Libellés

jeudi 14 septembre 2023

LES BOHÉMIENS AU PAYS BASQUE AU DÉBUT DU 19ÈME SIÈCLE (deuxième partie)

 

LES BOHÉMIENS AU PAYS BASQUE AU DÉBUT DU 19ÈME SIÈCLE.



Cette minorité présente au Pays Basque a été longtemps victime de persécutions et de mépris.



pays basque autrefois gitans bohémiens cagots agots
GITANS REMPAILLEURS A HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet F. Lomet dans le Bulletin du Musée Basque N° 7 en 1934 :



"Un document inédit sur les Bohémiens du Pays Basque au début du XIXème siècle.





... Ces marins formaient partie des équipages des bâtiments équipés à Saint-Jean-de-Luz et Bayonne pour la pêche à la morue ; ils étaient fort recherchés des Anglais pour les expéditions lointaines. Enfin, ils concouraient avec les Basques aux armements qui avaient pour but la pêche de la baleine, dans le temps où le commerce de Bayonne était en possession de ce genre d'industrie. Quelques-uns de ceux-là rapportaient de l'argent qu'ils employaient à acheter, des communes ou des particuliers, quelque coin de terre isolé, où ils élevaient eux-mêmes de mauvaises baraques et se formaient quelques clôtures. Ils les louaient ensuite à d'autres de leur secte, et comme d'une part, aucun habitant du pays n'aurait voulu tolérer l'habitation des familles bohémiennes sur son terrain, et que de l'autre, les propriétés bohémiennes se trouvaient être fort resserrées et en petit nombre, il en résultait que ces propriétés étaient encombrées de diverses familles qui s'y réunissaient en société et que le plus souvent 15 à 18 individus de tout âge et de tout sexe se trouvaient entassés dans une même chambre, sous un même appentis dénué de meubles et d'ustensiles, couchant sur la fougère sèche et vivant en commun.



Comme leur discrétion est extrême, et qu'ils persistent avec un fanatisme outré à cacher leurs habitudes intérieures, il est difficile de bien connaître les détails de leurs usages. On peut présumer, d'après l'état de nudité presque totale où ils se trouvent et leur entassement dans des baraques très resserrées, qu'ils ont des moeurs différentes de celles des autres habitants du pays. Presque toutes les plus jeunes filles ont des enfants qu'elles allaitent avec soin et qu'elles portent en toute occasion sous leurs bras, comme nous porterions un rouleau de papier. On peut présumer qu'ils ont une sorte de culte particulier. On a prétendu qu'ils étaient Ariens, et que la communauté de femmes était admise parmi eux.



Il est probable que si quelques-uns d'entre eux semblent avoir embrassé le christianisme, ce n'a été qu'à force de persécution qu'on a pu les y soumettre, sans cependant qu'on soit réellement parvenu à les convertir ; car ceux-là même demeurent avec les autres et professent en commun les habitudes de cette peuplade singulière, que jusqu'ici on a poursuivie, tourmentée, avilie de toutes les manières possible, au-delà même de tout ce qu'on pourrait imaginer, au lieu de s'occuper de les observer et de les instruire.



Les Bohémiens les plus forts et les plus adroits, s'adonnaient à faire la contrebande. Leur situation isolée sur l'extrême frontière de l'Espagne et de la France leur en fournissait le désir et l'occasion. Les employés aux Douanes les tuaient impitoyablement, quand ils les rencontraient sur leurs rondes, soit qu'ils fussent ou non chargés de marchandises. Il est notoire dans le pays, qu'avant 1788, on ne prenait pas même la peine de dresser des procès-verbaux de ces sortes d'assassinats ; il n'en était pas plus question que si l'on eut tué des bêtes fauves.



Cette sévérité extraordinaire peut être regardée comme une de ces erreurs politiques qui méritent de fixer aujourd'hui l'attention du Gouvernement ; car, en dernière analyse, ces contrebandiers occasionnaient annuellement une importation de plus d'un million de numéraire, d'Espagne en France, et ils n'exportaient à l'Espagne, que des produits de nos fabriques, des clincailleries françaises et une énorme quantité de tabac manufacturé en France dont l'importation est défendue en Espagne sous peine de mort ; enfin des moutons élevés dans les pâturages des Pyrénées Françaises destinés pour les boucheries espagnoles ; les Espagnols trouvant un grand intérêt à manger des moutons étrangers et à réserver les leurs pour la tonte dont ils tirent un si grand parti.



