AU PAYS BASQUE EN 1926.
En 1926, le Pays Basque est une destination touristique très prisée.
FANDANGO PAYS BASQUE 1926 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet L'Echo de Paris, dans son édition du 23 septembre 1926, sous la
plume de François Duhourcau :
"Un pays au coeur incorruptible.
Lorsqu'on arrive sur la côte basque, où sévit la sixième invasion, comme à Paris, en Savoie et sur la Côte d'Azur, une question vous est aussitôt posée : Etes-vous xénophobe ?
L'envie ne manquerait pas de l'être, en voyant la terre qu'on adore infestée d'exotiques. Mais la xénophobie, non plus que le désespoir ni la rage, n'est un état d'esprit politique. Les fourmis dévorent le cadavre. Chose naturelle. C'est la faute du cadavre. Quand il s'agit d'un peuple, c'est-à-dire d'un être apte à toutes les reviviscences, s'il le veut, ce peuple n'a qu'à ressusciter. Le problème de l'invasion étrangère est un problème d'Etat, comme celui du change, des alliances et des dettes. Les Français n'ont qu'à le résoudre politiquement. Qu'ils se tournent, non pas vers les cars pour les assaillir de quolibets, de menaces et de coups, mais vers leurs hommes publics ; qu'ils les contraignent à défendre leurs intérêts, à protéger leur vie ! Les seules digues efficaces contre la marée, exotique, ce sont des lois, telles que le demandait, ici-même, à la fin de sa remarquable enquête sur les étrangers en France, M. de Villemus.
En attendant des mesures législatives générales, le pays Basque défend bien et son visage et son coeur.
Tout d'abord, une pléiade d'architectes intelligents, animés par l'amour de leur région, a su adapter au goût, aux besoins modernes le type d'architecture locale intenté jadis par les artisans du Labourd et de la Basse-Navarre. Ils ont créé un style pour le chalet basque qui unit à la simplicité des lignes et des tons de la ferme, autochtone, tout ensemble sérieuse et riante, les raffinements du luxe actuel. L'étranger s'est engoué de ce modèle et se fait bâtir des villas harmoniques aux demeures agreste, si bien que la Basquie modernisée garde l'unité et la beauté de son aspect éternel près des monts veloutés et de la mer aux buées d'argent, elle est un pays toujours vert où éclatent, sous une lumière divine, des myriades de blanches maisons à boiseries brunes et à toits mordorés.
"Ne récriminez pas trop, avais-je d'abord dit à quelques mécontents, de voir affluer aux beaux jours les étrangers sur notre côte merveilleuse. La santé morale qu'ils en rapporteront peut-être vaut que nous supportions quelques mois leurs voitures et leurs dancings. Par delà le régional, considérons l'humain. Souffrons que les étiolés des fins de races sucent le lait de la nourrice basquaise. Pour ma part, lorsque je vois une métairie devenue un chalet, si je songe aux malheurs de la guerre qui ont vidé le nid paysan, ou bien au terrible Code civil qui s'oppose à la continuité des maisons de famille, je me console en espérant que les névrosés de nos villes prendront dans le gaufrier basque et devant l'apaisante montagne, une leçon de stabilité morale."
O naïveté ! De tout cela, l'étranger n'a cure. Tant pis pour lui, tant mieux pour nous ! Il se concentre avec fureur autour des casinos et des dancings qui opèrent ainsi comme des abcès de fixation grâce auxquels est évitée l'infection générale. Ah ! les bienfaisantes institutions ! Vous pouvez aller aux plus beaux endroits des sites perdus de la côte — à la pointe du phare de Biarritz ou à l'extrémité de la lagune hendayaise, semblable, à marée haute, à un lac italien, — vous n'y trouverez quasi-personne et vous pourrez, dans le calme d'une splendide solitude, goûter les couchants d'hyacinthe et d'or de l'lnvitation au Voyage, ou bien humer, à pleins poumons, l'air basque, éther enivrant fait d'iode, de vent et de soleil.
