LE PAYS BASQUE PAR PIERRE BENOIT EN 1955 (première partie)
PIERRE BENOIT ET LE PAYS BASQUE.
En 1955, paraît, dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, un article de Georges Viers concernant le Pays Basque, vu par Pierre Benoit.
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ECRIVAIN PIERRE BENOIT |
Voici ce que rapporta la Revue géographique des Pyrénées et du Sud Ouest, en 1955.
"Le Pays Basque d'après M. Pierre Benoit.
L'érudition de M. Pierre Benoît nous a valu ces œuvres dans lesquelles un exotisme de bon aloi s'associait à une plaisante affabulation romanesque. Le procédé, valable pour le désert de Gobi, l'est sans doute moins pour une contrée que séparent de la capitale une après-midi de train ou deux heures d'avion. M. P. Benoit vient d'ajouter 52 pages de texte à un album de photographies du Pays basque. Mais, par une démarche inverse des précédentes, il a voulu nous présenter ce pays en se bornant, ou presque, à l'information littéraire. Entre la lecture de Pierre Loti et de Francis Jammes, M. Benoit a fréquenté aussi quelques tables de bonne compagnie et le Musée basque de Bayonne où, dit-il, "un étranger pourra, en deux heures de temps, s'acquérir... une connaissance plus qu'honorable de la région, de son histoire, de son folklore". Cela explique sans doute un bon nombre d'erreurs qu'il nous faut relever.
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ECRIVAIN PIERRE BENOIT |
Les premières viennent probablement d'un travail d'édition négligé. Mais il est déjà déplaisant que le plus haut sommet du Pays basque devienne le pic d' "Hory" et que son meilleur cru soit d' "Irrouléguy". Ailleurs, en feuilletant les images, on découvre que l'hôtel A..., cité dans le texte, est passé de Baïgorry aux Aldudes et que la maison labourdine de la planche 82 est un des types les plus caractéristiques de l'architecture bas-navarraise. Ce sont là des peccadilles que nous ne porterons pas au débit de l'auteur. Mais comme il est seul à figurer dans le titre, il faut bien le rendre responsable et du texte préalable et des commentaires des photographies. Dans les deux cas, il apparaît que le Pays basque lui est peu familier. Son extension, sa topographie, ses villages, sa vie agricole et pastorale, son réveil économique, sa société et sa langue, tout cela est présenté avec beaucoup d'approximation, pour ne pas dire plus. On se tairait s'il s'agissait d'un dépliant touristique, mais le titre de la collection, les buts didactiques que s'assigne habituellement son éditeur exigent qu'on se penche sur un ouvrage qui avait sans doute pour mission de faire "connaître"...
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ECRIVAIN PIERRE BENOIT |
Le texte est divisé en trois parties : la Terre, les Hommes, le Ciel ; dessein louable...mais à propos de la Terre, assez mal vue, on parle beaucoup des hommes et, à propos des hommes, on parle beaucoup, sinon du Ciel, du moins de fantômes et de reflets : fantômes littéraires et reflets de conversation, et pas avec les intéressés.
Le peu qui est dit de la Terre aurait exigé un minimum de connaissance des lieux. On aurait su ainsi que le Saison n'est pas un affluent du Gave de Mauléon, mais qu'ils n'en font qu'un dès l'origine, à la jonction ries gaves de Larrau et de Sainte-Engrâce ; on aurait évité de suivre la carte Michelin et de baptiser ce dernier "Le gave de l'Uhaitxa", ce qui se traduit par : "Le gave du gave" ! On aurait vu que Larrau n'est pas "encastré dans la vallée", mais qu'il domine de 150 m le Larregneko Uhaitza, ce qui lui confère une originalité certaine parmi les autres villages basques qui ne sont justement pas des "nids d'aigle". Il est en effet exceptionnel qu'un village soit hors d'une vallée et le propre de la montagne basque est d'être déserte à une altitude où, dans des reliefs de France plus froids et plus incommodes, on trouve un habitat fort dense... On ne partirait pas de Larrau pour le pic de Bchorleguy, à moins que 1' "alentour" ne groupe les montagnes à 15 km à la ronde, et l'on ne croirait pas qu'Iholdy est "proche de Bayonne" quand il en est à 45 km. On ne placerait pas le "Baratous" (sic) et Aramits dans la haute Soule, ne fût-ce qu'au souvenir des arquebusades vasco-béarnaises allumées jadis pour de moindres prétentions. Enfin, ce n'est pas dans la "partie septentrionale", nommément à Irrissary, Ostabat ni surtout à Domezain, dans cet aimable et fiche bas-pays si bien désigné du nom de Bray de Saint-Palais, qu'on aurait cherché la Basse-Navarre "la plus âpre, la moins prospectée", mais, en lui tournant le dos, vers le Sud, vers les gorges sauvages du Lauribar, de l'Estérenguibel, de la Nive de Béhérobie, au coeur d'une montagne effectivement peu fréquentée.
