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jeudi 28 septembre 2023

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1896 (troisième partie)

LA FEMME AU PAYS BASQUE EN 1896.


La place de la femme, dans la société, au Pays Basque, a toujours été très importante.







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FEMME D'ALAVA
PAYS BASQUE D'ANTAN



Après nous avoir parlé des enfants, des animaux domestiques, des mariages et de la mort, voici 

ce que rapporta au sujet de la femme au Pays Basque, Mme d'Abbadie d'Arrast, épouse 

d'Antoine d'Abbadie d'Arrast, dans la revue bimensuelle La Femme, le 15 janvier 1896 :



"La femme du pays basque (suite).



Le village de Sare est situé à 20 kil. de Saint-Jean-de-Luz, sur la frontière espagnole, dans la riante et verte vallée que la montagne de la Rhune domine. Or, à Sare, dans la maison Larrondo-Saharreau, vivaient, en 1793, cinq frères et soeurs. L'aîné s'appelait Pierre, deux garçons portaient le nom de Gratien, les deux soeurs avaient été baptisées l'une Marie, l'autre Madeleine. De tous les enfants, Madeleine était le plus jeune ; elle n'avait que 17 ans. Tous les cinq s'étaient acquis par leur sagesse et par leur vertu un grand renom auprès de leurs concitoyens ; ils ne faisaient jamais que le bien, car leurs coeurs étaient pénétrés de l'amour de Dieu. Madeleine, la petite soeur cadette, se distinguait surtout par son insigne piété. Cette année 1793, qui ne s'en souvient encore ! la terreur s'était abattue sur le pays basque comme sur le reste de la France ; les églises étaient interdites au culte, les soldats de la République s'en étaient emparés et ils y campaient, les transformant en casernes. Les prêtres, pour échapper aux massacres, s'étaient enfuis en Espagne. Mais Madeleine, lorsqu'il s'agissait de remplir ses devoirs religieux, n'avait peur de rien. Voici les choses telles qu'elles se sont passées, d'après l'enquête que l'on fit de maison en maison, dans le village de Sare.



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COMPAGNIE FRANCHE DE BAYONNE 1793
PAYS BASQUE D'ANTAN


Madeleine allait régulièrement en Espagne, à Véra, trouver les pères capucins auxquels elle se confessait. Un matin d'été, c'était le 27 août, elle revenait de Véra selon sa coutume. Elle n'était plus qu'à deux pas de sa porte lorsque, tout d'un coup, des soldats, qui se tenaient blottis derrière les broussailles, s'élancèrent, l'accostèrent, et lui demandèrent d'où elle arrivait et ce qu'elle venait de faire. Et Madeleine, dans la candeur de son âme, répondit toute la vérité : "Vous savez, leur dit-elle, que nous vivions ici sans prêtres ; ma conscience me pressant d'accuser mes péchés, je suis allée à Véra faire ma confession." L'un des soldats fut touché de tant d'innocence et il dit à Madeleine : "Comment se peut-il, jeune fille, que vous ne sachiez pas qu'il est défendu de parler de pratiques semblables ? A l'avenir, soyez plus prudente ; un mot vous perdrait. Si l'on vous interroge, cherchez quelque excuse."



Mais l'enfant répondit simplement : "Je ne saurais user de subterfuges. Je ne consentirai jamais à dire le plus petit mensonge."



A l'ouïe de ces paroles, les soldats se saisissent aussitôt de Madeleine et l'emmènent à Saint-Jean-de-Luz. A Saint-Jean-de-Luz siégeait le tribunal révolutionnaire, que présidait le général Pinet, le maître du pays, sous les ordres de qui tout le monde tremblait.



Madeleine est conduite en prison ; lorsqu'elle pénètre dans son cachot, on eût dit un ange. Elle édifie par sa piété ses compagnons de captivité, les personnes qui viennent la voir, et même le général Pinet !



Au jour fixé pour son jugement, on la mène devant le tribunal révolutionnaire, et les juges l'interrogent. Elle répond à toutes les questions avec la plus grande franchise. En conséquence on la déclare coupable et on la condamne à mort.



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PILORI REVOLUTIION
PAYS BASQUE D'ANTAN


Tandis qu'on la menait à l'échafaud, la pauvrette, tout le long de la route, chantait des cantiques, et jusque sur la guillotine, comme le bourreau lui tranchait la tête, elle priait Dieu, se recommandant à haute et intelligible voix à la miséricorde céleste.


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GUILLOTINE SOUS LA TERREUR


Ainsi périt la bienheureuse Madaléna Larrondo-Saharreau, de Sare. C'était le 30 septembre 1793 que cette chose se passait.



Le martyre de Madeleine Larrondo a servi de thème à une complainte en vers basques. L'auteur est un cordonnier de Baïgorry qui s'est fait souvent applaudir sur les places publiques, dans les fêtes locales, par ses brillantes improvisations. La langue basque se prête aux improvisations, ces sortes de joutes passionnent le peuple. On cite deux femmes qui rivalisent d'à-propos et de verve, lorsque ensemble, l'une contre l'autre, elles luttent pour développer le sujet que le président de la fête leur propose sur le moment même. Ces deux femmes ont obtenu dernièrement un grand succès sur la place du Jeu de Paume d'Hasparren ; l'une vantait les charmes de la vie du laboureur, l'autre célébrait l'utilité de l'ouvrier sandalier.



Ces deux improvisatrices se nomment Marie Argain Urqudoya, de Cambo, et Anna Etchegoyen, d'Hasparren. Marie Argain est une belle basquaise de 30 à 35 ans, brune, robuste, d'une physionomie expressive ; elle s'est mariée avec un brave homme qui est métayer dans la montagne, à deux kilomètres de Cambo. Autrefois elle était sandalière ; maintenant elle cultive sa terre avec son mari ; elle n'a pas d'enfants.



Dans les concours, à diverses reprises, elle a remporté plusieurs prix qui lui ont valu des bénéfices auxquels elle doit être sensible, car cinquante francs constituent une somme pour de pauvres montagnards. Cette lauréate de concours ne sait ni lire, ni écrire ; chez elle, l'art de la versification s'est développé spontanément vers l'âge de vingt ans. Dans un des derniers concours où elle a été couronnée, à Espelette, le sujet était celui-ci : "L'époux et l'épouse dans leur intérieur." Marie Argain, paraît-il, trouve des rimes heureuses, quelquefois des traits d'esprit, rien cependant de très saillant comme valeur poétique. Son talent est de qualité moyenne. Mais qu'importe, ne doit-on pas être surpris de trouver ces dons chez une ouvrière illettrée, une simple paysanne ?



Sa rivale, Anna Etchegoyen, est une jeune fille d'une figure agréable et distinguée ; elle a débuté par être sandalière comme Marie Argain. Tout en façonnant les semelles de chanvre des sandales en compagnie des ouvriers et des ouvrières de son atelier, elle s'exerçait à composer des vers. Peu à peu, elle a pris le goût et l'habitude de traiter sur-le-champ tout sujet qu'on lui propose. Elle n'a pas plus de vingt ans ; elle a suivi l'école, elle sait lire et écrire. Mais ce n'est certainement pas grâce à la lecture des auteurs qu'elle a enrichi son imagination et affiné son goût. Cela lui est venu spontanément, comme chez Marie Argain. C'est affaire de race, de genre de vie. Ces deux femmes habitent Cambo, car Anna est entrée comme fille de service dans un des principaux hôtels de la localité. Le proverbe dit: "A Cambo les langues sont plus actives que les balais." Le matin, les ménagères descendent sur le pas de leurs portes, le balai à la main. Toutes les commères se rassemblent dans la rue, se racontent des nouvelles et s'éternisent dans des bavardages sans fin. La clémence d'un beau ciel presque toujours ensoleillé favorise ces usages. Sont-ce ces habitudes qui ont développé les facultés de nos improvisatrices ? Quoi qu'il en soit, lorsque Marie Argain et Anna Etchegoyen concoururent ensemble, elles remportèrent un véritable succès ; à la plus grande joie des auditeurs, elles se disputèrent et s'emportèrent l'une contre l'autre, la lutte fut des plus animées. Anna Etchegoyen fut couverte d'applaudissements. "Qu'avez-vous fait quand vous avez entendu qu'on vous applaudissait ? 

— J'ai fait bonjour avec la tête. 

—Et vous n'étiez pas intimidée ? 

— Oui, un peu en commençant, puis j'ai oublié d'avoir peur. "Tout cela très simplement dit, avec un éclair de fierté dans les yeux." "Après vous être disputées, vous ne vous en êtes pas voulu, Marie Argain et vous ? 

— Oh ! que non. Aussitôt que nous avons eu terminé notre dispute, nous n'avons plus été en colère et nous sommes redevenues bonnes amies comme auparavant. 

— Comment vous habillez-vous pour vous présenter en public ? 

— Nous mettons nos vêtements habituels, nous sommes comme toujours. M. le curé est là qui nous regarde et nous écoute ; nous ne voudrions pas être remarquées et grondées."



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L'IMPROVISATEUR DE ROBY
MUSEE BASQUE BAYONNE


Pour assister aux improvisations, les habitants de la contrée arrivent par centaines ; la place est comble : les prêtres, les juges de paix, les maires, les grands propriétaires se mêlent à la foule ; Tout se passe avec une extrême convenance ; la mise en scène ne manque pas d'une certaine solennité. Les concurrents récitent leurs vers sur une sorte de mélopée, leurs images, leurs expressions conservent en général le respect des convenances, et il est bien exceptionnel qu'on entende une plaisanterie déplacée ou un mot risqué. Il n'y a donc rien de choquant que des femmes prennent part à des jeux d'aussi bonne compagnie. C'est avant tout un divertissement national que les autorités civiles et religieuses se sentent tenues à consacrer par leur présence."






A suivre...




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