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mercredi 1 janvier 2020

LES ÉVENÉMENTS DE SAINT-SÉBASTIEN (DONOSTIA) EN GUIPUSCOA AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1893


LES ÉVÉNEMENTS DE SAINT-SÉBASTIEN EN 1893.


En 1893, le 27 août 1893, les soldats tirent sur la foule à Saint-Sébastien, en Guipuscoa, et il y a des dizaines de victimes.


SAINT-SEBASTIEN 1893
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans 

son édition du 3 septembre 1893 :


"Les événements de Saint-Sébastien.




Dimanche dernier, 27 août, par une de ces journées d'été où le soleil radieux semble faire fête aux nombreux hôtes de la ville,  Saint-Sébastien présentait un aspect extrêmement animé, sincèrement joyeux ; pensez donc ; c'était la dernière des grandes courses de taureaux et Guerrita, le héros du jour, tenait l'affiche. 

GUERRITA 1905



Après les courses, où 14 000 assistants avaient frénétiquement applaudi l’espada, la soirée avait été féerique, avec la belle illumination de la place, avec la musique, avec le feu d'artifice d'un luxe et d’une importance extraordinaires. 




Nous tous, les étrangers, nous ne nous serions jamais doutés, nous aurions refusé de croire que l’émeute couvait au sein de ces réjouissances, et que la fête brillante se terminerait par un drame lugubre. 




Il paraît pourtant que pendant la journée, à plusieurs reprises, des manifestations s’étaient produites parmi les gens du peuple. 




Ce qu’il y a de certain, c’est que, quand le concert public fut terminé, un certain nombre de Basques réclamèrent inutilement l’exécution de leur hymne national : Guernicaco Arbola. 



GERNIKAKO ARBOLA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Cette satisfaction refusée, ils insistèrent, crièrent, injurièrent, et, aux cris de "vivent les fueros", se rendirent à l’hôtel de Londres, où logeait le premier ministre. En chemin ils chantaient l’hymne basque et la Marseillaise




Devant l’hotel de Londres la manifestation ne tarda pas à prendre une tournure grave. Les émeutiers franchirent la grille de l'hotel et se répandirent dans le jardin en criant "vivent les fueros ! Mort à Sagasta". Les plus violents disaient même : "Assommons Sagasta et nous irons ensuite au palais compléter notre œuvre !" Les pierres lancées contre l’hôtel faisaient voler en éclats les vitres et les glaces ; pendant longtemps ce fut un vacarme épouvantable. Les manifestants se disposaient à prendre l’hôtel d’assaut et à enfoncer la porte. Inutile fut l’intervention du maire et du gouverneur : ce dernier même fut sérieusement houspillé. Alors survint la garde civique. 




Sans sommations préalables, — si nous en croyons le peuple, — les gendarmes fusillèrent la foule. 




Après plusieurs terribles décharges, les émeutiers prirent la fuite, poursuivis par les agents qui en arrêtèrent une soixantaine. Les morts et les blessés gisaient nombreux autour de l’hôtel et sur l’avenue de la Liberté. L’enquête que nous avons faite sur place tend à établir que le nombre des morts a dépassé la dizaine et celui des blessés la trentaine. 




A 3 heures du matin l’ordre était rétabli. Par crainte de retours offensifs une compagnie de soldats occupa l'hôtel de Londres et des patrouilles de gardes civils parcoururent les abords avec mission d'empêcher tous les rassemblements. 




Le matin l’émotion fut profonde et l’animation grande dans la ville. On s’arrache les journaux, on s'interroge anxieusement et autour de l'hôtel de Londres, la foule est considérable ; on se montre par terre et sur les murs les taches de sang et de cervelle et les traces des balles. Dans l'hôtel on nous fait voir les fenêtres en miettes. On nous montre, entres autres, dans la chambre du général Pavia une magnifique glace que les pierres des émeutiers ont brisée en mille morceaux. 




Tel est le bilan de cette lugubre nuit du 27 août. 




Le 28 au soir les manifestants ont fait cesser tout concert et toute représentation sur les places, au Casino, au théâtre. Les cafés, les magasins étaient fermés et dès 9 heures, St-Sébastien présentait l’aspect lugubre des villes désertes ou en deuil.  




