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mercredi 21 décembre 2022

LA RÉSIDENCE IMPÉRIALE DE MARRAC À BAYONNE EN LABOURD AU PAYS BASQUE (huitième et dernière partie)

 

LA RÉSIDENCE IMPÉRIALE DE MARRAC EN 1910.


Le domaine de Marrac se situe sur la commune de Bayonne et comprend les ruines du château construit au 18ème siècle par Marie-Anne de Neubourg, reine d'Espagne en exil.





pays basque autrefois tour napoléon bayonne
LA TOUR DE MARRAC BAYONNE 1901
PAYS BASQUE D'ANTAN





Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin de la Société des Sciences et Arts de Bayonne, le 

1er janvier 1910 :


"Le château Impérial.


Le Domaine de St-Michel.



Ecrire sur Marrac sans consacrer quelques lignes à St.-Michel, son annexe, n'est guère possible disons donc un mot sur ce domaine, aussi ancien que Marrac, (nous avons fait connaître son origine et les diverses mutations de ses propriétaires), et qui avait acquis, durant vingt années (de 1718 à 1738) un certain éclat par le séjour de la princesse palatine Marie-Anne de Neubourg, veuve de Charles II d'Espagne.



reine espagne portugal
PORTRAIT DE MARIE-ANNE DE NEUBOURG
PAR W HUMER



A la suite d'intrigues politiques, Philippe VII l'exila et lui assigna Bayonne comme résidence.



La douairière faisait son entrée dans notre ville le 20 septembre 1706. Reçue à la Porte St.-Léon par le Maire, Pierre de Lalande-Gayon, les magistrats municipaux, le Gouverneur de la Province, Comte de Gramont et de la Gibeaudière, Lieutenant du Roi, elle était conduite au Château- Vieux où des appartements lui avaient été réservés.



histoire comte gramont gouverneur
ANTOINE V DE GRAMONT



La douairière ne voulant pas abuser de l'hospitalité du Comte de Gramont, loua, pour elle et sa suite, les maisons de Bénac et Montaut, et, faisait choix comme résidence estivale, du joli domaine de Lissague, situé à St-Pierre d'Irube.



Un caprice de reine lui fit abandonner Lissague pour Saint-Michel.



Le séjour de la douairière à Bayonne, avait été une suite de fêtes brillantes, bals, réceptions, auxquels était conviée toute l'aristocratie du pays. Aussi sa dépense fut considérable et malgré une pension de Quatre cent mille ducats (fort irrégulièrement payée), elle laissa à son départ douze cent mille francs de dettes acquittées plus tard par le Gouvernement espagnol.



Le duc de Saint-Simon se rendant dans la Péninsule, comme Ambassadeur Extraordinaire, pour demander la main de l'Infante en faveur de Louis XV, fut admis à Saint-Michel dans une audience dont il nous a laissé le récit. L'Infant don Emmanuel de Portugal était aussi, pendant son séjour à Bayonne, l'hôte et le familier de la Reine.


duc pair france
LOUIS DE ROUVROY DE SAINT-SIMON


Ce fut aussi à St.-Michel que s'accomplirent les préliminaires d'un mariage des plus aristocratiques par la naissance et la fortune des époux. Ce contrat, encore inédit, est assez curieux pour trouver sa place ici.



Le 15 Avril 1837, au Palais Saint--Michel, en présence de la Reine et de toute sa Cour, fut dressé le contrat de mariage de Don Alonso Vincent de Solis, Folch de Cardonne, Comte de Salduña, Marquis de Château-Neuf, de Pons, Seigneur Baron de Maravalez, Palanchet et Prades, de Sinexa, de Azuebar, Sierra y Ria, Polunes et Masquera, Colonel du Régiment Lisbonne Infanterie et demoiselle Auguste-Thérèse-Gabrielle de Wignacourt y Ligne, Comtesse de Frigiliana.



L'acte fut signé par très-haut et très-puissant seigneur, prince Don Emmanuel, Infant de Portugal ; de très-haut et très éminent seigneur Sylvius-Valenti Gonzaga, archevêque de Nicée), prélat domestique de Sa Sainteté et Assistant au Trône pontifical, Archimandrite du Royaume de Sicile et de la province de Calabre, Nonce du Pape et Ambassadeur du Saint-Siège en la Cour de S. M. C. et de d'Adoncourt, Lieutenant de Roi.



La très-auguste et très-puissante princesse palatine Marie-Anne de Neubourg, leur fit l'honneur d'apposer sa signature au bas de l'acte "Yo la Reina".



Les fiancés appartenaient à deux familles nobles d'Espagne et de Belgique et possédaient une fortune considérable.



Le futur portait en dot tous les états et majorats dont il avait hérité de très-haute et très-excellente dame Josèphe Folch de Cardonne, sa mère, qui consistaient dans le Marquisat de Château-Neuf, Baronnie de Malavez, Prades, et Palanchet, etc..., ainsi que plusieurs maisons situées dans le Royaume de Valence, le Marquisat de Léon et dans la Province de Catalogne.



En vue des charges du mariage, son père lui attribuait une rente annuelle de 4 000 ducats. La future épouse portait de son chef, le nouveau majorat fondé par le Comte de Aguilar, son parent ; elle portait en plus 30 000 piastres qui se trouvaient en mains de l'Evêque de Quito. (Mexique) et 1 800 piastres d'or d'Espagne (36 000 livres environ de monnaie française) valeur en diamants, vaisselle d'argent, etc...



Le fiancé et son père s'obligeaient encore à donner à la fiancée, pour arrhes et donation "propter nuptias" en augmentation de dot, la somme de 8 000 ducats à laquelle venait s'ajouter une rente annuelle de 1 500 ducats et 100 ducats d'augmentation pour ses épingles par le père de l'épouse.



La corbeille de fiançailles. contenait de nombreuses pièces d'orfèvrerie. que Pierre Fons, orfèvre et joailler de S.M. avait inventoriées :


Etat estimatif de la Toilette et Bijoux que leurs Ex. Mq

r el Madame Comtesse et Comte de Laroche, Prince de Barbasan, donnent à Mlle de Wignacourt, Comtesse de Frigiliana, leur fille unique, en faveur de son mariage avec son Exc. le Comte de Salduña, fait par moi, Pierre Fons, Orfèvre à Bayonne :

Deux carrés. d'argent pour le côté du miroir de toilette pour le déshabillé de Mademoiselle ;

Plus deux autres un peu longuets pour le même usage ;

Plus une broche â manche d'argent ;

Plus une aiguille aussi d'argent ;

Plus une boëtte (sic) et couteau et deux aiguilles à tête d'argent ;

Plus deux chandeliers d'argent pour la toilette ;

Une caffetière d'argent des plus grandes avec 3 robinets ; (c'est un chef-d'oeuvre fabriqué à Paris) ;

Plus une tétière d'argent destinée pour le safran ;

Plus une cuvette et son aiguière d'argent ;

Plus une croix avec six grandes rosettes et grand coulant de diamant à rempli.

Plus une grande rose montée en bague ;

Plus deux boucles aussi avec deux roses ;

De tout quoi vu et examiné j'estime la somme de Trente six mille livres.


Bayonne, le 4 Avril 1737.

Signé Pierre Fons.



Le mariage religieux fut célébré à l'abbaye de Roncevaux par Don Jayme de Solis y Gante, prieur de la maison royale, grand abbé de Cologne, conseiller du Roi, oncle de l'époux, assisté de Don José de Zaro, vicaire-général, de Don Juan Malléa et Blaise de Zaro chanoine de la maison royale de Roncevaux.



Pendant son séjour à Bayonne, Anne de Neubourg assista au mariage de personnes attachées à sa maison.



La première fois le 11 Mai 1707, Don Diégo Fernandez de Bobadilla, un de ses écuyers, avait épousé Doña Catalina Maria Calderon de la Barca, devant Monseigneur René-François de Beauveau, Conseiller du Roi en ses conseils, Evêque de Bayonne. Les témoins du mariage étaient, le Comte d'Albe, grand écuyer de la reine, et le marquis de Fuensagrada, majordome.



La seconde fois, ce fut le 4 Décembre 1712, Don Rodrigo de Abellanedo Sandoval y Rojas, marquis de Torremayor avait épousé Catherine de Beaumont de Navarre, marquise de Santa Cara.



Au mois de Mai de l'année suivante (1738) lorsque la Reine se disposait à quitter Bayonne, le Prince Emmanuel de Portugal, frère de Roi Jean V, donna en l'honneur de la Reine un grand bal, dans le Palais de St.-Michel. Les archives de la Ville racontent les magnificences de cette fête à laquelle fut invité le Corps de Ville qui y assista.



La douairière quittait Bayonne le 17 Septembre 1838, au milieu d'un grand concours de la population ; la milice Bourgeoise avait pris les armes et formait la haie avec les régiments d'Eu et de Duras. Le cortège royal précédé de la maréchaussée, suivi des écuyers de S. M. et de la jeunesse bayonnaise à cheval, prit la route d'Espagne et s'arrêta à Lorbinthua où le Maire prit congé de la Reine et lui souhaita bon voyage.



Après le départ de la Reine, Saint-Michel tomba dans le calme et la solitude et il fallut que le domaine devint la résidence de la Cour Impériale pour lui rendre l'animation et le mouvement des beaux jours d'autrefois.



En 1808, le Grand Maréchal du Palais et d'autres personnages de la Cour furent logés à St.-Michel, pendant le séjour de Napoléon à Bayonne. L'immeuble, massive construction en pierre, formée de deux corps de logis réunis entre eux par une galerie intérieure, se composait d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage. Le seuil franchi, on se trouvait dans un petit vestibule meublé de trois banquettes, et éclairé la nuit par un quinquet à trois becs. La salle à manger des grands officiers venait immédiatement après ; on entrait dans la pièce par une porte ogivale, à cadre sculpté et dont la clé de voûte était surmontée d'une tête de femme d'assez curieux effet, datant, sans doute, de la construction de l'immeuble. Une grande table en sapin, sur tréteaux, vingt-cinq chaises de paille fine, un feu à quatre branches en fer et un lustre à 3 branches en constituaient tout l'ameublement.



Dans cette salle existait une vaste cheminée moyenâgeuse, au chambranle à colonnettes ; le fond du trumeau représentant un panier de fleurs et fruits, entouré de cornes d'abondance d'où s'échappait une luxuriante végétation. Les sculptures de cette cheminée ont à demi disparu sous d'épaisses couches de badigeon.



Le salon des Grands Officiers, qui lui était contigu, avait comme ameublement une console en bois doré, à dessus de marbre de Languedoc, une console en acajou, piliers à gaine, figures et pieds de femme en cuivre bronzé et doré, dessus de granit gris ; une table à thé, en bois d'acajou, à dessus de granit gris, posée sur un pied triangulaire ; une table de déjeuner en bois de mérisier, à tiroirs et tablettes ; une petite console ; une paire de bras de cheminée avec feu en bronze doré orné de têtes égyptiennes ; un écran à trois feuilles, dix-huit chaises en paille fine et une lanterne en bronze à quatre verres bombés.



La lingerie venait après ; comme meubles un fourneau, des tables à repasser, des tablettes et des corbeilles à linge.



L'appartement du Duc de Frioul, se trouvait au premier étage. L'antichambre contenait une table à écrire en bois de chêne, à pieds tournés, avec encrier et six chaises. 



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MICHEL DUROC DUC DE FRIOUL



La chambre à coucher était meublée d'une couchette en merisier, les pieds en bois noir, figure et lyre en cuivre patiné ; un lit à console sculpté, doré et bronzé ; une chaise longue en merisier ; une bergère ; cinq chaises en cabriolet ; un tapis façon Turquie ; une commode en bois de merisier avec figures de bronze doré ; un bureau à cylindre, en acajou, avec garnitures de cuivre ; une table à écrire ; un feu en bronze ; un pot blanc et sa jatte à bordure dorée. Dans ses divers déplacements le Grand Maréchal se faisait suivre d'un buste représentant Pie VII, souvenir du couronnement. La garde-robe qui suivait contenait un somno imitation d'acajou et une chaise... d'affaires avec son seau de porcelaine.



Le Général Nansouty, le premier écuyer, occupait à St.-Michel, une chambre meublée de la façon suivante : un lit à couronne sculptée, à rosaces et étoiles bronzées et dorées ; deux fauteuils en acajou ; une commode en bois d'amarante plaquée.



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GENERAL COMTE DE NANSOUTY



Les gens de service occupaient les mansardes, et les équipages et chevaux de l'Empereur étaient remisés dans les bâtiments annexés.



St-Michel subit en 1822, le sort de Marrac, le domaine fut livré à l'Administration de la Guerre et sert depuis cette époque à loger les troupes de Cavalerie et d'Artillerie de la garnison.



Lee cantines, mess, ateliers et magasins de compagnie du bataillon du 49e de ligne, caserné à Marrac, occupent actuellement le bâtiment de St.-Michel.



Parmi les dépendances de St.-MicheI, il reste encore les vestiges d'une tour cylindrique que l'on aperçoit du côté de la Nive. Quelle fut la destination primitive de cette tour ? On ne peut répondre que par des conjectures. Séduit, sans doute, par le magnifique panorama sur la vallée de la Nive et sur les Pyrénées, l'architecte d'Anne de Neubourg eut-il l'idée d' étendre l'horizon du côté de la mer? (Certains prétendent que du haut de la tour on aperçoit l'Océan). Ou, encore, cette modeste construction fut-elle simplement destinée à un colombier ? D'aucuns ajoutent que la tour fut un poste de télégraphie aérienne de Chappe. Cette construction bâtie en moellons du pays était couverte d'une toiture conique en tuiles creuses ; un escalier extérieur, en pierre donnait accès à la pièce située dans.la partie supérieure.



Une légende populaire qui circulait à Bayonne bien après le traité, disait que le prince des Asturies, Ferdinand VII, y avait été enfermé pendant quelques jours. Mais cette version ne repose sur aucun fondement.



La tour est connue aujourd'hui sous le nom de tour St~Michel ; elle fut cédée en 1904 par le département de la Guerre à Madame la Comtesse de Grandry, propriétaire de Gaillat en échange d'un droit de passage des eaux-vannes des nouvelles casernes de Marrac dans les dépendances de Gaillat et terres de Lavignotte ; les dites eaux allant se déverser dans la Nive. La tour ne présentait plus qu'une ruine menaçant de s'écrouler d'un jour à l'autre, car une large brèche sectionnait la partie Est de la muraille. La nouvelle propriétaire eut l'heureuse inspiration de faire consolider la tour tout en lui conservant son aspect de ruines. Un architecte des Monuments Historiques, M. A. St-Vanne, reconstitua les encadrements d'ouvertures écroulées, fit exécuter des reprises dans les maçonneries tout en conservant les enduits que le temps avait respectés et sur lesquels on peut encore lire des quantités d'inscriptions et de dates gravées à différentes époques par les soldats casernés à Marrac."






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