MAURICE RAVEL.
Joseph Maurice Ravel est un compositeur Basque né à Ciboure (Basses-Pyrénées) le 7 mars 1875 et mort à Paris le 28 décembre 1937.
COMPOSITEUR MAURICE RAVEL |
Voici ce que rapporta le journal Mercure de France, dans son édition du 1er février 1938 :
"Maurice Ravel.
...L’année de ce retentissant et injuste échec, Ravel écrivit sa Sonatine en fa dièze, dont le curieux menuet utilise les modes antiques, sans sensible, et les cinq pièces de piano des Miroirs (Noctuelles, Oiseaux tristes, Une Barque sur l'Océan, Alborada del Gracioso et La Vallée des Cloches). Traduisons le titre de la quatrième pièce : "aubade du bouffon", du plaisantin si l’on préfère. Gracioso n’a point d’équivalent en français ; dans l’orchestration plus tard réalisée, Ravel a mis en valeur le caractère parfois humoristique de celte pièce. Miroirs furent interprétés — avec quelle admirable sûreté ! — par Ricardo Viñès à la Société Nationale, le 6 janvier 1906. "Réussites descriptives exceptionnelles, dit à propos de Miroirs M. Alfred Cortot, et qui, loin d’émousser le pouvoir imaginatif de Ravel, lui donnent l’occasion de se manifester sans redites, sans imitation de soi-même, dans un constant esprit d’invention et de découvertes." Ce renouvellement, les trois morceaux qui composent le recueil inspiré par le Gaspard de la Nuit d’Aloysius Bertrand (1908) l’attestent avec éclat. Ondine, la première pièce, offre un crescendo magnifique s’élevant à travers un ruissellement de sonorités ; il n’existe pas, assure M. Alfred Cortot, dans l’entière littérature du piano, d’exemple d’un tragique aussi poussé que Gibet, la deuxième pièce du recueil ; il n’en est point qui laisse derrière soi une aussi singulière sensation de malaise. D’étranges accords, "d’inquiétantes désagrégations harmoniques, rôdent pendant cinquante-deux mesures, la durée totale du morceau, autour d’une hallucinante pédale intérieure de si bémol dont les vibrations syncopées se heurtent plaintivement à l’impassibilité d’un rythme de plomb". Scarbo, la troisième pièce, est un scherzo non moins étonnant, dont l’apparent désordre cache la composition la mieux ordonnée qui soit, mais reflète la vision du gnome "pirouettant sur un pied et roulant par la chambre comme le fuseau tombé de la quenouille d’une sorcière". Le sorcier, ici, c’est le musicien dont l’art demande, exige de l’interprète une traduction vigoureuse et quasi métronomique, et un parfait dosage de la sonorité, un respect du texte bannissant tout apport personnel, mais voulant une lucide intelligence. Il n’existe guère de musique plus difficile. Cette difficulté même, comme on l’a dit, préserve ces délicats bibelots des mains maladroites. Ils ne courent pas le danger d’être galvaudés.
En 1907, après Les Grands Vents venus d’outre-mer (sur un poème d’Henri de Régnier), Maurice Ravel entreprend de mettre en musique des Histoires Naturelles de Jules Renard. Cette prose ironique, ciselée à froid, menue, sèche, spirituelle, semble écarter a priori tout commentaire musical. Elle se suffit si bien à elle-même que toute surcharge doit nuire à l’effet cherché patiemment par l’écrivain. On n’imaginait pas qu’une idée mélodique pût jaillir de ces mots assemblés avec tant d’art appliqué. On avait tort : Maurice Ravel a pleinement accordé son humour à l’humour de Jules Renard. Les Histoires Naturelles rendent un son nouveau dans le concert des mélodies : le Paon, le Grillon, le Cygne, le Martin-pêcheur, la Pintade montrent un Ravel inventeur d’une forme de déclamation dont la convenance étonne d’autant plus qu’elle est toujours imprévue et dont l’accompagnement révèle une ingéniosité harmonique, un raffinement que nul avant lui n’avait atteints. Ajoutons encore que l’humoriste sait se montrer poète, laisser deviner — très discrètement — son émotion (dans le Grillon, par exemple).
