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jeudi 3 octobre 2019

LA MAISON BASQUE DE PIERRE LOTI À HENDAYE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1913


LA MAISON DE PIERRE LOTI.


Pierre Loti, nommé au commandement de la station navale d'Hendaye, s'installe dans cette modeste maison en décembre 1891. 


pays basque autrefois
MAISON DE PIERRE LOTI  HENDAYE - HENDAIA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Les Annales Politiques et Littéraires, dans son 

édition du 27 avril 1913 :



"La maison Basque de Pierre Loti.



Les jeunes Universitaires des Annales auront, demain, la joie d'entendre Pierre Loti... Notre collaborateur Paul Faure nous envoie ces jolis souvenirs sur la maison d'Hendaye, chère à l'illustre écrivain :


Tous ceux qui vont en Espagne par Irun ne manquent pas de s'arrêter à Hendaye. Ce n'est pas que Hendaye ait de l'allure ; les hôtels, les villas, les casinos, les tramways l'ont tellement défigurée, banalisée, qu'elle est maintenant sans charme, sans caractère, sans pittoresque ; elle ressemble à tout ce qu'on voudra, à ce qu'on a vu cent fois : banlieue de Paris ou de n'importe quelle grande ville ; mais en face est une merveille : Fontarabie. Posée sur la Bidassoa comme sur un miroir, couchée au pied de la montagne, la petite ville couleur de feuilles mortes n'indiffère personne ; on souhaite la voir ; elle ne déçoit pas, elle est aussi espagnole qu'une ville du centre du royaume ; et pour s'y rendre la route est merveilleuse ; rien de plus beau que la Bidassoa qui, à l'endroit où elle forme golfe, a quelque chose du Bosphore.


ecrivain hendaye autrefois
PIERRE LOTI A A HENDAYE
ARTICLE ANNALES POLITIQUES ET LITTERAIRES 27 AVRIL 1913

En rasant la rive française, le batelier ne manque pas de vous montrer la maison de Loti. On s'arrête, on arme les kodaks, clic, clac, et on repart.




C'est comme commandant du stationnaire que Loti vint pour la première fois à Hendaye. Tout d'abord, ce pays basque le laissa froid ; puis, peu à peu, il s'y attacha, il l'aima, et à ce point qu'il l'habite depuis vingt années. Habiter, c'est-à-dire qu'il y a une maison qu'il a gardée et où il demeure plusieurs mois chaque année ; cela ne l'a pas empêché de faire d'immenses voyages : la Perse, l'Inde, l'Egypte, le désert arabique, la Chine, et de revenir plusieurs fois chez ses amis les Turcs. De ces voyages, il rapporta les oeuvres admirables que tout le monde connaît : Vers Ispahan, L'Inde sans les Anglais, La Mort de Philoe, Jérusalem, Les Derniers Jours de Pékin, Les Désenchantées. Mais, malgré tout ce qui lui fit aimer tant de pays, sa maison de Hendaye est certainement un des endroits d'Europe qu'il préfère ; elle est pour lui le repos, la halte ; il l'a appelée Bakaretchea, ce qui, en basque, signifie maison seule. L'espèce d'impasse mal pavée au fond de laquelle se trouve l'entrée, son jardin, qui est une sorte de creux où serpente une allée, ses terrasses, qui baignent dans l'eau et sur lesquelles retombent très bas les longues branches des platanes, tout cela lui compose un air secret, lui fait une atmosphère d'ermitage. Cette maison, elle est, aujourd'hui, telle qu'elle était il y a vingt ans. Loti aime l'immuabilité, il n'enlèverait pas un objet de la place où il l'a toujours vu, il lui semblerait trop qu'il vient de modifier un aspect du Passé, qu'il se plaît tant à regarder. Rien n'a changé de cette maison, rien, ni la petite salle à manger capitonnée d'étoffes orientales d'où sortent de grandes palmes, et qu'éclaire, le soir, la lumière basse de deux bougies coiffées d'abat-jour rouges, ni le salon qu'ornent des filets de pêcheurs, ni la tourelle d'en bas enduite de chaux, sorte de cellule blanche où il travaille l'été. Et de même qu'il n'aime pas modifier le cadre où il vit, de même il n'aime pas apporter de changements dans l'ordonnance de ses journées.



ecrivain pays basque autrefois
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN



A Hendaye, Loti travaille chaque jour de deux heures à quatre ; à cinq heures, il va au fronton de la plage jouer à la pelote avec des jeunes gens de l'endroit ; quant à ses soirées, il les passe soit à faire les cent pas sur sa terrasse, soit, et c'est le plus souvent, à écouter un Hendayais, ancien soldat d'Afrique, lui jouer d'une sorte de flûte dont les sons plaintifs et sourds lui rappellent la musette des Bédouins. Cette ponctualité surprend peut-être chez celui dont la vie fut toujours réglée par la fantaisie ; elle s'explique, pourtant, elle répond chez Loti à ce besoin qui est en sa nature de changer, de varier. Hendaye, avec ses journées divisées par les mêmes occupations, fait contraste dans la vie de celui qui a campé au désert, sous la tente, qui a couché au pied des ruines, qui a passé des nuits au plus profond des forêts brûlantes de l'Inde, qui a vu les tempêtes du haut des bancs de quart, le sol rougi des champs de bataille, la mort rôder autour des caravansérails, qui a respiré dans tous les climats, assisté à l'aurore aux quatre coins du monde, qui a tant et tant parcouru la terre qu'elle lui semble ; — il le dit bien souvent — toute petite.


ecrivain hendaye
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ermitage, la maison de la Bidassoa, mais ermitage qui a vu beaucoup de monde. Loti a beau vouloir chaque année fermer sa porte; il lui faut bien l'ouvrir quelquefois. Quel livre amusant il y aurait à écrire sur cette maison depuis que Loti l'habite. Tant de gens de toutes sortes y sont venus : des rois, des acteurs, des artistes, des bohémiens, des marins, et elle a vu tant de choses ; elle fut, pendant longtemps, le refuge des contrebandiers ; la nuit, quand il fait très noir et que le vent souffle sur le golfe de Biscaye, ces bons Basques, dont beaucoup pratiquent la contrebande (les uns, par intérêt ; les autres, par goût de l'aventure), prennent des marchandises, et en avant ! Il s'agit de gagner la rive française. L'obstacle est que les douaniers veillent, et d'autant mieux que la nuit est sombre ; ils sont là, échelonnés sur le sable, l'oeil ouvert ; mais, devant Bakaretchea, pas de gabelous : la grève, à cet endroit, est trop étroite. Loti sait-il qu'un contrebandier de ses amis est en expédition, il est là sur sa terrasse, dans le noir, à l'attendre, pour le faire passer par son jardin. Combien en a-t-il sauvés de la sorte ! Et que de farces, que de bons tours on a faits dans cette maison, car Loti est un admirable pince-sans-rire. Pendant longtemps, il avait installé son cabinet de travail au premier étage, dans une pièce dont la porte donne sur une terrasse ; c'est là qu'il recevait. Pour y monter, pas d'escalier ; il fallait grimper à une échelle de corde volante, qui n'était fixée que par le haut ; les admiratrices qui voulaient voir le maître étaient obligées de passer par ces degrés difficiles. C'était souvent des gesticulations extraordinaires, des essoufflements qui demandaient grâce. Loti attendait impassible, comme s'il eût été au sommet de quelque escalier très doux. Et ses hôtes, de quels tours, de quelles attrapes ne furent-ils pas les victimes ! Qui ne se souvient, dans l'entourage de Loti, de ce charmant Moustafa Kamel pacha, qui vint passer quelques jours à Bakaretchea ? Chaque soir, on lui jouait quelque tour : draps en portefeuille, ciel de lit qui lui descendait sur la tête et remontait tout à coup, tiré par une ficelle que manoeuvrait Loti, caché dans la chambre du dessus. Mais les représailles suivaient ; on n'osait plus se coucher.


ecrivain hendaye
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN


Une vie simple partagée entre le travail et les violentes parties de pelote, l'amusement de se mêler quelquefois aux exploits des contrebandiers, ces farces d'écolier, et aussi de longs recueillements que favorise un pays dont l'atmosphère a du silence et comme du sommeil, tout cela rend cher à Loti son ermitage de la Bidassoa, tandis que son immense maison de Rochefort avec ses salles féeriques et ses vieux appartements de jadis lui sont des moyens d'évoquer l'Orient et de s'enfoncer dans le passé.


ecrivain hendaye
PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN


Mais, le pays basque, il se pourrait bien que Loti l'abandonnât ; les barbares l'ont tellement massacré qu'il n'a plus rien de ce qui en faisait ce charme que Loti aima tant. Chose étrange, c'est Loti qui, en écrivant Ramuntcho, le fit connaître ; c'est depuis Ramuntcho que les vandales l'ont envahi. Voilà un résultat qu'il n'avait pas prévu et qu'il ne souhaitait certes pas."




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