Les Bohémiens rapportaient en échange de belles laines d'Espagne au plus bas prix, des piastres, des lingots d'or et d'argent et quelque peu de ce tabac rouge terreux et pulvérulent connu sous le nom de tabac d'Espagne dont la consommation ne peut jamais faire un article remarquable dans la balance d'importation et d'exportation dont il s'agit et dont tous les avantages tournaient évidemment au bénéfice de la France.



En arrêtant cette contrebande, sous les prétextes spécieux qu'il est possible d'émettre en avant en pareil cas, et en donnant des ordres généraux dont l'application ne se réglait pas sur les circonstances particulières relatives aux intérêts respectifs de la France et de l'Espagne en cette partie, il en est résulté que les Français, faute de trouver les débouchés qu'ils avaient autrefois, pour la vente des moutons, qu'ils élevaient sur les magnifiques prairies qui couvrent les versants français, sont aujourd'hui réduits à louer les pâturages à vil prix aux Espagnols qui viennent eux-mêmes y nourrir et élever pendant l'été une quantité innombrable de moutons, qu'ils reconduisent ensuite, aux approches de l'hiver, dans les riches vallées de l'Ebre.



La nourriture des Bohémiens des Pyrénées, consiste en une sorte de bouillie fort épaisse, faite avec la farine de maïs ou de petit millet, à laquelle ils ajoutent quelque peu de sel ; ils versent cette bouillie dans des terrines où elle se fige, en se refroidissant ; ils la coupent ensuite en tranches épaisses d'un pouce et demi qu'ils font légèrement rôtir sur le gril ou se dessécher au four. Cette nourriture est connue dans le pays sous le nom de millassine.



Ils s'emparent avidement des chevaux ou des bestiaux morts dans les campagnes. Ils les dépècent, et se les partagent entre eux. Ils mangent aussi le poisson qui commence à se gâter et ne peut plus être vendu. Enfin ils recherchent et ramassent les harengs, les morues et tous les comestibles avariés qui sont rejetés hors des magasins et des vaisseaux de Bayonne et de Saint-Jean-de-Luz.



Les Bohémiens sont désignés en Espagne sous le nom de Gijanos (il se prononce Chritanos). Ils exercent les professions de portefaix, de tondeur de mules et de messagers. Il s'en trouve un assez grand nombre dans les ports et plus particulièrement dans celui de Cadix.



A Saint-Jean-de-Luz et Bayonne, les femmes pêchent des homards et des crabes sur les roches qui bordent la côte ; elles y ramassent des goëmons et du varech dont elles font des tas qu'elles vendent aux cultivateurs qui les emploient comme engrais. Quelques-unes d'elles disent la bonne aventure, mais plus en Espagne qu'en France. D'autres accompagnent les hommes à la pêche et comme eux se livrent aux travaux les plus rudes.



Les barques passagères du port du Passage, celles de la Nive et de la Bidassoa sont presque toutes servies par de jeunes et jolies Bohémiennes.



Tous les jours, un grand nombre de ces femmes se réunissent à Saint-Jean-de-Luz, pour porter de là au marché de Bayonne, tout le poisson qui se pêche dans les environs, surtout le thon et les sardines. Elles font le trajet qui est de trois myriamètres (six lieues) en moins de deux heures. Elles courent avec une agilité incroyable, quoiqu'elles soient chargées d'un fardeau de 30 à 60 livres qu'elles portent sur la tête. Aussitôt que leur poisson est vendu, elles reviennent de Bayonne à Saint-Jean-de-Luz, et de là retournent à leur hutte souvent éloignée de deux à trois lieues en sorte que ces malheureuses font tous les jours et en toute saison un trajet de 15 à 18 lieues. Les enfants de cinq à six ans suivent le cortège et s'accoutument ainsi, dès l'âge le plus tendre, à courir longtemps et avec une extrême rapidité."



pays basque autrefois cascarots femmes
KASKAROTS
PAYS BASQUE D'ANTAN



A suivre...








Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire