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jeudi 23 janvier 2020

LA COUVADE CHEZ LES BASQUES EN 1877 (deuxième partie)


LA COUVADE CHEZ LES BASQUES EN 1877.


La couvade est une pratique humaine, observée dans plusieurs sociétés depuis au moins l'Antiquité.


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LA COUVADE AUTREFOIS

Elle désigne un ensemble de rites accomplis par un homme - généralement le père et mari - 

pendant la grossesse d'une femme, son accouchement et la période post-natale.



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La République Française, dans son édition du 19 

janvier 1877 :



"...C’est dans son Voyage en Navarre pendant l'insurrection des Basques (Paris, 1836, et Bayonne, 1865, chap. X) que Chaho s’occupe de la couvade



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VOYAGE EN NAVARRE D'AUGUSTIN CHAHO
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici tout ce qu’il en dit : 


"Il existe dans cette province (la Biscaye) des vallées dont la population rappelle, par ses usages, l’enfance de la société ; les Biskaiennes y quittent le lit immédiatement après leurs couches et le montagnard prend la place de sa femme auprès du nouveau-né." 




Cette phrase est accompagnée de la note ci-après : ("Voir Strabon, liv. III") et Chaho continue : "Il est fort ordinaire de voir une Biskaienne se livrer au travail des champs jusqu’aux derniers jours de sa grossesse ; plus d’un enfant, baigné dans le ruisseau au bord duquel il vint au monde, passe son premier jour à l’ombre de quelque haie ou d’un arbre, tandis que sa mère retourne à son travail." 



Ainsi Chaho n’a fait que paraphraser Strabon, en vertu d'un raisonnement analogue au suivant : les Basques étant les descendants des Ibères, des Cantabres, des Vascons, etc., ont dû conserver les coutumes et les mœurs de ces peuples ; mais si la couvade se pratique quelque part, ce ne peut être que chez les Biscayens, les plus rudes des Basques contemporains. C'est par des raisonnements de ce genre, joints à un déplorable système de travail par à peu près et aidés par une imagination ardente, que Chaho a présenté au public savant un pays basque tout de fantaisie, et exposé des théories séduisantes qui ne supportent pas la moindre analyse. La soi-disant légende d’Aïtor, citée par M. de Quatrefages, est tout entière de l'invention de Chaho et ne repose sur aucune tradition réelle. M. Bladé a été d'ailleurs trop sévère en taxant le brillant écrivain basque d’imposture et de mensonge ; il n'est coupable que de légèreté. Mais, pour en revenir à la couvade, ni M. Bladé ni M. Cordier n’ont remarqué que Chaho, qui était de Tardets, c’est-à-dire du cœur de la Soule, se garde bien d’attribuer à ses compatriotes cette coutume bizarre. S’il l’avait vue fonctionner autour de lui, il n’eût certainement pas manqué de le dire, puisque, pour les besoins de la cause, il suppose qu’elle est spéciale aux vallées reculées de la Biscaye. 


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GEOGRAPHIE DE STRABON


Du reste, aucun écrivain basque, aucun voyageur moderne n’en a parlé. A l'affirmation de M. Cordier qui prétend qu’en Soule et en Basse-Navarre on lui a avoué l'habitude de la couvade, on peut opposer des affirmations contraires. Par exemple, M. Bladé (Etudes sur l'origine des Basques, Paris, 1869, in-8°, p. 527) s’exprime en ces termes : 


"Durant mes fréquents voyages dans le pays basque, français et espagnol, j'ai vainement essayé de constater un seul fait relatif à la couvade. J’ai interrogé là-dessus les curés, les médecins, les vieillards et les sages-femmes. Personne n’a pu me signaler un seul fait qu’il me fût possible de vérifier par une enquête que j’étais résolu à aller faire sur les lieux." 




Bien d'autres personnes ont également entendu des réponses négatives à toutes les questions adressées aux Basques sur la couvade. Celui qui écrit ces lignes habite depuis dix ans aux portes du pays basque qu'il a fréquemment occasion de parcourir ; il n’a jamais pu rencontrer un cas vérifiable de couvade, bien que certains chercheurs maladroits et crédules aient été à ce propos, sous ses yeux, l'objet de mystifications plaisantes. 