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ECRIVAIN PIERRE BENOIT |
Des travaux des hommes, on n'a guère davantage retenu. Un géographe fort consciencieux, pour les commodités d'une thèse, opposa jadis les pasteurs et les agriculteurs des Pyrénées atlantiques. Est-il besoin de répéter que le paysan basque n'est pas "laboureur ou bien pâtre", mais qu'il est les deux à la fois ? Opposer au "cultivateur bien au chaud dans sa belle maison, le berger brûlé ou glacé par les intempéries", c'est ignorer que les "laboureurs" de la Soule, par exemple, se partagent semaine après semaine les soins du cayolar où estivent les brebis ; c'est n'avoir jamais parcouru le pays en hiver quand se font les fastidieuses corvées de fougère qu'on va quérir dans la lande pour la litière et l'engrais que demandent conjointement les bêtes et la terre. C'est ignorer aussi la douceur — hélas ! trop arrosée — des hivers et feindre de croire que le soleil ne manque pas l'été.
Cette humidité excessive reléguait anciennement la vigne aux très basses altitudes et le cidre, prisé de Ramuntcho qu'on prend ici à témoin, jouait un certain rôle. Aujourd'hui, les pommiers sont bien négligés de ce côté de la frontière, car on se procure le vin à meilleur compte : non pas, comme on nous l'affirme, celui d'Irouléguy, cru local de trop petite production, mais celui qu'on produit soi-même, celui de l'épicier ou, en ces Aldudes dont on fait un pays de cidre, celui d'outre-monts, capiteux et bon marché. Surtout il fallait dire, en 1954, que la nouveauté, ce n'est plus la crise du phylloxéra mais l'utilisation des hybrides producteurs directs qui permettent à la vigne de monter à l'assaut de terroirs où elle n'avait jamais paru. Le blé n'a pas connu pareille fortune. Il supporte mal le régime pluviométrique de la montagne basque avec ses pluies surabondantes en mai et juin. Il disparaît donc à une altitude où pourtant les palmiers-chamérops subsistent en pleine terre. Mais, ceci dit, hors de la montagne, il n'est pas "rare". Autour de Saint-Palais, dans les grandes vallées, les moissons sont belles, ce qui ne va pas sans poser de sérieux problèmes au cours des printemps pluvieux comme ceux de ces dernières années.
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ECRIVAIN PIERRE BENOIT |
Les idées que le texte laisserait de l'élevage sont tout aussi fantaisistes. Dans une province où on ne trouverait peut-être pas cinquante paires de bœufs, il n'est question que de ces bêtes ! Ailleurs, on voit un cheval navarrais se nourrir de fougère et, sans doute pour faire bucolique, le berger basque est nanti d'une "houlette". Laissons les chevaux s'empoisonner à leur gré et rendons au berger son makhila de noisetier ou de houx. Pas besoin de houlette quand on siffle les brebis comme un gars d'Estérençuby ! Il n'est pas vrai non plus que "rien ne se soit moins modifié que le vêtement et que l'outillage pastoral". Les Basques s'habillent comme tout le monde, mieux même que le monde rural français pris dans son ensemble. Où trouverait-on ailleurs cette élégance qui caractérise la jeune Basquaise de la campagne ? Et pourtant cette élégance est de notre siècle ; elle suit la mode et n'offre jamais le ridicule et touchant spectacle des campagnardes endimanchées sans goût. Cela saute aux yeux du promeneur le moins averti."...
A suivre...
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