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jeudi 2 avril 2020

LE BURNOUS BLANC DE PIERRE LOTI À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1912


PIERRE LOTI EN 1912.


C'est en 1891 que Julien Viaud, plus connu sous le nom de Pierre Loti, découvrit le Pays Basque, lorsqu'il fut nommé pour commander le Javelot, canonnière stationnée à Hendaye.



pays basque autrefois ecrivain
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta le journal Gil Blas, dans son édition du 16 août 1912, sous la plume de 

Raoul Aubry :


"Le burnous blanc de M. Loti.




M. Pierre Loti avait juré de ne pas revenir à Hendaye, et de ne plus recevoir de journalistes. Il faisait adresser aux quémandeurs d'interviews un petit papier ainsi conçu : "Pour des raisons dont il est juge, M. Pierre Loti a résolu de se retirer de tout et de tous pour longtemps...peut-être pour toujours."




Six mois après, M. Pierre Loti est à Hendaye, dont il avait maudit le modernisme, et voici qu'il y reçoit journalistes et photographes : tout — M. Pierre Loti changeant comme la mer et mobile comme une femme, mais toujours sincère et original, est là-dedans. Pardonnons-lui ses variations et ses crises de sentiment parce qu'il a écrit les pages les plus harmonieuses et les plus tendres de notre littérature.



pays basque autrefois ecrivain
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN

M. Pierre Loti n'aime pas les journalistes qui, dit-il, racontent mal sa vie, et il leur reproche avec une expansive acrimonie de publier sur lui des choses qui lui sont blessantes, qu'il nie après les avoir, lui-même, faites ou racontées.





Pour avoir vu, moi-même, M. Pierre Loti en burnous blanc à Hendaye, sur la terrasse de sa villa, un beau soir d'été, et l'avoir dit, j'ai encouru de lui telles rancunes qu'hier encore il s'épanchait avec amertume dans le sein d'un aimable confrère et me maudissait, dix ans après ! Or, je suis bien tranquille : mon aimable confrère racontera, à son tour, quelque histoire de burnous blanc — ou jaune, ou rouge — qui blessera le sensible Pierre Loti : et perpétuellement Pierre Loti sera blessé par des histoires de burnous blanc. Il faut nous résigner à blesser Pierre Loti.


pays basque autrefois ecrivain
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN

Répétons cependant que Pierre Loti est un admirable et pur écrivain, digne de nos ferveurs absolues, un des maîtres de la langue et du roman sentimental et descriptif. Or, Pierre Loti vit une sorte de vie particulière et mystérieuse, à Rochefort, à Hendaye, jadis à Constantinople, qu'il a plaisir à dévoiler lui-même. L'autre jour ne recevait-il pas, à Rochefort, dans son musée-pagode-tour-temple-mosquée-sino-japonais des amis auxquels il chantait Raoul des Huguenots, et ne se faisait-il pas annoncer aux journaux du lieu comme un ténor de qualité ? Tout de même, lorsqu'on a de ces façons originales et qu'on les publie, sera-t-il permis à des témoins ou à des critiques d'en conter et, à l'occasion, d'en sourire.


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PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN


A Hendaye, M. Pierre Loti a conservé - après avoir commandé sept ans sur le petit stationnaire qui garde l'embouchure de la Bidassoa — une délicieuse maison basque penchée au bord de l'indolente rivière, qui regarde Fontarrabie, son vieux château noir de Jeanne la Folle et ses maisons rouges dispersées sur la colline. Il n'a point caché, à tous ceux qu'il y recevait, la vie facile et libre qu'il y menait volontairement, contrebandier complice des paysans basques et depuis longtemps ami de leurs femmes. Il a joué les plus jolis tours aux douaniers, aux maris et à ceux, aussi, de ses amis qu'il avait conviés chez lui. Francis Jammes, parce que poète bucolique, fut réduit par lui à ne boire que du lait dans une jatte commune, et il planta seuls, dans sa villa, Edmond Sée et Louis de Robert, ses hôtes, prétextant une aventure de braconnage, pour aller s'enfermer dans sa chambre, une nuit et un jour durant. Edmond Sée a conté cela, jadis, dans une spirituelle et plaisante chronique, ici-même. Ses fantaisies ont occupé d'abord, amusé ensuite tout le pays basque, dites par lui-même et colportées par ses familiers, sans d'ailleurs ni blâme ni raillerie. On aime Pierre Loti à Hendaye, et ses escapades, ses aventures de rapin sentimental et d'homme sauvage font de lui un type pittoresque et hors du commun, dont on bavarde volontiers. Il faut qu'il s'y résigne : on admire son œuvre littéraire magnifique, mais on ne prend au sérieux ni son exotisme de pagodille ni ses frères Yves successifs, ni même ses burnous. Et nous regretterons toujours qu'il manque à Loti, au divin Loti, cette vertu si française : la belle humeur.



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PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN

Réjouissons-nous, maintenant, de le voir revenu au pays basque, auquel il doit ses plus délicieuses inspirations. Il a trouvé là des types uniques — femmes sensuelles, intelligentes et fières, hommes nerveux, souple robustes et lascifs. Puis il y a le paysage de douceur incomparable, réunissant la mer et la montagne, ses lointains à la fois tendres et majestueux, et aussi les cent exploits de pêcheurs et les aventures des contrebandiers. En dépit des bâtisseurs d'hôtels et des tramways électriques, il ne retrouverait en nul autre dieu du monde, lui qui en a tant regardé, ce décor sensible qui parle à sa sensibilité, ces maisons basses et mystérieuses, ces églises étroites et lézardées, ces cimetières touffus et fleuris de roses tendres, où la mort semble tout proche de la vie.




Les provinces, les vieilles provinces de France, avec leurs traditions et leurs souvenirs, perdent chaque jour un peu de leur originale séduction. L'âme du pays basque, l'âme d'Euskualleria est une des dernières qui survivent à la fin des âmes paysannes. Et Pierre Loti l'a comprise, cette âme du pays basque, et traduite avec l'émotion d'un grand artiste :



"Alors, tout à coup, tandis que je suis là, seul devant ce décor que semble endormir le morne soleil, écoutant sonner les vieilles cloches ou vibrer dans le lointain les vieilles chansons, je prends conscience de tout ce que ce pays a gardé, au fond de lui-même, de particulier et d'absolument distinct. De l'ensemble des choses et des êtres ambiants, se dégage, aux yeux de mon esprit, comme une essence vivante ; pour la première fois, je sens exister ici un je ne sais quoi à part, mystérieux, — destructible, hélas ! mais encore imprégnant tout et s'exhalant de tout, — sans doute, l'âme finissante du pays basque...


Cependant, voici que, là-bas, derrière moi, quelque chose de laid, de noirâtre, de tapageur, d'idiotement empressé, passe, vite, vite, ébranlé la terre, trouble ce calme délicieux par des sifflets et des bruits de ferraille : le chemin de fer !... Le chemin de fer, plus niveleur que le temps, propageant la basse camelote de l'industrie et des idées modernes, déversant chaque jour, ici comme ailleurs, de la banalité et des imbéciles."



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RAMUNTCHO DE PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il faut pardonner toutes choses à celui qui a traduit ces impressions douces et salutaires, qui a fait vivre Ramuntcho, réveillé la terre basque qui ne meurt pas. Et je lui concéderai même, s'il le veut, qu'il n'a jamais mis de burnous blanc..."




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