution à Bayonne.
Conférence de M. René Cuzacq.
Au moment où les études sur la Révolution sont demandées de tous les côtés, nous avons eu la bonne fortune à Bayonne, d’entendre une conférence faite à la Société des Sciences, Lettres, Arts et d’Etudes régionales par M. René Cuzacq, agrégé de l’Université, professeur au Lycée de Bayonne.
II s’agit d’un document inédit portant sur un point capital de la Révolution bayonnaise : la destitution du Comité révolutionnaire de Bayonne, par Pinet aîné, le 12 pluviôse an II (31 janvier 1794).
Après avoir rappelé les incendies des archives de Bayonne et de Pau, M. Cuzacq explique comment ce document a pu être retrouvé à celles de Périgueux, la Dordogne faisant partie de l’arrondissement de l’armée des "Pyrénées Occidentales".
Bien caractéristique de la grandiloquence et de la phraséologie de son temps, cet arrêté du 31 janvier 1794 et sans doute nos lecteurs seront-ils amusés par quelques citations.
Pinet regrette que les membres du Comité ne soient pas en possession de "ce sang-froid, cette sagesse, cette prudence, cette fermeté et cette énergie qui, base des grandes mesures révolutionnaires, jusqu’à présent ont sauvé la République du précipice dans lequel on a si souvent tâché de l’entraîner."
Il voit en eux "une classe d’hommes sans mœurs, intrigans par caractère, vicieux par principe, patriotes par intérêt qui se sont jetés dans la Révolution par système et dont l’ambition vise à toutes les places". Plus loin, il les déclare "semblables à ces insectes auxquels les eaux croupissantes d’un marais impur ont donné naissance, nés comme eux dans la fange et dans la bassesse. Tels sont les hommes qui se mettent aujourd'hui sur le chandelier, qui calomnient les vieux patriotes, égarent les citoyens par leurs cris, sous le voile spécieux du bien public."
Il leur reproche leurs crimes : les abus de pouvoir, la destitution d’autorités constituées sans en référer aux représentants, la façon odieuse dont ils les ont abusés, la libération des aristocrates d’Hasparren coupables de contrebande des denrées et d’agiotage sur le change avec l’Espagne, le conflit avec les représentants à ce sujet, les remontrances du député Monestier, la demi-révolte du Comité, l’oubli étrange des devoirs et de l’autorité des représentants en mission et d’avoir même essayé de dissocier leur front unique.
Ces "aboyeurs en patriotisme" sont des pilleurs d’épaves surgis de la foule des étrangers ou des non-Bayonnais, dans la période de la Révolution. Leur inconcevable audace vise à satisfaire leurs désirs : les parties de plaisir avec les femmes dé tenues par leurs ordres dans les tripots et mauvais lieux, leur triomphe insolent à la comédie, aux cafés ; ils se croient "des géants" ; on va les faire "rentrer dans la poussière dont ils n’auraient jamais dû sortir".
Le Comité ancien est destitué, et les membres d’un nouveau comité sont nommés.
A ce texte énergique où claquent les idées et les volontés d’un montagnard farouche, M. Cuzacq ajoute quelques commentaires.
Il évoque d’un mot les presses des deux imprimeries Fauvet, ancêtres de nos publicistes d’aujourd’hui, qui exprimèrent toute l’évolution intellectuelle de notre cité. Il situe exactement la signification de l’arrêté : Pinet a raison, il ne s’agit nullement d’un texte quelconque rappelant des conflits entre révolutionnaires ; il s’agit de révolutionnaires d’intérêts, non de conviction, d’arrivistes farouches. Au total, l’arrêté permet de voir deux choses : la répugnance de l’opinion bayonnaise au régime montagnard provoquant le règne des éléments étrangers par contre-coup, et les dissensions réelles des représentants en mission.
M. Cuzacq vérifie ensuite le texte de l’arrêté par celui des Mémoires de Pinet ; il brosse un rapide portrait du proconsul, digne fils de la terre périgourdine. Un détail nouveau apparaît : l’amour que Mme Fontenai, née Cabarrus, inspira à Cavaignac, fort "amoureux du beau sexe" et l’essai que fait ce dernier pour libérer Dominique Cabarrus, la victime du Comité révolutionnaire, le 11 octobre 1793.
FRANCOIS CABARRUS PERE DE DOMINIQUE CABARRUS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Dans la seconde partie de sa conférence, M. Cuzacq a fait l’essai de reconstitution de l’histoire du Comité révolutionnaire de Bayonne. Examinant ses origines, il note :
1° Les sympathies girondines de Bayonne dont le cas rappelle Bordeaux : port, haute bourgeoisie, etc... "nobles, matadors du commerce", raille Pinet.
2° la faiblesse du mouvement jacobin, malgré l’existence d’une société populaire.
Il constate qu’aucun comité de surveillance n’a été formé, alors qu’ailleurs ils apparaissent dès mars 93 (à Pau, le 8 avril).
Après la demi-révolte girondine, les représentants doivent mettre la ville en état de siège, le 16 août 1793.
C’est alors qu’apparaissent les nouveaux proconsuls de Pau, Pinet et Monestier, qui ordonnent à toutes les femmes de prendre la cocarde tricolore (28 septembre 93), qui incitent la société à se régénérer ; alors apparaissent au club les futurs chefs du Comité révolutionnaire, avec déjà leur audace, leur manque de scrupules.
JEAN-BAPTISTE-BENOÏT MONESTIER |
Le 10 octobre 1793, la municipalité est destituée ; le maire Leclerc et plus de la moitié de ses membres sont des étrangers.
Le même jour, le Comité révolutionnaire est créé par Pinet.
Du 11 octobre 1793 au 31 janvier 1794, que sont les nouveaux maîtres de l’heure ? ils forment sans contredit un pittoresque assemblage ; Aillet, comédien de Rouen ; Rives, maître de danse, illettré ; Duvau, artisan errant ; Rigaud, perruquier du Tarn ; Coutanceau, clerc tonsuré ; Sempé, tailleur de Lembeye ; Lartigue, serrurier de Bayonne ; l'Allemand Pflüger et le philosophe espagnol Santivagnès.
Ces gens détenaient des pouvoirs énormes ; c’était à eux d’arrêter les suspects, de taxer, les riches, de dénoncer les menées contre-révolutionnaires dans la vie économique, sociale, religieuse.
L’action répressive s'affirma par la série des perquisitions et des arrestations (11 octobre, 5 novembre) ; la guillotine fut établie en permanence.
PILORI REVOLUTIION PAYS BASQUE D'ANTAN |
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