Quant à l'intérieur de l'Euskalerria, il est tout à fait sauf, ou presque. Voilà qui est admirable. On aurait pu craindre qu'avec l'automobile et le téléphone, dans un pays gorgé de sources, tout étranger eût voulu acquérir sa colline, afin de posséder sa vue de montagne et de mer bien à soi. Ces êtres excellents n'y songent pas. Casinos, dancings, réserves, exhibitions, cela passe tout. S'isoler pensez-vous !... Les tares humaines ont du bon. Et c'est ainsi que vous pouvez circuler encore sur les routes fréquentées et apercevoir, de votre voiture, dans la clairière d'une chênaie appuyée à ses meules, la vieille ferme basque Elle est là, toujours paisible, appesantie sur les champs, marquée de la croix de chaux, ornée d'une statuette sainte au-dessus de la porte et montrant aux "civilisés" (qui d'ailleurs ne la regardent pas) l'antique chariot aux roues pleines devant l'eskaratz. Pareil à sa maison, le Basque, aiguillonnant ses bœufs d'un geste simple et noble, demeure insensible au tapageur tourbillon qui frôle sa vie profondément racinée. Ainsi, dans les rues de Bayonne ou de Saint-Jean-de-Luz, à l'heure du thé, s'élève, tranquille et pur dans le frémissement des Rolls et des Hispano, le chant du chevrier.
CASINO PERGOLA ST JEAN DE LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
De même pouvez-vous encore aller plusieurs soirs au plus étonnant des belvédères du pays sans y rencontrer personne. Aux alentours se déploie la houle déserte de la vaste lande, animée de quelques sonnailles. Au bas du mamelon, l'un des plus typiques villages du Labourd groupe ses toits séculaires. Rien ne vous distraira d'entendre s'égrener, à son clocher monacal, les trois Ave de l'Angelus, sur le timbre grave, et l'oraison qui suit sur le timbre argentin. Cependant, voici des pas dans l'enclos semé de stèles discoïdales qui s'effondrent à demi dans les herbes. Notre solitude serait-elle violée ? Non, c'est une Basquaise vêtue de noir qui pénètre sous les arbres, afin de gagner le porche de la blanche chapelle où elle s'agenouillera un moment. Puis, elle s'éloigne. Bientôt règne l'immense paix nocturne. A l'Est, derrière la crête d'un coteau, la pleine lune se hisse du sein de la chaude buée qui ouate l'horizon. Elle est rouge d'abord, comme une orange sanguine, puis semblable à une médaille de vermeil qui se dédore, telle enfin qu'une grosse perle — moins grosse évidemment que celles des nouvelles riches, mais peut-être d'un plus bel orient. La grande magie commence. L'astre glisse sous l'immobile feuillage, de l'enclos son élyséenne clarté. Dans la campagne environnante elle mêle le lait de sa lumière au lait de chaux des maisons. Comment exprimer ce crémeux de jasmin, ou éclate l'orangé des fenêtres allumées ? On croit respirer dans la brûlante nuit l'arôme des jardins espagnols. Qu'on est loin de ce pays Basque tant infesté !... Hé ! non. Tout en bas, un ronronnement continu, sur la grand'route qui longe le feston vaporeux des montagnes, tente de couvrir le concert des grillons exaspérés. Les phares d'autos se suivent comme une migration de lucioles : nos amis d'outre-Pyrénées rentrent à Saint-Sébastien ou vont passer à la Réserve d'Hendaye cette douce nuit enlunée. Là-bas, d'où monte le soupir de la mer, à mi-pente des falaises de Biarritz, ce cordon lumineux, c'est le Pavillon Royal. Allons, la "civilisation" si proche n'est point encore trop gênante dans ce pays primitif. Le vrai pays Basque intimide les fêtards : il est trop grave. On peut toujours rêver chez lui et se relier à la part éternelle de la Nature qui passe infiniment toutes les beautés établies par l'homme.
HAÏCABIA HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
LA RESERVE DE CIBOURE PAYS BASQUE D'ANTAN |
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