La communication faite à la Société scientifique de Pau, en 1874, par M. Piche, ancien conseiller de préfecture des Basses-Pyrénées, que nous avons cité plus haut, se terminait ainsi : "Il me parait surtout intéressant de rechercher si cette étrange coutume de la couvade qu’on nous prête a jamais existé dans le Béarn ou le pays basque et, en cas d’affirmation, s’il en reste encore des traces aujourd’hui. Notre honorable secrétaire général (M. V. Lespy) penche pour la négative ; cependant M. Cordier, qui est un auteur sérieux, rapporte des faits qui sembleraient indiquer l'existence de cette coutume de nos jours encore. Il y a là un point à éclaircir ; je me borne à le signaler à qui de droit. Je formulerai ainsi les questions qu’il y aurait à résoudre : la coutume désignée par les auteurs sous le nom de couvade a-t-elle existé dans le Béarn ou le pays basque ? Si oui, peut-on déterminer son extension géographique ou historique? Existe-t-elle encore ? Quelle explication donne-t-on de cette coutume ?" Malgré la publicité donnée à ces questions par les journaux du département, aucune réponse n’y a encore été faite. Quoi qu'il en soit, il ne paraît point du tout établi que la coutume de la couvade existe chez les Basques. 




Mais y a-t-elle existé? C’est plus que douteux pour le Labour (partie sud-ouest de l'arrondissement de Bayonne) ; en tout cas, on peut assurer qu’elle ne s’y pratiquait déjà plus en 1609, car de l’Ancre, conseiller au parlement de Bordeaux, qui parcourut le Labour pendant cinq mois (de mai à septembre 1609), n'en dit pas un mot. On sait qu’il y avait été envoyé, avec le président d’Espaignet, pour faire une enquête judiciaire sur la sorcellerie ; il en a rendu compte notamment dans son Tableau de l'inconstance des mauvais anges (Paris, 1610 et 1612, in-4°) ; ces magistrats prirent leur mission tellement au sérieux qu'ils firent brûler comme sorciers environ cinquante personnes dont trois prêtres. Or, le pieux conseiller n’eût pas manqué de relever, à la charge des Basques, la couvade, lui qui leur impute à crime leur souplesse physique, leur habileté à la nage, leur habitude de se nourrir de pommes et leur passion pour le tabac. 



pays basque autrefois sorcellerie
LIVRE TABLEAU DE L'INCONSTANCE DES MAUVAIS ANGES ET DEMONS
DE PIERRE DE LANCRE


Quant à la Basse-Navarre et à la Soule, il est plus possible, bien que la preuve n’en ait pas non plus été faite encore, que la couvade y ait été en usage. Ces provinces touchent en effet au Béarn : la plupart des auteurs qui ont parlé de cette coutume étrange l’attribuent aux Béarnais, dont le patois a fourni même le mot caractéristique de couvade. C’est des Béarnais qu'il est question dans le passage de Legrand d’Aussy cité par M. Cordier. 




Au tome II des Fabliaux publiés par le savant que nous venons de nommer, on lit (édition de 1779, p. 180) l’histoire d’Aucassin et de Nicolette. A la page 203 se trouve le passage qui nous intéresse. Dans leur fuite, Aucassin et Nicolette s’embarquent sur mer : "Une tempête horrible qui survint les obligea de gagner le port et le château de Torelore (m). Le damoiseau resta trois ans dans cette ville, etc." — Au renvoi m correspond (p. 216) la note suivante de Legrand d’Aussy : "C’est un pays bien singulier que cette terre de Torelore. Le roi est au lit et se couche quand Aucassin y arrive. La reine, d’un autre côté, à la tête d’une armée de femmes, fait la guerre avec des œufs, du fromage mou et des pommes cuites, fiction misérable que quelques romans modernes ont pourtant imitée, car quelle est la sottise qui n’a été dite qu’une fois ? Est-ce là une allégorie ? est-ce une critique ? Je l’ignore. Cette coutume, au reste, de faire lever les femmes accouchées pour vaquer aux travaux de leurs maris, tandis que ces mêmes maris se mettent au lit pour elles, n’est point une imagination de romancier. On l'a trouvée établie deux ou trois siècles après, chez les Caraïbes d’Amérique, et l'on prétend qu’elle a existé chez les peuples du Béarn (Colomiès,. Mél. hist., p. 26). Quoiqu’il en soit, Aucassin prend un bâton et rosse le monarque auquel il fait jurer qu’il abolira celte coutume dans sa terre. Il termine aussi promptement avec son épée la guerre des pommes cuites. J’ai supprimé cet épisode...., l’expression de roi de Torelore devint une injure que l'on appliquait à l’homme fanfaron qui promettait beaucoup et ne tenait rien." Je n’ai pu me reporter encore au texte du fabliau ; mais le résumé de Legrand d’Aussy est suffisamment expressif."



A suivre...


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