Beaucoup de monde quitte St-Sébastien, la plupart pour venir à Biarritz ; la Reine-Régente n’est pas partie immédiatement, quoiqu’on en ait dit : selon toutes prévisions elle s’embarquera incessamment pour retourner à Madrid par Santander. 




M. Sagasta est résolu à décréter l’état de siège au premier mouvement ; il ne l’a pas encore fait pour sauvegarder les intérêts balnéaires de St-Sébastien. 



PRAXEDES MATEO SAGASTA



Des troubles ont éclaté aussi ces derniers temps à Victoria, à Bilbao, toujours au même cri de "vivent les fueros !" L’agitation n’est donc pas circonscrite à St-Sébastien. Quelle est donc sa cause ? quel est donc son but ? Voici de quoi il est question :


Les provinces basques et la Navarre accusent le gouvernement de M. Sagasta de faire litière de leurs droits immémoriaux. L’attaque porte sur plusieurs points. 



Il y a d’abord la réforme des lois provinciales et municipales qui va restreindre au profit du pouvoir exécutif et de ses agents, les prérogatives des autorités civiles. 



Il y a les sacrifices pécuniaires, que le ministre des finances ou plutôt la situation critique du trésor, va exiger de tous les contribuables. Et, circonstance plus grave, ces exigences menacent de porter atteinte au principe d’abonnement, en vertu duquel la Navarre et les provinces basques paient en bloc une somme déterminée et s’arrangent entre elles pour la répartition des charges. 



Il y a enfin la suppression des Capitaineries générales de Pampelune et de Victoria, qui donnaient à la Navarre et à l’Alava, l’illusion tout au moins d’une autorité militaire. Le transfert de ces capitaineries à Burgos va mettre sous la dépendance de la Vielle-Castille, jadis simple comté et simple fief d'Espagne, les fières provinces qui s'enorgueillissent d’avoir été le plus ancien et le plus souverain des royaumes de la péninsule. 




Au fond, ces vigoureux montagnards de la Haute-Espagne se soucient assez peu des doctrines libérales, des principes républicains, des idées révolutionnaires qui ont déjà fait couler tant de sang et qui sommeillent ou s'agitent dans le restant de l’Espagne. 




Ils luttent contre le gouvernement, non pour la Liberté, mais pour le privilège, non pour la République espagnole, mais pour l’indépendance locale. 




Ce qu’ils défendent par tous leurs moyens ce sont leurs fueros, débris mutilés mais chers encore à leurs cœurs d’une séculaire autonomie. 




Que les agitations navarro-basquaises prennent pour drapeau celui du carlisme ou celui de la République fédérale ce n’en est pas moins le Régionalisme, la Décentralisation qui est, sous des formes différentes ou opposées, l’unique inspiration des vrais enfants de cette terre rude et pauvre, d’autant plus aimée, quelle est moins favorisée de la nature. 




Or, depuis des siècles, depuis que les Espagnes furent réunies en un seul faisceau sous Ferdinand et Isabelle, et sous Charles-Quint, depuis ces temps, disons-nous, l’œuvre des hommes d’Etat Espagnols a été de substituer, le plus insensiblement possible, la centralisation administrative au fédéralisme originel. 




Dans cette voie, M. Castelar a été le continuateur des Ximénès et des Philippe II et M. Sagasta a continué l’œuvre de M. Castelar. 




Les récents événements tendent à démontrer que la main du ministre actuel a peut-être été, a du moins paru trop lourde aux Basques et aux Navarrais. 




Voilà la cause déterminante de la haine vouée au ministre, au gouvernement et par contre-coup peut-être aussi à la dynastie. 




Que résultera-t-il de cet état de choses et de ces événements ? Il serait téméraire de le préjuger. 




Dans cette Espagne où le peuple est plus malheureux et plus pauvre qu’en la plupart des pays, où l’esprit d'autonomie et l'esprit de liberté soufflent à la fois sur une chancelante monarchie, où les finances publiques suivent la voie de la faillite, et peut-être de la banqueroute, nous croyons que l’avenir est à la merci du plus petit événement suscité par le hasard."






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