C’est un tour de force de même ordre et c’est une réussite pareille que L’Heure Espagnole, composée pendant l’année 1907. Mais, cette fois, il s’agit d’un ouvrage plus long, tout un acte, et qui exige, à cause de ses dimensions, des ressources multipliées. Franc-Nohain avait fait représenter L'Heure Espagnole à l’Odéon, et pas plus que les proses de Renard les petits vers alertes, cocasses, spirituels, les répliques rebondissant du coq à l'âne, les allusions parodiques dont la pièce était tissue, ne semblaient faits pour séduire un musicien. Tout ce cliquetis de mots, qu’eût-il risqué à passer sur les lèvres dos chanteurs sinon de s’assourdir et même de disparaître ? On connaît l’anecdote qui semble un conte de Boccace ou de La Fontaine, et comment la brûlante Concepcion, femme de l’horloger tolédan Torquemada, réussit à faire monter chez elle, successivement dissimulés dans une horloge que porte le robuste muletier Ramiro, le poète Gonzalve et l’alcade don Inigo Gomez, puis, dépitée parce que le bachelier ne sait que débiter des sornettes et parce que l’obèse Inigo demeure enfoncé dans son horloge comme une hamadryade en son chêne, comment Concepcion invite le muletier à monter dans sa chambre et cette fois "sans horloge". Toute cette verve légère et endiablée, la musique encore ne l’écrase ni ne la déforme, mais semble au contraire la multiplier. Le prélude n’aurait pu être écrit par aucun autre musicien que Ravel, méticuleux amateur de joujoux de précision, de bibelots mystérieux comme le mécanisme des coucous et des automates qui bruissent, s’animent, chantent dans cette extraordinaire, cette hallucinante symphonie. Les mots sont impuissants à dire l’amusante variété de ces trouvailles. Chaque personnage, dès son entrée, est défini, caractérisé musicalement avec autant d’esprit. Et cette diversité, ce jaillissement s’épanouissent jusqu’au quintette final qui éclate en parodie des opéras de l’ancien répertoire :
Un financier et un poète,
Un époux ridicule, une femme coquette,
Qui se servent dans leurs discours
De vers tantôt longs, tantôt courts,
Avec un peu d’Espagne autour...
L’Espagne : ses origines peut-être la rendaient familière à Ravel au point d’en faire comme sa seconde patrie, il a été en ceci pareil à Bizet, à Chabrier, à Debussy, à ces musiciens français qui ont trouvé dans les rythmes venus de par delà les Pyrénées — où parfois eux-mêmes n’étaient pas allés — quelques ouvrages demeurés parmi les meilleurs de la musique française et où les Espagnols retrouvent cependant l’accent même de leur terroir. La Rhapsodie Espagnole est, elle aussi, de 1907, période de production étonnamment féconde, car Ravel, en ce moment, songe à Daphnis et écrit, avec les Cinq mélodies populaires grecques traduites par M. D. Calvocoressi, Ma Mère l'Oye, la Vocalise en forme d’Habanera et encore, sur le poème de Verlaine, Sur l'Herbe. La Rhapsodie Espagnole fait retentir, selon le mot très juste de M. Roland-Manuel, un orchestre nerveux, félin, transparent, une instrumentation tout en semble soyeuse et sèche, fluide et profonde : "Souriant géomètre du mystère, Ravel dose les impondérables de la substance sonore sur les balances les plus sensibles et les plus justes du monde."
COMPOSITEUR MAURICE RAVEL |
Dans Ma Mère l'Oye, il transpose en un langage tout moderne l’éternel agrément des contes enfantins. La Pavane de la Belle au Bois dormant, Le Petit Poucet, Laideronnette, impératrice des Pagodes, La Belle et la Bête, Le Jardin féerique, qui composent le recueil pour piano à quatre mains, furent donnés pour la première fois au concert inaugural de la Société Musicale Indépendante dont Maurice Ravel fut un des fondateurs, le 20 avril 1910. Deux petites filles s’assirent au piano ; l’une était un futur prix de Rome, Jeanne Leleu, alors élève de la classe Cortot, et Ravel lui-même interpréta ce soir-là D’Un Cahier d’esquisses, de Claude Debussy.
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