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samedi 18 janvier 2020

UN VOYAGE EN DILIGENCE AU PAYS BASQUE EN MAI 1861 (quatrième partie)


VOYAGE EN DILIGENCE EN 1861.


La diligence est une voiture hippomobile pour le transport en commun. A partir de 1818, les grands services de transports s'organisent et les diligences deviennent de plus en plus importantes.



transports diligence autrefois
LE DEPART DE LA DILIGENCE 1818
DESSIN DE GEORGES CRUIKSHANK

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Soleil, dans son édition du 28 février 1903, sous la 

plume de George Light :



"Vingt-quatre heures en diligence (Suite). 


...Au bout d’un certain temps, je me réveille et je constate que la diligence roule allègrement dans une plaine riante et inondée des splendeurs d’un soleil rutilant, qui illumine un ciel d’azur foncé ; l’horizon est bordé par de hautes murailles noires garnies de bastions et de clochetons. Réellement, en Espagne, le soleil est plus beau et le ciel plus bleu ; je retrouve aussitôt toutes mes illusions en faveur de ce beau pays. Mon cher proscrit, décidément inaccessible au sommeil, me prévient que nous approchons de Vitoria, dont ces sombres murs forment la vieille ville, et résume les conseils qu'il m'a donnés ; il insiste surtout sur la nécessité d apprendre la langue au plus tôt et sur la valeur du procédé qui consiste à flirter avec une jolie Espagnole. Je lui confie mes suppositions à l'égard de notre compagnon de la veille, mais il ne fait qu’en rire, sans réussir pourtant à dissiper mes doutes. 

Enfin, nous enfilons la première rue de Vitoria, large et bordée de belles maisons blanches, dont les fenêtres sont fermées par de verts miradores, sortes de cages en verte et en bois, dans lesquelles on peut travailler à l’aise, et nous nous arrêtons bientôt à la fonda (hôtel) Pallarès, pour relayer. 



pais vasco alava antes
RUE GARE VITORIA GASTEIZ ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous déjeunons et je déplore de plus en plus de me séparer de cet agréable compagnon, qui m'a déjà rendu tant de petits services ; je lui promets d'aller le rejoindre à Madrid, dès que j’aurai appris l'espagnol, et je le remets en voiture. Pour échapper à mes regrets,je vais me coucher. Dans l'après-midi je suis réveillé par une musique militaire qui joue des airs de danse très originaux, et je cours à la fenêtre pour voir passer une troupe de soldats, dont la tenue est des plus martiales ; vêtus d'une tunique marron avec pèlerine, ils portent la casquette carrée qui est commune à tous les corps ; seulement, les simples soldats n’ont que des sandales ; mais ils paraissent solides et déterminés, tandis que les officiers sont généralement trop jeunes, relativement à leur grade, et ont un aspect malingre et souffreteux. 




Je m'habille et je descends au bureau, où suivant les instructions de M. Delmas, je dis à l’employé : 


En donde vive el marqués de Laguna (où demeure le marquis de Laguna) ? 



Ce brave employé dépose sa plume et me fait un long discours, appuyé de grands gestes ; j’écoute patiemment et, me souvenant du mayoral, je réponds : 


No entiendo




Sans se troubler, l'employé recommence et me donne sans doute des détails plus complets, car son discours est plus long ; j’écoute avec la même patience et je répète : 


No entiendo




Le malheureux s’affaisse, interdit, mais le patron de l'hôtel, qui nous écoutait, prend la parole et me dit en français : 


— Vous ne parlez peut-être pas l’espagnol, Monsieur ? 

— Mais pas du tout. 

— C’est bien, je vais vous faire conduire. 

pais vasco alava antes
CHALETS DU PRADO VITORIA GASTEIZ ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il appelle un garçon et lui donne ses instructions ; celui-ci me conduit à une belle maison, peu éloignée, où il sonne. Une bonne vient ouvrir et entre eux s’engage un colloque auquel je ne comprends rien, bien entendu, mais dont le résultat est la retraite de la bonne, qui referme prestement la porte. Mon guide me ramène à l’hôtel et j’apprends que le marquis de Laguna est absent jusqu'au surlendemain matin. Je dois paraître bien contrarié ; aussi M. Pallarès m’engage-t-il à aller faire le tour de la place voisine, où je trouverai une papeterie, tenue par un Français, M. Lacau, qui se fera sûrement un plaisir de me piloter en ville. Je sors et je ne tarde pas à trouver cette fameuse place, dans laquelle on ne pénètre que par deux grandes portes opposées l’une à l'autre. Elle est entourée de maisons élevées sur des arcades semblables à celles de la place des Vosges de Paris, mais plus larges et plus basses ; sous l’une d’elles, j’aperçois la papeterie Lacau et le papetier se met à ma disposition avec empressement. 



pais vasco alava antes
GARE VITORIA GASTEIZ ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Nous sortons et allons cimenter la connaissance au café, où l’on nous sert à chacun un limon, un verre de limonade, très simple mais fort agréable au goût ; M. Lacau me donne aussi des conseils ; décidément, c’est la manie des Français établis en Espagne ; il m’engage spécialement à me défier des Français, qui sont trop souvent des malfaiteurs en fuite. 




Le lendemain, je passe la plus grande partie de la journée avec ce digne papetier et, le surlendemain, je retourne à la demeure du marquis ; je sonne et je tends ma lettre de recommandation à la bonne, en disant : 


— El marques de Laguna ? 




La bonne me fait entrer, en riant, ferme vivement la porte et s’élance dans l’escalier ; je la suis et je suis introduit dans un salon aux proportions grandioses, éclairé par deux grandes fenêtres à mirador, s’ouvrant sur une belle place, plantée d’arbres et remplie d’enfants, qui se roulent dans l’herbe avec frénésie ; je les regarde jouer ; mais j’entends une voix, qui me dit : 

— Soyez le bienvenu, cher monsieur ! Comment trouvez-vous Vitoria ? 



pais vasco alava antes
MARCHE VITORIA GASTEIZ ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je me retourne vivement et je vois, me tendant les mains...mon chef de brigands de la diligence. Je retiens avec peine un grand éclat de rire, je serre ces mains cordialement tendues et la conversation s’engage sur le pied d'une complète intimité. Mais le marquis, après avoir expliqué les motifs qui l’ont empêché de se faire reconnaître en diligence, m’engage à le suivre pour voir si ma chambre me convient. 




— Comment, ma chambre ? dis-je, au comble de la surprise. 

— Sans nul doute ! Vous ne supposez pas, j'imagine, que je vais vous laisser à l'hôtel. 

— Mais ce n'est pas sérieux ! 

— Pas sérieux ? Ah ! par exemple ! Si vous restiez à l’hôtel, quand vous m'êtes adressé par un excellent ami, c’est que l’hospitalité espagnole ne serait plus qu'un vain mot. Vous m'appartenez et vous êtes ici chez vous ; plus vous y resterez, plus je serai satisfait. Dans peu de temps, nous irons passer quelques jours à Tolosa, pays moins riche, mais plus pittoresque que celui-ci, et nous y organiserons de belles chasses. Vous verrez que je ne vous laisserai pas le temps de vous ennuyer. 




Et, là-dessus, le marquis appelle un domestique et lui donne un ordre que je ne comprends qu'en voyant, au bout de quelques minutes, celui-ci revenir avec mes bagages. 



alava antes
VITORIA GASTEIZ ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN

C'en était fait, je devais rester à Vitoria, assez longtemps même, grâce à la constante amabilité du marquis, pour y apprendre l'espagnol."




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